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La semaine de Philippe Labro : Énergie new-yorkaise, symphonie berlinoise

Philippe Labro, écrivain, journaliste, cinéaste Philippe Labro, écrivain, journaliste, cinéaste[THOMAS VOLAIRE / DIRECT 8]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour Direct Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

 

Samedi 23 février

Court séjour à New York. L’ambiance est plutôt électrique, sans euphorie généralisée, mais avec une impression que ce pays ne s’imagine jamais vaincu ou en déclin. Le matin, je passe une heure dans un coffee shop de Madison Avenue avec Adam Gopnik, brillant essayiste du magazine New Yorker, qui va être fait chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres d’ici à quelques jours, au consulat de France. C’est un francophone et un grand francophile. Il est aussi curieux de ce que je peux lui rapporter de l’état actuel de la France que je le suis de son sentiment sur l’Amérique du second mandat d’Obama :

– Les choses ne seront jamais faciles. Les républicains ne veulent pas l’aider et sont prêts à tout pour bloquer son action jusqu’au tournant des «mid-term elections» – d’ici à deux ans. Mais Obama, avec sa victoire, a fait tourner une page générationnelle à l’Amérique. Les Noirs, les Latinos, les jeunes, les femmes, forment la nouvelle base électorale sans laquelle, désormais, aucun candidat ne pourra obtenir l’accès à la Maison Blanche.

– Précisément, compte tenu de la brièveté du mandat (quatre ans), parle-t-on, déjà, de la succession ?

– Oui, bien sûr ! Chez les démocrates, pour l’instant, il n’y a pas d’autre nom que celui d’Hillary Clinton. Si elle décide d’y aller, elle sera redoutable. Dans l’autre camp, il peut y avoir Marco Rubio, d’origine cubaine, mais surtout le gouverneur du New Jersey, Christopher Christie, actif, au parler franc, courageux et direct, qui possède un formidable pouvoir d’attraction – malgré, ou à cause, de son obésité.

– Comment cela ?

Christie est anormalement obèse. Il le sait et l’admet. S’il perdait du poids, il perdrait son image – d’autant qu’une bonne partie de nos compatriotes souffre du même syndrome. Mais, par ailleurs, cela reste un inconvénient.

 

 

Dimanche 24 février

Le lendemain, dans l’après-midi, je retrouve mon vieil ami, le talentueux Tom Wolfe, toujours tiré à quatre épingles : cravate à pois, chapeau de feutre bleu, cape bleue, pantalon gris clair, chaussures avec guêtres bicolores. Ce dandy reconnaissable entre tous (les gens se retournent lorsqu’il apparaît dans le hall du Mark Hotel), vient de publier Back to Blood – un étonnant roman se déroulant à Miami et qui sera publié fin mars à Paris, où il viendra, d’ailleurs, pour la promotion, pendant quelques jours. Tom est une légende vivante du «nouveau journalisme» et l’auteur du célèbre Bûcher des vanités. Son regard sur la société multiethnique de Miami, avec ses excès et ses excentricités,

est d’un humour et d’une précision confondants. J’aime son goût du paradoxe et son rejet du «politiquement correct». Lui aussi croit que Christie a une chance. Tom Wolfe contraste avec mon interlocuteur de la veille :

Obama ? Qu’est-ce qu’il a fait jus­qu’ici ? Pas grand-chose !

 

Mardi 26 février

Retour à Paris, où je découvre cette nouvelle affaire du livre consacré à la sexualité de DSK, les chiffres alarmants du chômage et l’annonce, dans la journée, des résultats catastrophiques des élections en Italie. Les clowns au pouvoir ? Sinistre perspective. Pour un peu de pureté, de beauté, d’évasion, j’ai la chance d’assister, le soir, à Pleyel, au concert donné par le Berliner Philharmoniker dirigé par Simon Rattle. L’un des trois meilleurs orchestres du monde. Au piano, pour le Concerto n° 3 de Beethoven, la Japonaise Mitsuko Uchida. Une merveille de délicatesse, de doigté à la fois velouté et puissant, une envoûtante interprétation, qui lui vaut dix rappels. La salle, transportée de bonheur, fera un accueil équivalent à la soprano Barbara Hannigan (Correspondances, de Dutilleux), et au final, à tout l’orchestre pour sa magistrale rendition de la Symphonie n° 3 de Schumann. Soirée d’exception. La musique sauve de la banalité quotidienne et de la grisaille du ciel. 

 

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