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Chantal Goya : «Je n’ai jamais voulu chanter ni faire du cinéma»

La chanteuse fête ses 80 ans ce vendredi 10 juin.[© FRANCOIS GUILLOT / AFP]

Depuis des décennies, Chantal Goya chante pour toute la famille. Celle qui a fêté ses 80 ans le 10 juin dernier, sera sur scène ce week-end au Palais des Congrès, à Paris, avant de repartir en tournée jusqu’en 2023. Nous avons pu la rencontrer pour évoquer son immense carrière.

Pas question de s'arrêter ! A l'aune de ses 80 ans et toujours aussi passionnée, Chantal Goya continue de se produire sur scène, pour le plus grand bonheur des petits, comme des grands. Après deux dernières dates de son spectacle «Le soulier qui vole», au Palais des Congrès de Paris, ce week-end, elle repartira en tournée à partir du 23 octobre avec «Chantal Goya sur la route enchantée».

Vous fêtez vos 80 ans, c'est important pour vous les anniversaires ?

Pas du tout ! Je n'ai jamais aimé que la vie s'arrête pour recommencer une nouvelle vie. Moi c'est un enchaînement. Le 10 juin, date de ma naissance, j'étais entre Caen et Chamonix, dans mon lit tranquille, et terminé ! Déjà je suis née le 10 juin à Saïgon, en Indochine, donc je me demande souvent en riant à quel moment est-ce que je suis née en France ? À ma naissance il y avait déjà un décalage, et je pense qu'il va me suivre toute ma vie. Le jour de mes 30 ans je n'avais rien dis, j'étais chez des amis, personne ne le savait. Et puis de toute façon tout le monde m'en donnait 18 (rires). Pour moi la vie est une longue route, je ne veux pas d'une horloge qui bloque tout, ça ce n'est pas bon pour moi. Je ne porte pas de montre, je ne porte pas d'alliance, ce n'est pas compatible avec ma personnalité, je suis très libre dans ma tête. La seule surprise qui m'amuserait est celle qui viendrait de mon public ! On verra bien au Palais des Congrès (rires).

Quels sont vos premiers souvenirs avec la musique ?

Déjà en Indochine il n'y avait pas de musique, il y avait mes parents qui jouaient des disques mais moi j'étais trop petite. Toute cette période de 0 à 4 ans, c’est plutôt la nature qui m’a éduquée, les promenades avec mes parents à bicyclette. Puis après c'était la guerre donc on ne parlait même plus de musique. Quand je suis revenue en France, à Paris, c'était tous les disques de mes parents : Charles Trenet, Edith Piaf, Jacqueline François... Puis après j'ai eu ma période où j'écoutais RTL toute la journée pour entendre les chansons anglaises. Et à Londres il y a eu les Beatles, toute la musique anglaise.

À quel moment avez-vous fait de la musique votre métier ?

Je n'ai jamais voulu chanter ni faire du cinéma, je ne voulais absolument pas être connue. Je voulais être journaliste, c’est pour ça que je suis partie en Angleterre pour apprendre l’anglais couramment et être grand reporter. Quand j'avais 17-18 ans je voulais voyager dans le monde entier mais jamais être connue, surtout pas. 

Je voulais voyager dans le monde entier, pas être connue

Mon père m'avait dit «si ça ne marche pas, de quoi on aura l'air». Dans ma famille on n'aimait pas mettre les enfants en avant d'un point de vue artistique, il fallait avoir un «vrai métier». J’ai été bercée par Charles Aznavour, Jacques Brel et Edith Piaf, je n'allais pas me comparer à eux, je ne savais pas chanter. Quant au cinéma j'étais bercée par Audrey Hepburn et Brigitte Bardot, j'étais loin d'être tout ça, dans ma tête ça n'existait même pas. 


Comment est-ce que tout a démarré alors ?

J'ai rencontré Daniel Filipacchi, qui était le grand maître de la presse et des médias. Je voulais être correspondante d'un journal anglais pour les jeunes. J’étais censée m’occuper de tout ce qui était mode et maquillage à Londres, pour le magazine «Seventeen». Puis il m'a bien regardée - il était également photographe - il s'est retourné vers Jean-Jacques et il a dit «tu peux m'écrire des chansons pour elle ? Je la produis tout de suite». J’étais désespérée ! Par curiosité je l'ai fait, j’ai chanté «C’est bien Bernard» et je me demandais ce que c'était que cette chanson ridicule, moi je pensais aux Beatles et à Elton John. C'était un supplice ! Puis ils ont sorti le disque et voilà pas qu'ils en ont vendu un million. J'ai passé la première partie de ma vie à faire ce que je ne voulais pas. Puis finalement ça m'a plu quand Jean-Jacques m'a dit qu'on allait faire de grands spectacles pour les enfants.


Vous n'avez jamais regretté d'avoir suivi l'avis de quelqu'un ?

Non, j'ai toujours suivi mon propre avis, et à la rigueur celui de Jean-Jacques Debout parce que c'est un visionnaire. Quand il m'a vu la première fois de ma vie c'était à un mariage, il est venu s'asseoir à côté de moi et il m'a dit «j'ai l'impression de vous connaître depuis toujours, on se mariera, on aura deux enfants et vous serez célèbre à 30 ans». Je l’ai pris pour un fou, puis je lui ai demandé de me raccompagner chez moi car je n'avais pas de voiture. Je l'ai perdu de vue pendant un an puis je l'ai retrouvé sur les Champs-Élysées par hasard. Il était tellement amoureux de moi qu'il avait écrit un titre, «Nos doigts se sont croisés». Il l'a chanté à Antibes, j'ai été le retrouver. Mes parents ne voulaient pas que je parte en week-end donc je leur ai menti, j'étais totalement barjo, j'ai dis que j'allais chez une copine puis je suis descendue à Juan-les-Pins en stop avec la maman de Michel Legrand ! Ca c'est moi, l'aventure. Rien n'a jamais été calculé dans ma vie.

