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Un professeur piège ses élèves sur internet

Un professeur de lettres a méticuleusement piégé ses élèves via internet et ainsi prouvé que plus des trois quarts avaient copié sur la Toile pour un commentaire de poésie, une façon de dénoncer "la fraude" et les sites de corrigés qu'il faudrait selon lui "interdire".[AFP/Archives]

Un professeur de lettres a méticuleusement piégé ses élèves via internet et ainsi prouvé que plus des trois quarts avaient copié sur la Toile pour un commentaire de poésie, une façon de dénoncer "la fraude" et les sites de corrigés qu'il faudrait selon lui "interdire".

Loys Bonod, 36 ans, professeur de lettres au lycée Chaptal à Paris (VIIIe), relate ce qu'il décrit comme une "petite expérience amusante" sur son blog "La vie moderne".

Il a d'abord distillé des informations sur internet, dont certaines fausses, à propos d'un poème "introuvable" du XVIIe siècle, puis il a demandé à ses élèves de première un commentaire à la maison, en les invitant à "fournir un travail exclusivement personnel".

Au final, 51 d'entre eux sur 65 "ont recopié à des degrés divers ce qu'ils trouvaient sur internet", a résumé M. Bonod, avec force précisions, à l'adresse www.laviemoderne.net/lames-de-fond/009-comment-j-ai-pourri-le-web.html.

Parmi ses inventions figure, sur Wikipedia, une amoureuse tout à fait imaginaire du poète, citée ensuite par plusieurs élèves.

Le professeur a aussi livré aux sites Oboulo.com et Oodoc.com un commentaire corrigé en ligne de cette poésie "avec des contre-sens complets", repris ensuite "parfois au mot près" par des élèves. Les comités de lecture des sites avaient "validé" le commentaire "sans barguigner".

"J'ai voulu tirer la sonnette d'alarme, car quelque chose ne va plus dans l'Ecole et il faut s'en rendre compte", a-t-il expliqué vendredi à l'AFP, alors que son histoire faisait le tour de la Toile.

"Je ne suis plus professeur, je suis devenu détecteur de fraudes. C'est une rupture de confiance entre le professeur et l'élève qui est très triste", a-t-il ajouté, tout en précisant qu'il ne voulait pas stigmatiser les élèves mais plutôt montrer qu'il faut "une éducation à internet".

"J'ai rendu les copies corrigées, mais non notées bien évidemment -le but n'étant pas de les punir-, en dévoilant progressivement aux élèves de quelle supercherie ils avaient été victimes. Ce fut un grand moment: après quelques instants de stupeur et d'incompréhension, ils ont ri et applaudi de bon coeur. Mais ils ont ensuite rougi quand j'ai rendu les copies en les commentant individuellement...", a-t-il écrit sur son blog.

En revanche, Loys Bonod veut "dénoncer les sites de corrigés, parfois payants" comme Oboulo.com et Oodoc.com, a-t-il souligné auprès de l'AFP: "mes faux corrigés y sont restés pendant un an et demi et n'en ont été retirés que ces derniers jours", quand l'histoire a été rendue publique.

"Je ne comprends pas pourquoi le législateur ne les interdit pas", dit-il.

L'origine de sa supercherie remonte à son arrivée au lycée Chaptal, il y a trois ans: il s'était aperçu que des élèves avaient utilisé des corrigés vendus 1,95 euro pièce sur internet, et même que l'un d'eux avait utilisé son smartphone pour un commentaire composé en classe.

Et M. Bonod de livrer sur son blog sa "morale de l'histoire": "on recommande aux professeurs d'initier les élèves aux NTIC (nouvelles technologies de l'information et de la communication). Je crois que j'ai fait mon travail et que la conclusion s'impose d'elle-même: les élèves au lycée n'ont pas la maturité nécessaire pour tirer un quelconque profit du numérique en lettres".

"Et je défends ce paradoxe: on ne profite vraiment du numérique que quand on a formé son esprit sans lui", a-t-il conclu.

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