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Procès Mahé : jusqu'à 5 ans ferme requis contre les militaires

Fabien Ndoumou, l'avocat de la famille de Firmin Mahé, un Ivoirien tué par des militaires français, le 4 décembre 2012 à la cour d'assises de Paris [Francois Guillot / AFP] Fabien Ndoumou, l'avocat de la famille de Firmin Mahé, un Ivoirien tué par des militaires français, le 4 décembre 2012 à la cour d'assises de Paris [Francois Guillot / AFP]

Des peines de prison allant de 6 mois avec sursis à 5 ans ferme ont été requises jeudi à l'encontre des quatre anciens militaires français de la force Licorne en Côte d'Ivoire jugés pour le meurtre, en 2005, du présumé criminel ivoirien Firmin Mahé.

La cour d'assises de Paris rendra son verdict vendredi, après deux semaines de procès.

La sanction la plus lourde a été demandée contre le colonel ayant donné l'ordre de tuer Mahé, qui avait été étouffé avec un sac plastique alors qu'il était transporté, blessé, dans un véhicule blindé.

C'est un "meurtre commis de sang-froid", il faut "que les militaires prennent conscience qu'il s'agit de faits inadmissibles", passibles de 30 ans de réclusion, a déclaré l'avocate générale, Annie Grenier.

La hiérarchie a une "responsabilité extrêmement lourde", mais "le devoir d'un militaire, c'est de refuser d'exécuter un ordre illégal", a-t-elle estimé, tout en admettant que cette affaire était "extraordinaire", tant il est rare que des militaires soient traduits devant les assises.

Dans leurs plaidoiries, les avocats de la défense ont ensuite pourfendu l'hypocrisie dont ont fait montre selon eux les hauts gradés qui ont tenu à la barre "des discours de salon", déconnectés des réalités du terrain.

Les proches et parents de Firmin Mahé, un Ivoirien tué par des militaires français de la force Licorne, le 4 décembre 2012 au palais de justice de Paris [Francois Guillot / AFP]
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Les proches et parents de Firmin Mahé, un Ivoirien tué par des militaires français de la force Licorne, le 4 décembre 2012 au palais de justice de Paris
 

Pour "complicité d'homicide volontaire par instigation", 5 ans de prison ferme ont été requis contre le colonel Eric Burgaud, 50 ans.

Ce dernier a reconnu avoir transmis à ses hommes l'ordre que Mahé n'arrive pas vivant à destination, tout en affirmant avoir tenu cet ordre du général Henri Poncet, son supérieur, qui lui aurait dit: "Roulez doucement... vous m'avez compris".

Le général a-t-il donné l'ordre? "Je n'en sais rien...", a admis l'avocate générale, rappelant le non-lieu dont a bénéficié Henri Poncet, qui assure n'avoir "jamais tenu ces propos".

Ce simple "doute" doit bénéficier à l'accusé, a relevé son avocat.

Contre l'adjudant-chef Guy Raugel, 48 ans, qui avait exécuté l'ordre, l'accusation a requis 5 ans de prison, dont 3 ferme. Le soir des faits, le 13 mai 2005, il avait "rendu compte" de sa mission au colonel et n'a jamais nié les faits.

Pas d'autre solution? "Bien sûr que si"

Au cours des débats, il a été répété que le brigadier-chef Johannes Schnier, qui maintenait Mahé pendant que l'adjudant-chef lui mettait le sac plastique sur la tête, et Lianrifou Ben Youssouf, qui conduisait le véhicule, n'avaient d'autre choix que de s'exécuter.

Pour Annie Grenier, ce n'est pas le cas. Schnier aurait pu dire: "C'est une connerie, je ne fais pas ça", et Ben Youssouf aurait pu lui aussi "tenter quelque chose". Elle a requis 2 à 3 ans avec sursis contre le premier, 6 mois avec sursis contre le second.

Mahé, 29 ans, était considéré par les militaires français comme un "coupeur de route", un bandit terrorisant les populations dans la "zone de confiance" qu'ils étaient chargés de surveiller.

"Je pense effectivement que c'était un individu dangereux, un criminel", a déclaré Annie Grenier, bien que sa famille, partie civile, continue de soutenir qu'il était un paisible citoyen.

Le procès a tourné autour de la possibilité qu'avaient les accusés de désobéir à un ordre illégal, dans le contexte d'une mission de maintien de la paix sans cadre juridique adapté. Ils ont décrit combien ils étaient excédés de voir les auteurs d'exactions dont ils étaient témoins remis en liberté sitôt arrêtés.

"On essaie de nous dire qu'il n'y avait pas d'autre solution" que d'achever Mahé, mais "bien sûr que si", a estimé l'avocate générale.

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