Le film «Les Infiltrés», sorti en salles en 2006, a été récompensé par quatre Oscars, dont celui du meilleur réalisateur. Une première dans la carrière de Martin Scorsese. Le long-métrage n’a toutefois pas eu le succès escompté au box-office mondial en raison de l’interdiction de sa sortie en Chine pour un détail dans le scénario. Explications.
Un pouvoir d’influence. Multi-récompensé après sa sortie en salles en 2006, acclamé par la critique et le public, «Les Infiltrés» a permis à Martin Scorsese d’obtenir le premier et unique Oscar de sa carrière en tant que réalisateur. Le long-métrage en obtiendra trois autres lors de la cérémonie de 2007, dont celui du meilleur film. Il n’a toutefois pas été en mesure de donner sa pleine mesure au box-office mondial - qui calcule les recettes cumulées d’un film à travers le monde - à cause du refus de la Chine de le distribuer sur son territoire. Mais pour quelle raison ? Un détail contenu dans le scénario.
«Les Infiltrés» est l’adaptation cinématographique du long-métrage hongkongais «Internal Affairs» réalisé en 2002 par Andrew Lau et Alan Mak. L’histoire de Martin Scorsese se déroule à Boston, et suit l’enquête de la police de l’État du Massachusets sur un gang de la mafia irlandaise dirigée par Frank Costello qui a réussi à infiltrer les forces de l’ordre par l’intermédaire de Colin Sullivan (Matt Damon). La police peut compter sur un agent infiltré, Billy Costigan, auprès de Franck Costello.
Au début du film, lors d’une banale réunion préparatoire des enquêteurs, les spectateurs apprennent que Frank Costello a subtilisé des microprocesseurs à usage militaire hautement sensibles avec l’intention de les revendre sur le marché noir du syndicat du crime international. Et qu’une livraison doit partir en direction de la Chine, les acheteurs de Costello se trouvant à Hong Kong, ce qui est aussi un clin d’œil à l’œuvre originale dont le film est l’adaptation. C’est justement ce détail qui va poser problème.
Un goût amer
En janvier 2007, avant la période des cérémonies et des récompenses, le site américain The Hollywood Reporter révélait que la Chine n’autoriserait pas la sortie du film sur son territoire après le refus de supprimer le passage où il est sous-entendu que des criminels chinois font l’acquisition des microprocesseurs. «Cette partie de l’intrigue n’est définitivement pas nécessaire», avançait une source anonyme. «Ils peuvent parler de l’Irak ou de l’Iran, ou que sais-je, mais il n’y a aucune raison de citer la Chine», poursuivait-elle. Officiellement, c’est la violence visible à l’écran qui justifie l’interdiction.
Cette décision chinoise a toutefois été un coup dur pour le studio Warner Bros., qui voyait l’opportunité de capitaliser sur le succès critique d’un des meilleurs films de son catalogue partir en fumée. À Hollywood, plusieurs productions se sont adaptées au exigence de la Chine pour des raisons financières au fil des années, comme «Red Dawn» en 2012 qui a finalement remplacé la Chine - qui était le pays antagoniste dans le scénario - par la Corée du Nord en post-production. La même année, «Looper» avait pour sa part ajouté des scènes tournées à Shanghai dans la version sortie sur le marché chinois.
Étrangement, alors que «Les Infiltrés» devait être synonyme de consécration pour Martin Scorsese, le film a fini par lui laisser un goût amer. Dans un portait publié fin septembre sur le site américain de GQ, le réalisateur explique que, en parallèle de cette affaire avec la Chine, Warner Bros. voulait le persuader de modifier son scénario afin de maintenir un des deux personnages principaux en vie, dans l’espoir d’en faire une franchise. Ce qui a ulcéré le metteur en scène. «Ils voulaient en faire une franchise. Ce qui signifiait que je ne pouvais plus travailler pour eux», dit-il. Martin Scorsese n’a jamais plus réalisé un film pour Warner Bros. depuis.