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Mort de George Floyd : Les 3 classiques de Toni Morrison à (re)découvrir

[FRANCOIS GUILLOT / AFP]

Alors que le mouvement «Black Lives Matter» prend de l'ampleur après la mort de George Floyd par asphyxie, les mots de Toni Morrison résonnent d'autant plus. Seule afro-américaine à avoir reçu le prix Nobel de littérature, l'auteur décédée en 2019 à l'âge de 88 ans, a laissé derrière elle une oeuvre forte, au style âpre, qui rendait compte, entre autres, de la minorité noire aux Etats-Unis, et de la condition de la femme.

Celle qui fut honorée par Barack Obama de la Médaille présidentielle de la Liberté s'est principalement rendue célèbre par le biais de trois romans à (re) découvrir.

«Beloved», un condensé de l'auteur

Prix Pulitzer 1988, le roman «Beloved» est sans aucun doute le roman le plus caractéristique du style et des thématiques favorites de l'auteur, née en 1931 en Ohio. Inspiré de Margaret Garner, afro-américaine qui tua sa fille lors de la guerre de Sécession plutôt que de la faire devenir esclave, le personnage principal, Sethe, est une ancienne esclave qui a fui les plantations. Prise en chasse par des Blancs, elle préfère assassiner son bébé, une petite fille nommée Beloved, plutôt que de la laisser entre leurs mains. Hantée par le fantôme de sa fille, après avoir refait sa vie, elle va accueillir un beau jour une jeune femme noire, qui porte une cicatrice à la gorge, et qui se prénomme elle aussi Beloved...En laissant planer le doute sur l'identité réelle de cette inconnue, Toni Morrison use de la métaphore, et creuse les thèmes de la rédemption, de la réincarnation et des revenants, centraux dans son oeuvre. La mémoire et le poids du passé sont aussi abordés, tout en symbolisme. Ce roman a été désigné en 2002 parmis les 100 meilleurs titres de tous les temps.

«Home», le succès français

C'est avec ce dixième roman (2013) que l'auteur américaine va connaître un grand succès en France. Ce court récit se déroule toujours dans l'Amérique ségrégationniste, mais cette fois dans les années 1950, un peu avant les grandes luttes pour les droits civiques. On y suit le parcours de Frank Money, noir, originaire de Géorgie, «le pire endroit du monde». Vivant au sein d'une famille pauvre, ses parents cumulent les labeurs pour survivre, entre les plantations et les ménages, après avoir été témoins des atrocités des extrémistes blancs. La guerre de Corée semble être une porte de sortie pour le jeune homme qui tourne en rond. Mais c'est l'enfer du conflit qu'il découvre, et il en revient traumatisé. Il se lance alors à la recherche de sa soeur, victime d'un médecin eugéniste. Sa traversée des Etats-Unis s'apparente à un constat morne et désenchanté du racisme, devenu plus diffus, mais ordinaire. Le duo reformé, leur retour à la ville natale se transforme en quête du passé, de l'histoire familiale, sous forme d'exorcisme et de rédemption, pour mener à une paix intérieure. Toutes les formes de violences des Etats-Unis des années 1950 sont traitées, toujours à grand renfort de symboles et d'évocations musicales.

«un don», du côté des indiens

Avec cet ouvrage publié en 2008, Toni Morrison fait un bon en arrière, toujours en amérique du Nord, à la fin du XVIIe siècle. Cette fois, c'est du côté des Amérindiens que l'auteur se penche. La nation américaine en est encore à ses balbutiements, mais, déjà, le spectre de l'esclavage rôde. C'est au travers de l'histoire d'un couple européens fraîchement débarqué que l'on découvre dans un premier temps la triste réalité de l'implantation des Blancs sur ces vastes territoires. Dans la ferme qu'ils ont installés loin de toute civilisation, le lieu ne peut fonctionner que par l'exploitation des autochtones, comme Lina, jeune servante amérindienne, qui doit s'occuper de la jeune Florens, arrachée à sa mère, à la recherche de cette amour maternel perdu. On suit aussi les traces de Sorrow, jeune esclave survivante d'un naufrage. Multipliant les points de vue, ce roman polyphonique joue sur les allers-retours entre passé et présent, avec comme figure tutélaire et imposante Jacob, le mari blanc de l'exploitation, qui use littérallement les différentes protagonistes du livre pour mieux réaliser ses rêves de grandeur. Un roman intense, baigné de superstition, qui en dit long sur les racines racistes et ségrégationnistes des Etats-Unis, tout en auscultant la perte de l'innocence et des enfances meurtries. 

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