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Jean d’Ormesson : « la littérature se démode moins vite que le cinéma »

Jean d'Ormesson en 2012[Capture d'écran Youtube]

En 2009, à l’occasion de l’ouverture du 29e Salon du livre, Jean d’Ormesson, homme de lettres, s’était confié à Direct Matin. Dans cet entretien exclusif l’auteur de La Gloire de l’Empire, Au Plaisir de Dieu et de l’Histoire du juif errant avait évoqué son amour pour la littérature.

 

Archives – Article publié le jeudi 12 mars 2009

 

Que vous apporte la littérature, la lecture d’un livre ?

Jean d’Ormesson : J’ai toujours pensé que la littérature était un plaisir à la portée du plus grand nombre. Mais ce plaisir n’exclut pas l’effort. Il y a des degrés dans le plaisir, et peut-être que les livres un peu difficiles sont ceux qui apportent le plus de plaisir.

 

Selon vous, quelle qualité doit posséder un livre pour vous donner envie de tourner les pages?

J. d’O. : Je suis partisan des auteurs comme Molière, Racine, qui ont, à longueur de pages, montré qu’il s’agissait avant tout de plaire, à la cour, au lecteur. Mais, comme auteur, je ne me suis jamais demandé ce que le lecteur attendait. Si vous le faites, vous écrivez un best-seller, ce qui veut nécessairement dire un navet. La littérature n’est pas un produit !

 

Avez-vous un lieu, un endroit particulier où vous aimez lire ?

J. d’O. : L’Italie, sans hésitation : Venise, Naples, les Pouilles, qui secondent et amplifient mon envie de lecture.

 

Quels auteurs vous ont toujours ému, et ne vous ont jamais déçu ?

J. d’O. : Homère, sans doute le plus grand. Mais le choix est difficile, j’y ajouterai Chateaubriand, Proust, Rimbaud, Ronsart, ou encore Paul-Jean Toulet, un grand poète trop peu connu. La poésie, d’ailleurs, peut se trouver là où on ne l’attend pas. Pour moi, toute l’œuvre de Zola est empreinte de poésie, tout comme Céline ou Maupassant.

 

Quels sont les écrivains contemporains qui vous procurent ce même plaisir ?

J. d’O. : C’est difficile de répondre, car ce qui fait un auteur classique, c’est qu’il est lu par plusieurs générations. On ne peut pas encore le faire avec les auteurs contemporains, comment vont-ils résister au temps qui passe? Je suis de ceux qui pensent qu’Aragon, par exemple, est un écrivain pour l’éternité. Yourcenar a des chances de résister aussi. Mais on ne sait pas, par exemple, quel sort sera réservé à Julien Gracq, un auteur que j’apprécie.

 

Quel serait le livre que vous auriez rêvé d’écrire ?

J. d’O. : L’Odyssée d’Homère ou les Mémoires d’outre-tombe, de Chateaubriand.

 

L’écrivain a-t-il un statut à part ?

J. d’O. : Il garde, en France en tout cas, un statut particulier. Il est encore un peu ce qu’il était au XIXe siècle, un personnage qui jouit d’une sorte de prestige, y compris vis-à-vis des gouvernements, et à qui tout le monde demande de se prononcer sur des choses pour lesquelles il est parfaitement incompétent. Peut-être n’avons-nous plus l’équivalent d’un Victor Hugo, mais il faut se souvenir que lorsque Stendhal meurt, il n’y a que trois personnes qui assistent à son enterrement.

 

Malgré la crise, la culture, et notamment la lecture restent plébiscitées. Y voyez-vous une signification particulière ?

J. d’O. : Les livres, comme le cinéma, permettent de rêver. Mais, alors que le film impose son image au spectateur, le livre laisse jouer l’imagination. Chaque génération s’approprie un même livre et reconstruit intérieurement un autre décor. En cela, la littérature se démode moins vite que le cinéma.

 

Quel avenir pour le livre?

J. d’O. : Je ne suis pas pessimiste pour le livre. Lire un beau livre, sentir l’objet, ce sera toujours plus agréable qu’un écran. C’est finalement une sorte de petit ordinateur !

 

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