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Les couteliers de Thiers, défenseurs du "Made In France" bien avant l'heure

Un coutelier guilloche le ressort d'un couteau, le 18 mai 2005 dans la coutellerie Fontenille-Pataud de Thiers. Le guillochage, consiste à limer le ressort d'un couteau, ce qui représente une véritable signature pour les couteliers [Martin Bureau / AFP/Archives] Un coutelier guilloche le ressort d'un couteau, le 18 mai 2005 dans la coutellerie Fontenille-Pataud de Thiers. Le guillochage, consiste à limer le ressort d'un couteau, ce qui représente une véritable signature pour les couteliers [Martin Bureau / AFP/Archives]

A Thiers, capitale française du couteau, les fabricants n'ont pas attendu que le gouvernement prône le +Made In France+ pour tenter de défendre leur savoir-faire, vieux de six siècles et longtemps saigné à blanc par la concurrence asiatique.

Ce bassin industriel du Puy-de-Dôme, qui faisait vivre quelque 5.000 personnes dans les années 80, emploie désormais près de 1.000 salariés dans les ateliers de 75 fabricants et presque autant de sous-traitants.

Les usines thiernoises produisent à elles seules 70% des couteaux fabriqués en France, dont 30% sont exportés à l'étranger.

"Cela fait 20 ans qu'on a pris les devants du +Made In France+ en créant notre propre marque et modèle déposé de couteau", s'est félicité le président de la confrérie du couteau de Thiers, Dominique Chambriard, à l'occasion du salon Coutellia.

Créé en 1994 et baptisé sobrement "le Thiers", ce couteau de forme sinusoïdale doit obtenir l'agrément de la confrérie et répondre à un cahier des charges bien précis pour être commercialisé. Ainsi, toutes les opérations qui concourent à sa fabrication doivent être réalisées dans le bassin coutelier thiernois.

"Cette démarche collective territoriale, gérée comme un AOC, signifie qu'on ne peut pas le produire ailleurs qu'à Thiers, et bien entendu pas en Chine", a précisé M. Chambriard, dont la coutellerie est transmise de père en fils depuis la fin du 19e siècle.

Autre règle que doivent respecter les fabricants: leur nom doit être apposé sur la lame. "Chaque fabricant est un interprète du couteau de Thiers. On sait ainsi qui fait quoi", a expliqué le président de la confrérie, qui fédère une cinquantaine d'adhérents.

Selon lui, cette démarche "unique en France", pourrait être envisageable pour d'autres villes de spécialité, confrontée à la concurrence. "Pourquoi ne pas imaginer par exemple la porcelaine de Limoges, signée par tels ou tels artisans ou entreprises ?", s'est interrogé le coutelier aux mains rocailleuses.

Un coutelier fabrique un couteau le 16 avril 2005 dans la coutellerie Fontenille-Pataud de Thiers. [Martin Bureau / AFP/Archives]
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Un coutelier fabrique un couteau le 16 avril 2005 dans la coutellerie Fontenille-Pataud de Thiers.

"Les derniers des Mohicans"

"Il est indispensable de se fédérer si l'on veut protéger notre patrimoine", a renchéri pour sa part Vincent Soucille, responsable des ventes au sein de la coutellerie artisanale Goyon Chazeau.

Cette petite PME s'est spécialisée dans le sur-mesure et le haut de gamme pour pouvoir résister à la concurrence asiatique, notamment chinoise. "Le +Thiers+ nous apporte vraiment un label de qualité à l'international. On est un peu les derniers Mohicans mais on tient bon !", a ajouté avec le sourire ce commercial.

Par ailleurs, la corporation thiernoise a dénoncé "l'hypocrisie et l'ambiguïté" régnant actuellement autour de la valorisation de produits soi-disant fabriqués sur le territoire français.

"Le +Made In France+, c'est bien mais nous, on veut aller au-delà parce qu'aujourd'hui, c'est un label galvaudé", a estimé pour sa part le président de la fédération française de la coutellerie, Jacques Raynaud.

En effet, "on met beaucoup de drapeaux bleu, blanc, rouge sur des produits importés alors qu'on peut très bien acheter la lame en Chine, faire simplement la finition puis mettre +Made In France+ sur l'emballage. C'est inadmissible", a jugé cet ancien coutelier à la retraite.

La fédération française de coutellerie, dont le siège est installé à Thiers, milite pour que soit mis en place une "législation précise" sur l'origine des produits.

"Le label Origine France Garantie attesterait que la base du produit est fabriquée en France, et permettrait d'éviter la confusion dans l'esprit du consommateur", souligne M. Raynaud.

En outre, certains professionnels de la filière coutelière souhaitent également que le bassin de Thiers soit rattaché à l'Indication Géographique Protégée (IGP), qui devrait prochainement protéger son cousin aveyronnais, le couteau de Laguiole.

"On ne peut pas exclure Thiers du projet de loi sur la consommation réformant les IGP. Il y a historiquement un savoir-faire apporté par Thiers à Laguiole depuis les années 1800", fait encore valoir le président de la fédération.

Selon lui, Thiers produirait encore aujourd'hui plus de 70% des fameux couteaux, en nombre de pièces, de la célèbre marque à l'abeille.

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