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L'ex-trader de la Caisse d'Epargne explique son "coup de poker"

Boris Picano-Nacci, ex-trader de la Caisse d'Epargne, au palais de justice de Paris, le 3 décembre 2012 [Joel Saget / AFP] Boris Picano-Nacci, ex-trader de la Caisse d'Epargne, au palais de justice de Paris, le 3 décembre 2012 [Joel Saget / AFP]

Un ex-trader de la Caisse d'Epargne, jugé pour abus de confiance par le tribunal correctionnel de Paris, a tenté mardi d'expliquer son "coup de poker" de l'automne 2008, qui a conduit à des pertes de plusieurs centaines de millions d'euros pour la banque.

Boris Picano-Nacci, 37 ans, était à l'époque chargé des investissements des fonds propres de la Caisse d'Epargne (aujourd'hui fondue dans le groupe BPCE) sur le marché des dérivés actions.

La banque ayant décidé de cesser cette activité, elle avait demandé à l'été 2008 à ses traders de solder leurs positions au plus tard au 31 décembre.

Elle affirme leur avoir demandé de le faire sans nouvelle prise de risques, et estime que M. Picano-Nacci a outrepassé son mandat en prenant des positions "hors norme" sur les marchés entre la mi-septembre et le 10 octobre 2008. Les places financières mondiales étaient alors en chute libre après la faillite de la banque d'affaires américaine Lehman Brothers.

Comme il l'avait fait pendant l'enquête, M. Picano-Nacci a réaffirmé à l'audience ne pas avoir reçu d'"instructions claires" de sa direction, autres que celle de "clôturer (son) portefeuille en fin d'année" 2008.

"Mon métier, c'était de prendre des positions. On ne m'a pas dit de ne pas en prendre" si elles n'excédaient pas décembre, a affirmé l'ex-trader, aujourd'hui sans emploi. "C'est comme un joueur sur le terrain, il est là pour shooter dans le ballon".

Le 9 septembre, alors que les rumeurs sur un dépôt de bilan de Lehman commencent à circuler, il achète des titres liés à cette banque.

Comme dans toutes les salles de marché, les communications téléphoniques des traders étaient enregistrées à la Caisse d'Epargne.

"J'ai pris la plus belle et dangereuse position de ma vie", se vante-t-il ce jour-là auprès d'un proche, selon l'enregistrement lu par la présidente de la 11e chambre correctionnelle, Annie-Claude Selvi. "C'est un énorme coup de poker", poursuit-il. "Si Lehman ne fait pas faillite, je serai le +King of Paris+".

Mais le 15 septembre, Lehman fait faillite et selon Me Jean Reinhart, avocat de la banque, le trader perd 3 millions d'euros. Dans l'espoir de "se refaire", il prend le 1er octobre une autre position "gigantesque".

"La tempête Sandy est arrivée et il a fallu intervenir, voilà", a tenté d'expliquer M. Piccano-Nacci.

Mais il n'arrive pas "gérer les risques", comme il l'espérait, et le 13 octobre, il informe sa hiérarchie d'une perte de 120 millions d'euros et présente sa démission.

La banque déboucle ses positions en catastrophe sur un marché en chute libre, ce qui porte les pertes à un montant qu'elle estime à 751 millions d'euros.

Elle a depuis revu à la baisse, à 315 millions, le montant du préjudice qu'elle impute à des "fautes délictuelles" de son trader, a précisé Me Reinhart. Le reste découle de fautes professionnelles de sa part qui ne relèvent pas de la justice pénale, a-t-il estimé.

L'avocat de l'ex-trader, Me Martin Reynaud, s'est efforcé de démontrer que son client n'avait pas abusé de la confiance de la banque, même s'il avait fait de mauvais choix d'investissements.

"Je voulais finir en positif, c'était mon métier", a répété le trader devant le tribunal. Etait-ce du "déni", un sentiment de "toute puissance"? s'est interrogée la présidente.

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