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Concert : pour Youn Sun Nah, «c'est un vrai bonheur de retrouver le public français»

La chanteuse de jazz Youn Sun Nah a prévu de sortir un nouvel album pour la fin de l'année 2023. [© Joel Saget/AFP]

Après avoir sorti l'an passé son album le plus personnel, «Waking World», teinté de la mélancolie dans laquelle a baigné le monde en plein Covid, la chanteuse de jazz sud-coréenne Youn Sun Nah, qui a fait de la France sa seconde patrie, repart en tournée dans l'Hexagone. Elle raconte pour CNEWS son plaisir de retrouver un public qui la suit depuis ses débuts.

La période du Covid avait été pour vous une période finalement fructueuse, avec la création de A à Z de votre dernier album, le plus personnel. Est-ce que cette période est définitivement derrière vous ?

C’est encore un peu présent. En Corée, on a toujours le masque, même si on se dit qu’il est temps de l’enlever. Je pense que la peur est toujours là, dès qu’un signe de maladie se présente. Mais paradoxalement on est plus fort maintenant que l’on sait que tout est possible, comme une certitude des survivants. Pour moi, en tournée, sur scène, une fois devant le public, j’oublie complètement. Et j’apprécie dix fois plus désormais lorsque je fais un concert.

Votre tournée européenne se déroule principalement en France et en Allemagne. C’est là ou vous avez le plus de fans ?

Pour l’Allemagne, j’ai publié, avant de passer chez Warner, quatre albums sur un label du pays, ACT. Grâce à lui j’ai pu organiser des concerts là-bas, avec un public fidèle qui me suit. Mais c’est avant tout en France que j’aime monter sur scène. C’est ici que j’ai commencé à faire de la musique, où j’ai trouvé ma voie, donc j’ai un rapport très particulier avec le public français.

L'amour que le public me donne est très fort, très physique

C’est assez incroyable de sentir qu’il y a des gens qui me suivent désormais depuis plus de vingt ans. J’ai eu un peu peur après le Covid que les fans m’aient un peu oubliée, et au contraire, c’est comme si je revoyais ma famille après une longue séparation. Je comprends mieux Barbara quand elle disait « Ma plus belle histoire d’amour c’est vous». L’amour que le public me donne est très fort, très physique, et j’espère que je lui rends à sa juste mesure durant mes concerts.

Dans vos tournées, y-a-t-il des morceaux emblématiques, que le public vous réclame ou que vous voulez jouer absolument ?

J’essaie de changer de répertoire à chaque fois que je sors un nouvel album, et je fais en sorte qu’un concert ne soit jamais le même que le précédent. Mais récemment, j’ai joué à Chalon-sur-Saône, et le public me réclamait au moins cinq fois certains morceaux anciens, ça m’a beaucoup touché de voir qu’il y avait des fidèles qui me suivaient depuis longtemps dans la salle. Il y a aussi des standards de la chanson française que j’aime bien reprendre souvent, comme «Avec le temps» de Léo Ferré, et au moins une chanson coréenne.

Quel format préférez-vous en concert pour votre formation ? Peut-on vous imaginer accompagnée d’un grand orchestre par exemple ?

J’aime beaucoup le format du quatuor, avec une guitare, clavier, contrebasse et moi sur scène. Je ne joue pas avec un batteur, j’aime beaucoup les petites formations plus intimes, j’ai longtemps joué accompagnée simplement d’une guitare. J’aime bien pouvoir sentir facilement les variations, le dialogue est alors plus simple entre les musiciens.

Vous avez donc désormais vos habitudes dans l’Hexagone, en concert comme dans les festivals !

J’aime beaucoup découvrir de nouveaux lieux, lors des tournées, et en même temps en effet, il y a certains festivals, comme Marciac, Coutances, Nice, Antibes, où j’adore retourner, et des régions, comme la Bretagne, que j’aime souvent visiter.

Vous avez vraiment l'un des plus beaux pays au monde

Vous avez vraiment l’un des plus beaux pays au monde. Je crois que j’ai du y voyager un peu partout. Un jour, j’ai même pris un plan des gares de TGV, et je suis allée dans toutes les gares possibles ! C’est un paradis !

Vous avez désormais vos petites habitudes françaises ?

