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Jul réagit à la mort d'Albert Uderzo : « Son oeuvre rayonne sur la planète entière »

Albert Uderzo, l'un des deux papas d'Astérix, est mort à l'âge de 92 ans Albert Uderzo, l'un des deux papas d'Astérix, est mort à l'âge de 92 ans[STEPHANE DE SAKUTIN / AFP]

Suite à l'annonce de la mort d'Albert Uderzo, le dessinateur Jul («Silex and the city», éd. dargaud) est revenu, pour CNEWS, sur ce que représente pour lui Astérix et en particulier le trait d'Uderzo. Interview.

Quelle fut votre première pensée face à l’annonce de la mort d'Albert Uderzo ?

Jul : J'ai pensé immédiatement que s'il y avait déjà une moitié du ciel qui nous était tombé sur la tête, là c’est l’autre morceau du plafond qu'on venait de se prendre.

Quelle place occupe Uderzo dans votre vie et votre œuvre ?

Dans ma vie, Uderzo occupe la même place que celle qu’il tient chez la plupart d’entre nous. Il a créé une œuvre tellement patrimoniale, qu’elle rayonne sur la planète entière. Il y a des générations et des générations de lecteurs qui ont appris à lire et ont découvert le monde à travers ce prisme-là. Il n’y a pas beaucoup d’artistes à avoir eu une telle influence. Notamment graphiquement. On ne peut plus voir un sanglier, un casque de légionnaire ou une marmite sans passer par le prisme d’Uderzo. Quand on parle d’un menhir, on visualise uniquement les siens. Il n’y a pas tant de gens que ça qui ont changé la carte mentale autour d’eux.

Astérix fait corps avec nous

Astérix est de toute façon une BD hors norme car elle se vend plus que n’importe quel autre livre, bien au dessus en terme de rayonnement publiC et de volume. Le rendez-vous avec le nouvel Astérix est à chaque fois inexpliqué et fabuleux.

Qu'a t-il apporté au niveau du dessin ?

Son trait est très particulier, très peu imitable même s’il a influencé ou donné envie à des générations entières de dessinateurs. Mais le graissé de son trait, cette incarnation de mouvement particulier, d’intensité, de vibration, ne ressemble à aucun autre. Lors de la grande exposition de la BnF consacrée à son travail, j’avais pu voir les planches originales exposées en grand format et en noir et blanc : l’apparition de ce trait, de ce mouvement, fut un choc. On est tellement habitué à ce trait qu'on ne le voit presque plus. Là, le voir à distance, m'a fait me rendre compte à quel point son style possède la caractéristique du génie.

Et parce que la BD est un mélange de texte et d’image, il avait un traitement du texte qui était de l’ordre de l’art. On ne parle jamais de ça mais la graphie d’Uderzo et notamment son lettrage des onomatopées, son code inventé pour les insultes et les jurons des personnages avec des pictogrammes dans tous les sens, son travail à ce niveau là est digne des plus grands typographes ou designers. C’est extrêmement reconnaissable et intense.

Avez-vous encore un lien avec Astérix aujourd'hui ?

Je n’ai pas attendu la mort d’Uderzo pour être comme ce personnage admiré aussi par Uderzo, Gaston Lagaffe, dans cet épisode où il s’est construit une sorte de grotte dans la cave des éditions Dupuis faite de paperasses en tous genres. En ce moment, je suis confiné avec mes enfants au milieu d’une grotte faite avec tous les volumes d’Astérix. Il y en a partout, je pose le plateau du petit dej dessus, je trébuche dessus dans la salle de bain, des Astérix bloquent la porte des toilettes. Au final, Astérix fait corps avec nous. C’est un lien organique.

Avez-vous une Madeleine de Proust concernant Astérix ?

J'en ai des centaines mais deux me viennent à l'esprit. Au début des années 1970, avait été édité un petit jeu avec quelques éléments dessinés par Uderzo. Il fallait les décalquer et créer soi-même sa propre histoire d’Astérix. Je l’ai encore dans ma cave. J’ai décalqué des centaines d’histoires d’Astérix. D'autre part, mon père me lisait des Astérix et rendait sonores les points d’interrogation et d’exclamation, je me souviens très exactement de ses bruits de glotte particuliers. Cette mise en son des albums d’Astérix font partie de mes souvenirs les plus anciens.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

#Uderzo est mort

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Uderzo y est-il un peu pour quelque chose dans votre vocation de dessinateur ?

«Uderzo et Goscinny» était un mot valise quand j'étais petit. Avant d’imaginer qu’il y avait des êtres humains derrière Astérix, Uderzo-Goscinny représentait avant tout comme une créature mythologique à l’origine de ces livres, une sorte de centaure moitié Goscinny, moitié Uderzo. Pour moi ils ne font qu’un. Cette créature est en effet à l’origine de ma vocation de dessinateur mais pas seulement. A la base, je suis historien, j’ai enseigné l’Histoire et je suis allé vers l’Histoire parce qu’il y avait Astérix, Lucky Luke et d'autres héros mythiques du neuvième art. J’ai réussi une épreuve d’agrégation d'histoire grâce à Astérix en utilisant des éléments de vie quotidienne présentes dans ses aventures pour grapiller quelques points lors de mon oral d’agrégation.

Avez-vous rencontré Uderzo ?

A la reprise d’Astérix, il a été question que je reprenne la série et donc j’avais eu l’occasion de le rencontrer plusieurs fois. Finalement, c’est Conrad et Ferri qui ont repris la série avec pas mal de réussites dans l’ensemble. C’était assez impressionnant. Je le mettrais en miroir d’autres rencontres équivalentes de gens que j’admirais profondément. Je me suis retrouvé un peu pétrifié face à lui ou même Gotlib, alors que j’étais détendu totalement face à Jeff Bezos ou le président Xi Jinping.

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