Antoine Veil, l'époux de Simone Veil, est décédé dans la nuit de jeudi à vendredi à l'âge de 86 ans. En novembre 2010, à l'occasion de la publication d'un livre très personnel (Salut, Éditions Alphée), Direct Matin l'avait rencontré et publié son portrait.
« Piété, propreté et ponctualité font la force d’une bonne affaire ». Diable ! Serions-nous au seuil d’une officine quaker ? La devise qui s’affiche à l’entrée des locaux d’Antoine Veil dans le centre de Paris, pourrait le laisser croire. Que l’on se rassure : il ne s’agit que du premier indice de son solide sens de l’humour et du second degré.
Au mur de son bureau, quelques clichés potaches ou un dessin de Plantu confirment cette intuition. Mais les photos de son épouse Simone – magnifique sur un tirage noir et blanc d’antan, ou d’une dignité impériale devant le portail enneigé d’Auschwitz-Birkenau – viennent immédiatement rappeler la richesse et la complexité du parcours d’Antoine Veil et de sa famille.
Ce n’est pas pour raconter son itinéraire étonnant qu’il prend la plume puisqu’il a déjà écrit ses mémoires il y a près de ... vingt ans (« La mémoire longue », Plon, 1991). Animé d’un inoxydable sens civique, il souhaite à nouveau apporter sa contribution aux débats politiques, sociaux et économiques en mobilisant une expérience incomparable et une intelligence rétive au prêt-à-penser.
« On vit dans une société harcelante et fébrile, constate t-il. Le temps et l’espace ont disparu, et avec eux la possibilité de la distanciation ». Difficile dans ces conditions de définir une action politique et une ambition économique pérennes et efficaces. Le bilan est préoccupant. Les institutions ? Le président de la République (alors Nicolas Sarkozy, NDLR), dont Antoine Veil loue l’activisme par ailleurs, est un « autocrate en CDD » et certains articles majeurs de la Constitution (comme les articles 20 et 21 qui définissent les attributions du Premier ministre et du gouvernement) ne sont plus respectés.
L’économie ? « La pédagogie du laisser-aller est largement responsable de la faillite des finances publiques ». Quant à la crise, « on n’en a toujours pas tiré les enseignements : le trader moyen continue à avoir les joues rebondies ».
Face à ce constat de sclérose, cet agnostique n’a qu’un seul credo, l’Europe, dont il est un militant de la première heure. Son plaidoyer ne s’embarrasse pas de précautions quitte à froisser les tropismes eurosceptiques tricolores. « L’Etat-nation, une formule commode, mais la France n’a d’avenir que dans l’Europe, ce qui à mes yeux implique le transfert à une gouvernance fédérale d’éléments de notre souveraineté ».
Qu’aurait dit son cher Chateaubriand des maux de notre époque ? Son bras jaillit instantanément pour attraper l’un des volumes de poche des « Mémoires d’outre-tombe » rangés à portée de main. Aucune hésitation. Livre 43. Chapitre 3. « La vigueur du corps s’entretient par l’occupation physique. Le labeur cessant, la force disparaît. (...) Ainsi la liberté ne se conserve que par le travail, parce que le travail produit la force ». Antoine Veil en est la démonstration.
Repères :
1926 : Naissance à Blâmont (Meurthe-et-Moselle).
1946 : Mariage avec Simone Jacob.
1953 : Entre à l’ENA (promotion Albert Thomas)
1955 : Inspection des Finances
1959 : Cabinets ministériels
1964 : Rejoint le secteur privé
1971 : Directeur général d’UTA
1982 : Président-directeur général de Manurhin
1990 : Président de la société AV Consultants