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Cannes 2017 - François Ozon : «un film esthétique, mental, architecturé»

François Ozon retrouve la compétition pour la troisième fois avec «L’amant double», thriller au casting duquel on trouve Jérémie Renier et Marine Vacth. François Ozon retrouve la compétition pour la troisième fois avec «L’amant double», thriller au casting duquel on trouve Jérémie Renier et Marine Vacth. [Copyright DOMINIQUE JACOVIDES / BESTIMAGE]

Avec «L'amant double», François Ozon est le dernier des réalisateurs français de la compétition à projeter son film sur la Croisette.

Pour sa troisième venue en compétition après «Swimming Pool» en 2003 et «Jeune & Jolie» il y a quatre ans, le réalisateur de 49 ans a dévoilé un thriller psycho-érotique qui a divisé les festivaliers ainsi que la critique. Tiré d'un livre de Joyce Carol Oates, qu'elle a écrit sous pseudonyme, le film traite du double, de la gémellité et du couple. Des thèmes qui intéressent depuis longtemps le cinéaste qui revient sur la genèse du projet.

Comment avez-vous découvert ce livre de Joyce Carol Oates?

Je suis un fan de Joyce Carol Oates, j’ai lu plusieurs de ses romans et je n’avais pas pensé forcément en adapter un parce que je trouvais qu’ils étaient tout à fait complet. Souvent ce qui m’intéresse, ce sont des livres qui font travailler mon imaginaire. Où j’ai l’impression que le livre n’est pas complètement abouti. Ce qui me donne plus de libertés pour l’adapter. Quand j’ai appris que Joyce Carol Oates avait un pseudonyme et qu’elle écrivait des romans policiers, j’ai tout de suite été intrigué. Je suis tombé sur «L’amour en double». Et j’ai trouvé qu’il y avait une intrigue très amusante qui allait me permettre d’aller dans un genre sur lequel je n’étais pas trop allé encore, le thriller psycho-sexuel.

Comment avez-vous écrit l’adaptation?

J’ai commencé à travailler seul. J’ai fait beaucoup de recherches sur la gémellité parce que j’ai transformé beaucoup d'éléments par rapport au livre. Puis j'ai travaillé avec un script doctor, Philippe Piazzo, à qui je faisais lire régulièrement. On a beaucoup discuté pour établir les intentions de mises en scènes, les personnages... C’est très important pour moi d’avoir quelqu’un qui me renvoie la balle, pour aller plus vite dans la construction du scénario.

Qu’est-ce qui vous intéressait particulièrement dans cette histoire?

Le film est un peu en mille-feuille. Ca parle à la fois de la psychanalyse, du couple, de la gémellité, du double, de la double vie. Ce sont des thèmes qui m’intéressent depuis longtemps. Et ici, tout cela pouvait se raconter dans la forme assez classique du thriller en suivant l’enquête de cette jeune femme qui a une souffrance et qui essaie de savoir d’où celle-ci provient. Il s'agissait d'abord de mettre des mots dessus puis, de mieux comprendre le secret qui l’entoure. Elle pense que le secret est extérieur et finalement le secret est intérieur. L’intérêt du film était vraiment de mettre le spectateur dans la même confusion, le même vertige que Chloé. Qu’à un moment, on ne sache plus qui était Paul, qui était Louis.

La forme n'est pas si classique que ça...

Je joue avec les codes et je pousse certains curseurs un peu plus loin que ce qu’on a l’habitude de voir. Il était important de créer un vrai suspense, une tension. Ce que je recherche, c'est susciter l’intérêt du spectateur. Je suis très hitchcockien dans ce travail. Je me mets toujours à la place du spectateur en me demandant ce qu'il retient, ressent... Ce qu’il a envie de voir, de ne pas voir... Comment je le manipule… Et comment je joue avec le statut des images. Est-ce que ce sont des rêves, de la réalité, du fantasme? Après, il fallait que le film, formellement, soit très esthétique, très mental, très architecturé. J’ai donc beaucoup travaillé sur les décors avec la chef décoratrice. On a trouvé des lieux qui correspondaient à l’intériorité des personnages et on a essayé de travailler sur des effets de symétries, de reflets, de miroirs pour avoir des décors très géométriques.

Vous collaborez pour la deuxième fois avec Marine Vacth.

Il me fallait des acteurs avec qui je m’entende complètement parce que je savais que le film allait aller loin. Il ne fallait donc pas avoir peur. Il fallait me faire confiance et Marine et moi sommes devenus amis depuis «Jeune & Jolie». C’est quelqu’un que j’aime beaucoup. Elle est devenue une grande comédienne. Au moment de «Jeune & Jolie», elle avait beaucoup de doutes sur ses désirs d’actrice. Et maintenant qu’elle a travaillé avec d’autres réalisateurs comme Jean-Paul Rappeneau et Nicolas Boukhrief, elle est vraiment complètement actrice. C’était intéressant de lui proposer ce rôle. En même temps, j’avais un peu des scrupules. Je me suis dit, la pauvre, à chaque fois que je lui propose un rôle, ce sont des scènes compliquées. Mais elle a tout de suite été enthousiaste et elle a senti que ça allait être l’occasion pour elle de montrer des choses qu’elle n’avait pas montrées précédemment, parce que dans «Jeune & Jolie», tout était plus opaque et assez mystérieux.

C'est également une nouvelle collaboration avec Jérémie Renier.

Pour Jérémie, c’est un peu la même chose. Je le connais depuis longtemps. Dans le premier film que j’ai fait avec lui, il avait 17 ans. J’avais donc envie de lui proposer un rôle d’homme parce que je l’ai vu grandir, devenir quelqu’un de mature, épanoui, viril. Et il fallait aussi un acteur qui aime la composition, qui n’ait pas peur d’aller vers des choses un peu tranchées.

Comment a-t-il travaillé?

Jérémie est un acteur très physique. Il travaille à la manière américaine, un peu Actors Studio. Il ne ressemble pas du tout aux acteurs français. C’est normal puisqu’il est belge. Il travaille beaucoup sur son corps. Il me fait beaucoup penser à un acteur avec qui j’ai travaillé précédemment, Michael Fassbender avec qui j’avais tourné «Angel». C’était très ludique aussi pour Jérémie de jouer ces deux personnages.

Comment avez-vous travaillé sur les effets spéciaux du film?

Je n’ai pas l’habitude de faire des films avec beaucoup d’effets spéciaux mais c’est quelque chose que j’aime bien faire à partir du moment où cela sert l’histoire et où ce n’est pas gratuit. Dans le cadre de ce film, je voulais des effets spéciaux très réalistes et notamment par rapport à la gémellité, il fallait quelque chose auquel on croit.

Quelle a été votre réaction en apprenant que votre film était en compétition à Cannes?

J’étais très heureux de revenir à Cannes encore avec Marine. Elle me porte chance. C’est une chance incroyable pour un film français d'être ici parce que, depuis qu’on sait qu’on est à Cannes, le film se vend dans le monde entier. Il y a une reconnaissance immédiate des médias. En plus le film sort en même temps dans toute la France. C’est une résonnance médiatique importante qui peut aider à la promotion du film. Et puis je suis très heureux de faire partie d’une compétition et d’être jugé par un cinéaste que j’admire beaucoup, Pedro Almodovar.

 

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