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Les "baïnes", le piège meurtrier du littoral aquitain

Elles ont l'attrait anodin d'une "piscine" d'eau de mer, mais emportent chaque été des dizaines de baigneurs, dont quelques-uns périssent: les "baïnes" du littoral aquitain font que ses plages très courues sont parmi les plus dangereuses.[AFP] Elles ont l'attrait anodin d'une "piscine" d'eau de mer, mais emportent chaque été des dizaines de baigneurs, dont quelques-uns périssent: les "baïnes" du littoral aquitain font que ses plages très courues sont parmi les plus dangereuses.[AFP]

Elles ont l'attrait anodin d'une "piscine" d'eau de mer, mais emportent chaque été des dizaines de baigneurs, dont quelques-uns périssent: les "baïnes" du littoral aquitain font que ses plages très courues sont parmi les plus dangereuses.

Du Médoc au sud des Landes, la côte aquitaine est truffée de plus de 500 de ces "bassins" de 100 à 300 m de long: protégés des vagues par un banc de sable, il se remplissent a marée haute jusqu'à 2-3 m de fond, puis se vident à marée basse, alors qu'entre en jeu le "rip current", le courant d'arrachement.

"Les vagues qui déferlent sur la barre poussent des masses d'eau dans la baïne, et vont créer un effet tourbillon: au goulot de sortie, ces masses d'eau sont évacuées, aspirées, par succions, vers le large", explique Bruno Castelle, océanographe au CNRS à Bordeaux.

"Le courant peut alors y être violent, jusqu'à 1,50 m par seconde, presque le 100 mètres brasse olympique... Un nageur normal nage en 1 m/seconde au plus, donc dans un courant de baïne il va faire du surplace voire reculer et s'épuiser".

C'est l'"aquastress" des baigneurs piégés par le courant: un début d'épuisement, l'angoisse qui monte, un peu d'eau avalée: le "stade 1" (sur 4) de la noyade, qui en quelques minutes peut tourner au drame.

"Je voulais rejoindre le banc (d'Arguin) là-bas. Je ne pensais pas qu'il y avait autant de courant, cela paraissait tranquille...", témoigne choquée une jeune vacancière secourue mardi sous les yeux de l'AFP à La Teste-de-Buch (Gironde): "Je pensais que ça passerait.."

Les baïnes (du gascon pour "petite bassine") et le courant d'arrachement ne sont pas propres à l'Aquitaine. Elles sont la marque de côtes sablonneuses avec des houles venant de loin, comme l'est Australien, l'ouest Américain, la Namibie.

Mais sur le littoral aquitain, tout les rend plus dangereuses: des houles pleines d'énergie, des alternances baïne-barre prononcées accentuant l'effet "succion", et surtout de fortes amplitudes de marée, jusqu'à 4 m.

"D'une heure à l'autre on peut avoir un niveau d'eau très différent, et apparaît un courant d'arrachement, alors qu'une heure plus tôt la baignade était sécurisée", ajoute l'océanographe.

C'est là la traîtrise de la baïne, contrairement au "flash rip", courant de bord autour de vagues qui cognent: au moins celles-ci, intimidantes, "filtrent la population qui se met à l'eau", résume le major Arnaud Leymarie, commandant des CRS-MNS au Pays Basque et dans les Landes.

Sur les baïnes, l'anticipation est la clef, comme celle qui permit fin juillet un sauvetage spectaculaire à Vielle Saint-Girons (Landes): 17 baigneurs de 13 à 68 ans ont été emportés "en grappe". Présents dans l'eau avant l'accident, les sauveteurs ont pu regrouper, contenir, et hélitreuiller les victimes.

Avec le temps, les moyens de communication, les estivants sont plus conscients des dangers des baïnes. "La mort était plus courante sur les plages il y a 20-30 ans", assure Arnaud Bonnefille, chef de poste supervisant 20 km de plage, 40.000 personnes par jour. Avec 2-3 sauvetages par jour en moyenne.

Baignade aux heures et zones surveillées, connaissance de l'état de la mer, des heures à risque (fin de marée descendante, début de montante): les recommandations sont répétées inlassablement. Et la règle d'or: ne pas résister au courant de baïne qui vous emporte, mais dans 85-90% des cas vous ramènera vers le bord.

"Il faut accepter de se laisser dériver vers le danger, partir loin pour revenir après. Mais c'est contre nature", résume Leymarie. "C'est une chose de l'accepter sur tableau noir, c'est autre chose dans le Grand Bleu."

L'ironie, c'est que "si on sait comment ça marche, le courant de baïne peut être le meilleur ami de l'homme", glisse Castelle. Comme le savent les surfeurs qui s'en aident pour passer la barre de vagues.

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