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Quand SOS Amitié répond à la détresse des internautes

Une femme devant une page internet [Lionel Bonaventure / AFP/Archives] Une femme devant une page internet [Lionel Bonaventure / AFP/Archives]

"Bonjour et bienvenue", tape Patricia, 47 ans, les yeux bleus éclairés par la lumière de l'écran derrière ses fines lunettes. La réponse s'affiche, suivie d'une question que les internautes posent souvent en arrivant sur le chat SOS Amitié : machine ou "vraie personne"?

"C'est classique...", souffle la bénévole (dont le prénom a été changé), le nez tendu vers la fenêtre de conversation. Sans une faute de frappe, elle rassure son interlocuteur et entame une conversation électronique à tâtons car le chat n'offre que peu d'indices sur l'identité de l'interlocuteur ou son niveau de mal-être.

A chaque réponse, elle sonde et pèse ses mots. Toutes les phrases et les silences comptent pour l'écoute sur internet, lancée en 2005 par SOS Amitié. La charte d'éthique est la même pour le courriel et la messagerie instantanées que pour les appels téléphoniques, et si le recours à ces services est encore timide, il est en constante augmentation, notamment du côté des jeunes.

Les "écoutants" SOS Amitié sont eux aussi les mêmes sur internet ou au téléphone, à une formation technique près pour des bénévoles en grande majorité retraités, qui doivent apprendre à utiliser l'outil numérique avant de se frotter à un nouvel exercice.

"C'est une autre manière d'écouter", explique Patricia, installée face à un ordinateur dans la pénombre d'une chambre reconvertie en bureau dans un appartement de Boulogne. En bruit de fond, la voix de Georges (prénom modifié), sexagénaire qui se charge des appels téléphoniques à l'autre bout du couloir.

"Les appelants ne sont pas du tout les mêmes sur le chat", note Patricia. 91% des utilisateurs ont moins de 45 ans, et les moins de 25 ans, qui ne représentent que 5% des prises de contact avec l'association en 2012, pèsent pour 44% des conversations sur la messagerie instantanée.

Parler "cash"

"Ils ont un autre vocabulaire, ils parlent +cash+ comme ils disent, ils sont directs et il faut l'être aussi", témoigne la mère au foyer qui consacre quatre heures par semaine à l'association maintenant que ses deux enfants sont grands. "On est encore en amont dans l'anonymat, il n'y a pas de voix, c'est de l'écrit pur, il y a moins d'émotion qui passe" mais l'intuition demeure, assure-t-elle.

En quatre ans de bénévolat, Patricia a échangé sur le net avec de jeunes victimes de troubles alimentaires ou de violences, des adolescents aux tendances suicidaires, qui se scarifiaient ... Elle se souvient d'adolescents, ou même d'enfants d'une dizaine d'années, et parle d'une population "très fragilisée".

L'écoute est alors fondamentale, mais l'association manque de volontaires et seuls 7% des 50.551 connexions adressées ont pu être accueillies par les écoutants sur les plages d'ouverture du chat SOS Amitié, de 19H00 à 23H00, quand la permanence téléphonique est assurée 24H/24. SOS Amitié compte environ 1.500 bénévoles, un chiffre qu'il faudrait multiplier par quatre pour répondre à la demande selon l'organisation.

La quasi-totalité (98%) des 696.000 prises de contact avec l'association restent des appels téléphoniques, mais leur nombre est en légère baisse alors que les connexions au chat progressent de 20% sur les six premiers mois de l'année. Les appels par courriels ont eux progressé de 1,7%.

Le courrier électronique a lui aussi ses spécificités, c'est une "bouteille à la mer" d'après les responsables de l'association, puisque plusieurs heures peuvent s'écouler avant qu'un bénévole réponde. "On n'est pas dans l'ici et maintenant", atteste la quadragénaire aux boucles grisonnantes qui décrit des messages qui peuvent être "parfois très long, toute une logorrhée, ou ne faire qu'une ligne".

Une ligne qui peut dire beaucoup, puisque selon l'Observatoire SOS Amitié les tentations suicidaires sont largement plus évoquées par les internautes utilisant la messagerie (26%), contre 14% via le chat et 2% au téléphone. Pour l'association, envoyer un mail consiste à crier sa "souffrance, seul devant sa page", quand le chat reste, comme le téléphone, "un acte volontaire d'échange avec les autres".

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