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Kad Merad dans le film «Un triomphe» : «Le théâtre peut être salvateur»

Le comédien est venu présenter le film au Festival d'Angoulême en 2020, où il a reçu un formidable accueil de la part du public. [© Yohan BONNET / AFP]

Ce mercredi 1er septembre, Kad Merad sera à l’affiche de la comédie dramatique «Un triomphe», réalisée par Emmanuel Courcol. Pour l’occasion, CNEWS est allé à la rencontre de l’acteur pour parler de ce feel good movie inspiré d’une histoire vraie.

Malgré une journée de promotion intense, Kad Merad garde son sourire et sa bonne humeur, et enchaîne les vannes et les anecdotes avec décontraction. Dans ce long-métrage qui a notamment remporté le prix du public au Festival du film francophone d’Angoulême en 2020, et a été coproduit par Dany Boon, il incarne Etienne, un comédien qui galère tant sur le plan professionnel que personnel, et accepte d’animer un atelier de théâtre en prison. Si les détenus qu’il encadre préfèrent le stand-up et veulent jouer des sketchs, lui souhaite mettre en scène «En attendant Godot», de Samuel Beckett. Un pari fou qui les emmènera loin. 

Ce film est tiré de l’histoire de Jan Jönson, un comédien suédois qui a monté cette pièce dans un centre de haute sécurité en 1985. L’avez-vous rencontré ? 

Il est venu une fois sur le tournage pour rencontrer l’équipe et me saluer. Il voulait peut-être voir à quoi je ressemblais, moi qui allais jouer son rôle sur grand écran (rires). Jan était très ému de voir son histoire prendre la forme d’une fiction. 

Quel(s) souvenir(s) gardez-vous de ce tournage en milieu carcéral ?

Un souvenir assez troublant. Quand vous rentrez chez vous dans votre famille, vous pensez à tous ces détenus qui sont enfermés pour un long moment. Tous les matins, nous devions avec les 50 à 70 personnes de l’équipe passer une heure pour rentrer dans la prison. Nous devions notamment laisser nos portables. Sans téléphone, ni affaires personnelles, nous retrouvions finalement une incroyable liberté alors que nous étions enfermés dans le centre de détention de Meaux-Chauconin, où il y a plus de 900 prisonniers. Certains détenus nous applaudissaient, d’autres, désespérés, nous crachaient dessus. Je reste persuadé que le théâtre peut leur apporter quelque chose, être salvateur. La réinsertion est possible. 

Pendant une quinzaine d'années, j'ai accepté des petits boulots et animé des séminaires pour La Poste.

Ils passent leur vie à attendre comme les héros de la pièce «En attendant Godot». Quand avez-vous découvert cette œuvre de Samuel Beckett ?

Quand j’ai commencé le théâtre. C’est un texte que l’on travaille souvent au début de l’apprentissage. L’avantage est que l’on peut prendre n’importe quel moment de la pièce, on ne comprendra jamais rien ! Même Beckett adorait que l’on ne comprenne rien. En réalité, ce sont deux types qui attendent des jours meilleurs. On passe du rire aux larmes. C’est très réaliste, dur et drôle à la fois. Cela parle d’humanité et de solidarité, deux notions si importantes en cette période de crise sanitaire. 

Comme votre personnage, avez-vous déjà été au creux de la vague ? 

Etienne accepte cet atelier avant tout pour lui car il a besoin de «faire ses heures», comme tout intermittent, pour pouvoir bénéficier du chômage. A mes débuts et pendant une quinzaine d’années, j’ai moi aussi enchaîné les petits boulots, joué devant des salles vides, changé de tenues dans les toilettes, assuré des séminaires pour La Poste pour lesquels j’écrivais des sketchs avec des copains. Il fallait bien payer son loyer et ses cours de théâtre. Mais à 20 ans, on ne se pose pas de questions. On est pugnaces. On y va, persuadés, qu’un jour, cela va fonctionner. Alors que nos parents nous incitent souvent à apprendre un «vrai» métier avant de devenir comédien, on est les seuls à croire en nous.  

Et aujourd’hui à 57 ans, et malgré le succès, doutez-vous encore ?

Plus que jamais ! Je reste toujours ce jeune acteur qui aime recevoir des scénarii, rencontrer des metteurs en scène différents, tenter des expériences plus difficiles et plus ambitieuses. J’ai cependant changé physiquement, j’ai vieilli. Aujourd’hui, je joue des rôles avec des enfants de 25 ans. Je vais bientôt être grand-père. Il y a aussi de jeunes acteurs qui arrivent dans le milieu et qui ne sont pas mauvais, alors il faut tenir le cap (rires) ! Mais ce n’est pas le plus important pour moi. J’essaie avant tout de transmettre des valeurs à mon fils, de lui payer ses études et de profiter avec mes proches de la vie de manière confortable. S’il faut que je retourne dans la galère, j’irai, et ce ne sera pas un problème. 

Je ne pourrai pas enseigner car je n'ai pas de méthode. Je fonctionne depuis toujours à l'instinct.

A défaut de jouer, pourriez-vous enseigner et transmettre votre passion ? 

Je peux parler de mon métier, partager mes expériences, assurer des masterclass comme je l’ai déjà fait pour évoquer la série «Baron noir» (diffusée dès 2016 sur Canal+, ndlr). En revanche, je ne pourrais pas donner des cours car je n’ai pas de méthode. J’ai appris en pratiquant. Je peux donc vous dire ce que je ressens lors d’une scène, mais je suis incapable de vous donner une technique précise. Je fonctionne à l’instinct, et je trouve des idées de jeu sur le moment. 

En tant que comédien, la période incertaine que nous traversons et qui touche particulièrement le monde de la culture, vous inquiète-t-elle ?

Oui, beaucoup. Je suis vacciné, j’ai mon pass sanitaire et je me sens un peu plus protégé. Mais je ne suis pas pour autant rassuré. Je crains qu’il y ait de nouveau des fermetures de lieux avec une 4e vague. Pour le secteur culturel, c’est dramatique. Je n’ai pas joué pendant un an, plongé dans l’incertitude. A défaut, j’ai cuisiné et suis devenu maître d’école pour les enfants. Aujourd'hui, il faut que les gens retournent au cinéma et au théâtre. En janvier prochain, je vais partir en tournée avec la pièce «Amis» que j’ai mis en scène et que nous avons joué dix fois à Paris l’an dernier, avant que l’on nous demande de tout arrêter à cause de la pandémie. On va donc la jouer 50 fois en région. Et comme nous ne sommes pas rodés, nous allons avoir le trac chaque soir, juste avant le lever de rideau. C’est excitant. 

Théâtre ou cinéma : de quel côté votre cœur balance-t-il ?

Je ne peux et ne veux choisir. C’est complémentaire. Nous n’avons pas les mêmes sensations au théâtre qu’au cinéma. Je ne conçois pas le métier d’acteur sans passer par les planches.

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