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COP28 : comment François est devenu un pape écolo

Le pape François a en outre instauré la Journée mondiale de prière pour la sauvegarde de la création, célébrée chaque année le 1er septembre. [Gugliemo MANGIAPANE/REUTERS]

Sur la scène internationale, le pape François est l’une des voix les plus retentissantes sur le thème de l’écologie. Sa présence à la prochaine COP28 à Dubaï, du 1er au 3 décembre 2023, est vue comme un signe fort, qui peut contribuer à promouvoir la cause de la planète bleue.

Un pape soucieux du futur de la planète. François, qui fêtera ses 87 ans le 17 décembre prochain, appraît comme un souverain pontife engagé en faveur de l'écologie, mais avant cela il a dû lui-même, de son propre aveu, évoluer sur un sujet dont il ne comprenait pas les enjeux. Son déplacement attendu à la COP28, la conférence internationale sur les changements climatiques qui se tiendra du 30 novembre au 12 décembre à Dubaï, sera pour lui l'occasion de faire peser sa voix dans les débats.

Une «conversion écologique»

En 2020, devant une quinzaine de personnalités françaises engagées dans l’écologie reçues au Vatican, le pape François avait confessé avoir dû vivre lui-même une «conversion écologique». Ainsi en 2007, lors de la Conférence des évêques latino-américains au Brésil, à Aparecida, Jorge Mario Bergoglio, alors archevêque de Buenos Aires, était ignorant des enjeux écologiques : «Je disais : ‘Mais ces Brésiliens, ils nous fatiguent avec cette Amazonie ! Quel rapport entre l’Amazonie et l’évangélisation ?’ (…) Et puis, en 2015, Laudato si’ est sortie. J’ai fait un chemin de conversion, de compréhension du problème écologique. Auparavant, je ne comprenais rien !». Ce chemin de conversion l’a conduit, en 2013, le soir de son élection comme 266e pape, à choisir le nom de François, inspiré par le saint médiéval François d’Assise, un chantre de la nature.

Dès sa messe d’inauguration, où il évoquait la responsabilité humaine d’être des «gardiens de la création», le chef de l’Église catholique a donné à son pontificat une tonalité résolument verte. Au niveau international, le «soft power» du chef de l’Église catholique a été réclamé dès 2014, lorsque la ministre française de la Transition écologique Ségolène Royal lui suggéra d’anticiper la publication de Laudato si’ pour influer sur la Conférence mondiale sur le climat de Paris (COP 21). Une anecdote que l’Argentin a souvent racontée et que la femme politique a confirmée. L’encyclique Laudato si’ eut un retentissement mondial, parvenant à rejoindre des millions de personnes éloignées du catholicisme mais préoccupées par l’urgence du réchauffement climatique.

Tel Barack Obama, alors président des États-Unis, des dizaines de chefs d’État ont dit admirer la décision du pape «d’appeler à l’action sur le changement climatique de manière claire, forte, et avec toute l’autorité morale que sa position lui confère».

Premier pape à parler d’écologie intégrale

Le pontife argentin est devenu pour certains un «héros écologique», souligne le dominicain Thomas Michelet, dans l’ouvrage Les papes et l’écologie (Artège, 2016). Si Laudato si’ n’était pas la première encyclique à «s’inquiéter du problème», elle était la première «à prendre pour seul sujet l’écologie» et François est le premier pape à avoir parlé d’écologie intégrale, précise le père Michelet.

Le pontife argentin n’a eu de cesse d’exhorter les dirigeants, spécialement ceux des pays les plus puissants, à agir de façon concertée et solidaire. Il a aussi accueilli au Vatican plusieurs initiatives, comme l’appel d’une quarantaine de chefs religieux et de scientifiques à limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5 degré, en octobre 2021, ou encore les rencontres avec les dirigeants des plus grands groupes énergétiques du monde (2018 et 2019), qu’il a exhortés à une transition énergétique «radicale».

Au côté du patriarche orthodoxe Bartholomée de Constantinople, un des grands inspirateurs de l’encyclique Laudato si’, le pape François a en outre instauré la Journée mondiale de prière pour la sauvegarde de la création, célébrée chaque année le 1er septembre. Dernièrement encore, durant l’été 2023, à l’approche de la COP28 et alors que de nombreuses régions du monde étaient en proie à des événements climatiques extrêmes, François a voulu relancer son cri d’alarme, annonçant par surprise une «suite» de Laudato si’. Le 4 octobre, était publiée la lettre apostolique Laudate Deum, émettant une vive critique des échecs du multilatéralisme et consacrant un chapitre entier aux enjeux de la COP28 de Dubaï.

Mais l’engagement écologique du Saint-Siège n’est pas nouveau : Laudato si’ développe «le magistère exposé depuis plusieurs décennies par Jean-Paul II et Benoît XVI», explique encore le père Michelet, pour qui cette encyclique n’est pas «la lubie récente d’un pape fraîchement débarqué de la pampa, voulant surfer sur la vague verte par simple souci de marketing».

«François est le pape de Laudato si’, mais quand il est arrivé au Vatican en 2013, ses prédécesseurs avaient déjà travaillé la question», rappelle quant à elle la vaticaniste Franca Giansoldati.

«En harmonie avec la création»

Dès la fin des années 1960, Paul VI fut le premier à faire un discours articulé sur l’environnement. Puis Jean-Paul II, sensibilisé à la question par ses voyages aux quatre coins de la planète où il constata les bouleversements des écosystèmes, consacra de nombreux discours à l’écologie. Benoît XVI, lui, a prononcé deux discours importants au Brésil et en Afrique. C’est aussi sous son pontificat que le plus petit État du monde a planté une forêt climatique de 7.000 hectares en Hongrie, pour compenser les émissions carbone des voyages pontificaux, et que 2.400 panneaux solaires ont été installés sur le toit de la Salle Paul VI, au Vatican.

Finalement, c’est l’enseignement de l’Église sur l’écologie que François a su réactiver dans un style neuf. Avec lui, le refrain «tout est lié» est devenu un slogan. Le terme «écologie intégrale», un programme. Au-delà du militantisme écologique, le pontife a d’abord appelé à une conversion personnelle, en donnant pour modèle «la sagesse des peuples indigènes», le «bien vivre» qui n’est pas la dolce vita, mais la vie «en harmonie avec la création».

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