Je regrette de ne pas avoir plus de temps lors des tournées, on joue, et hop, on repart, mais dès que je pose le pied en France, la première chose que je fais c’est d’acheter du vin et du fromage. Ça n’est pas très original mais j’adore ça !

Ou en êtes-vous de vos projets d’album ? La tournée avant tout, et vous y songerez plus tard ?

Et bien ça avance, je viens d’enregistrer un album aux États-Unis, à la dernière minute, il y a tout juste trois semaines ! Je ne sais pas encore quand il va sortir, peut-être à l’automne. Cette fois, ça sera uniquement composé de reprises. J’avais ça dans la tête depuis très longtemps, ce sont les morceaux que j’aime depuis toujours.

Et comme de nombreux fans vous le demandent très souvent, à quand un album en français ?

J’ai toujours cette envie, mais je sais que je dois attendre encore un peu. Il s’est passé tant de choses ces derniers temps. Mais oui, bien sûr, un jour il y aura un album en français !

Quand je suis arrivée en France, il n'y avait quelques réalisateurs coréens qui étaient connus

Votre propre réussite a-t-elle donnée envie à de jeunes coréens de se lancer dans le jazz ?

Je me considère comme quelqu’un qui a eu beaucoup de chances, et je leur en souhaite autant. Mon parcours est un peu particulier, puisque je suis arrivé en France à 26 ans pour étudier la musique, et je n’avais alors aucun plan de carrière ou idée de ce que je pourrais faire en tant qu’artiste. Ce sont les rencontres qui m’ont ouvert les portes. En Corée, les jeunes vont plutôt aller aux États-Unis pour étudier et jouer du jazz. A tel point qu’ils étaient étonnés de savoir qu’il y avait une véritable scène jazz en France. Il y en a quelques-uns qui ont tout de même tenté leur chance dans l’Hexagone. Mais les nouveaux outils de communication et informatiques permettent désormais à n’importe quel artiste de connaitre ce qui se fait partout dans le monde, d’échanger, de présenter sa musique, de rencontrer des musiciens… De mon côté, j’ai deux neveux, de 15 et 19 ans, qui veulent se lancer dans le jazz, c’est un bon début !

De manière générale, il y a une explosion de la culture coréenne dans le monde entier. Mangas, séries, K-Pop, cinéma…Comment expliquez-vous qu’elle se soit autant développée en si peu d’années ?

Même nous en Corée nous sommes surpris ! C’est quelque chose qu’on ne pouvait pas imaginer il y a vingt ans. Quand je suis arrivé en France en 1995, il n’y avait que quelques réalisateurs coréens qui étaient connus. Et puis l’essor des plates-formes de streaming de séries ont beaucoup aidé à la diffusion de la culture coréenne, on pouvait désormais savoir vraiment comment les habitants vivaient au quotidien, les coutumes,…Même si on a fait les JO en 1988 à Seoul, le pays restait peu connu. A cette époque, les gens pensaient que la Corée était un pays tropical !

La Corée a été complètement détruite après la guerre en 1950, on a vraiment reconstruit tout un pays, dans la pauvreté et la misère. Il fallait réussir, travailler dur pour relever le pays. Pour la culture aussi, il fallait y arriver, mais avec peu de moyens. Je pense qu’on apprend vite. Et c’est un pays où il y a plus de 5000 ans d’histoire. Avant, nous n’avions pas confiance en nous, mais désormais nous avons abandonné certains de nos complexes. Nous sommes aussi très critiques envers nous-mêmes. On veut toujours être mieux, faire plus…Mais le changement est tellement rapide ! Et comme les Coréens sont particulièrement doués pour les médias sociaux, l’essor de la culture coréenne est très rapide, à l’image de la K-Pop, du cinéma ou des séries.

Quelle place avez-vous dans le boom de la culture asiatique dans le monde ?

Nous avons une place un peu particulière au sein des pays asiatiques. Déjà, il y a 2000 ans, dans des récits rédigés par des voyageurs asiatiques de pays voisins, on disait que les Coréens adoraient chanter et danser. Mais ça a toujours été difficile de trouver notre place parmi ces nations, on a été envahi plus de 1000 fois dans notre histoire ! On a quand même survécu, et je pense qu’on a gardé notre côté optimiste, notre penchant très latin, qui a beaucoup d’influence sur notre vision du monde.

Youn Sun Nah, Spring Tour, en tournée dans toute la France jusqu'au 26 mai. Album «Waking World», label Warner.

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