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Prothèses PIP : des victimes "marquées à vie"

Joëlle Manighetti, membre du Mouvement de defense des femmes porteuses d’implants et de prothèses, le 20 décembre 2011 [Lionel Bonaventure / AFP/Archives] Joëlle Manighetti, membre du Mouvement de defense des femmes porteuses d’implants et de prothèses, le 20 décembre 2011 [Lionel Bonaventure / AFP/Archives]

Joëlle, 56 ans, a dû subir une chirurgie réparatrice après l'ablation d'une tumeur. Affaiblie par de multiples opérations dues à la fuite de sa prothèse PIP, elle témoigne sans relâche pour médiatiser l'affaire. Muriel, 63 ans, voulait juste "avoir des seins". Aujourd'hui explantée, toujours sous somnifères, elle veut seulement "tourner la page" et pense qu'elle n'ira pas au procès.

Qu'elles souffrent de séquelles physiques ou psychologiques, qu'elles soient battantes ou anéanties, les victimes des prothèses PIP se disent "marquées à vie" par ce qui leur est arrivé.

Après un diagnostic de cancer, Joëlle Manighetti subit en 2009 l'ablation totale de son sein. La mastectomie est immédiatement suivie d'une chirurgie réparatrice: en novembre 2009, on lui implante une prothèse, de marque PIP.

Mais la cicatrisation ne se fait pas correctement et la prothèse, qui s'est fissurée et "a perdu 10% de son volume", doit être retirée quelques mois plus tard, au moment même où la fraude est découverte.

Quatre ans après, elle a perdu le compte des opérations chirurgicales subies depuis son implantation - "cinq ou six, je crois" - avec leur lot d'hospitalisations, de cicatrisations difficiles, de douleurs. La dernière a eu lieu il y a un moins d'un mois.

Mais même si cette habitante de Moret-sur-Loing, près de Paris, est aujourd'hui en invalidité et a perdu son emploi dans une clinique privée, elle n'est pas restée inactive. Elle tient un blog, point de rencontre virtuel de nombreuses victimes, met en contact les femmes entre elles, et pousse certaines à témoigner auprès des médias. Elle-même répond, de sa voix dynamique, aux sollicitations.

Murielle Ajello, présidente du Mouvement de défense des femmes porteuses d'implants et de prothèses, lors d'une conférence de presse le 4 avril 2013 à Toulon [Gerard Julien / AFP/Archives]
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Murielle Ajello, présidente du Mouvement de défense des femmes porteuses d'implants et de prothèses, lors d'une conférence de presse le 4 avril 2013 à Toulon
 

Elle se bat aussi pour que toutes les victimes soient considérées sur un pied d'égalité.

"Si toutes les femmes n'ont pas de séquelles physiques ou psychologiques importantes, elles sont toutes marquées à vie", insiste-t-elle, regrettant que celles qui ont eu recours à de la chirurgie esthétique soient "stigmatisées, insultées régulièrement".

"Nous sommes finalement punies d'avoir voulu un jour modifier ce que la nature nous a donné. On se fiche complètement de nos raisons, du vécu de chacune", déplore également Murielle Ajello, présidente d'une association de victimes.

Aux yeux de certains, "c'est notre vanité qui nous a poussées à faire ces opérations. Nous sommes victimes d'une fraude, c'est bien fait pour nous", décrypte-t-elle. Pourtant, la plupart sont loin "des bimbos aux gros seins", constate-t-elle.

Muriel Meyblum a du mal à se défaire de sa culpabilité. "C'est ma faute", souffle-t-elle, émue, avant de se reprendre. Elle avait "envie d'avoir des seins" pour sa retraite, elle qui n'en avait jamais eus. "C'est quelque chose que j'ai fait pour moi (...), un cadeau de ma famille, surtout de ma mère". "J'avais vraiment envie de ça." C'était en 2008.

En 2012, après que le gouvernement eut conseillé aux femmes porteuses d'implants PIP de se les faire ôter, elle se les fait retirer. Elle ne s'est pas faite réimplantée. "Pas les moyens", pas envie, non plus : "je suis comme je suis, je m'accepte", dit-elle désormais.

Aujourd'hui, cette retraitée de Saint-Raphaël, qui vit difficilement avec 700 euros par mois, avoue "prendre des somnifères pour dormir" depuis que l'histoire a commencé. Elle a décidé de ne pas aller au procès, dont elle n'attend pas grand-chose.

 
 

D'autres victimes s'en sortent mieux. "Je vais très bien aujourd'hui (...) Je mène ma vie", affirme Chloë Fort, 29 ans. Cette mère de deux enfants, implantée en 2007, a fait changer ses prothèses en 2012.

Cette réimplantation, qu'elle a dû payer 2.800 euros, a mis fin à "l'angoisse" d'une période qu'elle a "très mal vécue" et qui a démarré lorsque sa mère l'a alertée sur PIP.

Mais même si la jeune aide-soignante a réussi à tourner la page, elle garde un traumatisme. Saisie par l'angoisse d'une fuite éventuelle, elle n'a pas allaité son fils, né en 2010. "Je n'ai pas pu, je n'ai pas voulu", reconnaît-elle.

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