Et vous avez bien fait visiblement !

En tout cas je suis toujours là (rires), quarante ans après. Tous les disques que j'ai vendus, je n'en reviens pas. Puis j'ai fais cinq spectacles magnifiques que je reprends les uns derrière les autres. C'est le public qui m'a choisi. Et tout ça grâce à une émission de télévision où je remplaçais Brigitte Bardot. Le lendemain pour moi c'était terminé, j'avais rangé ma robe, mais on m'a appelé pour me dire que 500.000 lettres étaient arrivées à la télé pour moi. J'étais retournée ! Avec Jean-Jacques, on a fait le disque parce qu'on ne pouvait pas se servir des exemplaires de la télé. Puis les maisons de disque m'ont dit «non non ce n'est pas commercial, il n'y a pas de disques pour les enfants». J'ai bien fais d'attendre puisqu'un monsieur est venu vers moi, c'était le PDG des disques RCA, et on a vendu 40 millions de disques ensemble en 15 ans. Comme quoi, c'était écrit.

Les petits d'hier sont devenus parents, il y a un lien affectif très fort.

Vous n'avez jamais été lassée de la scène ? 

Je suis faite pour ça. En fin de compte, mon côté communicatif je l'ai mis au service du public. Je ne fais pas ça comme une performance de chant, je parle, j’échange. Et maintenant encore plus, car c'est tous les petits d'hier qui sont devenus parents, il y a un lien affectif énorme. C'est eux qui apprennent les chansons aux enfants, c'est très fort, ce n'est même pas grâce aux médias. D'ailleurs je n'ai jamais eu de Victoire de la musique ou quoi que ce soit, mais ce n'est pas grave, mon plus beau cadeau c'est tout ce que le public m'a apporté. 

Vous avez aussi été dans de nombreuses discothèques, notamment de la communauté gay, pour des prestations. 

Ah, et bien dans les discothèques je retrouvais les parents des enfants ! Ils voulaient tous que je refasse des spectacles pour que leurs enfants puissent venir me voir, c'est comme ça que j'ai recommencé en 2000. J'étais encore à Nantes dans un club il y a une semaine. Je pensais qu'il n'y aurait pas beaucoup de monde, c'était entre 2h et 4h du matin, c'était complet ! À la fin je leur ai chanté «Capitaine Flamme», que Jean-Jacques a écrit, alors là c'était l'hystérie.

Je ne dévoile pas grand chose de ma privée, elle est comme celle de tout le monde !

En fin de compte ils ont tous suivi ma vie, ils sont au courant de tout. Même moi je ne suis pas au courant des choses parfois (rires). Je ne dévoile pas grand-chose de ma vie privée, elle est comme celle de tout le monde ! 

Quel regard portez-vous sur la nouvelle génération d’artistes ? 

Il y a des choses très jolies, mais ce que je ne comprends pas, c'est sur les effets de voix, on dirait qu'ils sont dans des tuyaux. Ce n'est plus naturel. Mais il y en a qui ont beaucoup de talent ! Après la question est de savoir combien de temps ça va durer. Pour rester dans le paysage musical il faut que les gens puissent chanter leurs chansons pendant longtemps. Si on regarde tous ceux qui ont duré, il y avait de jolis textes partout. Le public aime chanter avec son artiste. Et il chante tout ! Parfois on me demande de continuer, je ne sais même plus quoi chanter. 

La question est peut-être compliquée mais quel est le titre qui vous rend le plus fière aujourd’hui ? 

Ma première chanson je pense, «Adieu les jolis foulards», car elle a tout démarré pour moi. J’aime beaucoup l'album qui s'appelle «Mes années Godard» aussi. J'ai eu la chance de tourner dans ce film mythique qui s'appelle «Masculin/Féminin», qui est dans le monde entier aujourd'hui. J'ai refusé Hitchcock parce que j'étais enceinte, j'étais honorée mais être maman c'était beaucoup plus important. Ils étaient tous affolés. Mais il faut dire que j'avais un beau caractère, je ne me laissais pas faire. Je n'ai jamais été sous l'emprise d'agents ou des conseils, je suivais ce que je voulais faire. Le théâtre je ne sais pas si ça pourrait marcher car j'improviserais, je n'apprendrais pas les textes, tout le monde serait perdu avec moi ! Il y a beaucoup d'improvisation dans ma vie. 

Le cinéma ne vous tente plus aujourd'hui ? 

Si j'avais une comédie avec Christian Clavier et Chantal Lauby je signerais tout de suite. J'ai envie de faire quelque chose de drôle, j'aime beaucoup la dérision. Je ris beaucoup et surtout de moi ! La vie m'a donné ça car j'ai tellement été moquée, moi je riais. Ça désarçonne les gens. Aujourd'hui je n'ai plus que des compliments. Et puis de toute façon je n'ai pas de mémoire donc quelqu'un qui m'a insulté je peux l'embrasser six mois après (rires). La vie est courte, on ne va pas se détester les uns et les autres. 

BD «Intrépide Chantal, par Chantal Goya». «Le soulier qui vole», deux dernières dates du spectacle au Palais des Congrès de Paris, les 08 et 09 octobre prochain. «Chantal Goya sur la route enchantée», en tournée dans toute la France à partir du 23 octobre.

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