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Mangaka et auteurs de BD ne font pas le même métier

Le dessinateur de BD Albert Uderzo dessine ses personnages de la série Astérix, le 2 octobre 2012 à Neuilly-sur-Seine [Joel Saget / AFP/Archives] Le dessinateur de BD Albert Uderzo dessine ses personnages de la série Astérix, le 2 octobre 2012 à Neuilly-sur-Seine [Joel Saget / AFP/Archives]

Quand Katsuhiro Otomo, créateur du manga Akira, et Naoki Urasawa, le "papa" de Monster ou 20th Century Boys, rencontrent Emmanuel Lepage et Bastien Vivès, des auteurs français de BD, tous reconnaissent des influences réciproques mais constatent qu'ils ne font pas le même métier.

"Des auteurs de manga japonais ont été inspirés dans les années 1980 par les images du dessinateur français Moebius, et une nouvelle forme d'expression est alors apparue dans le manga, notamment dans la science-fiction, par un dessin plus tridimensionnel", explique Masato Hara, traducteur de BD occientales.

"Inversement, aujourd'hui, les jeunes générations d'auteurs occidentaux, comme Bastien Vivès, subissent assurément l'influence des mangas nippons", ajoute-t-il, précisant toutefois qu'il n'y a pas nécessairement des points communs saillants dans les dessins.

De passage à Tokyo pour la première édition d'une foire de la bande dessinée internationale (Kaigai Manga festa), Emmanuel Lepage confirme: "Lorsque le premier manga (Akira) est sorti en France en 1990, j'avais déjà publié quatre ou cinq albums. Cet ouvrage monumental, qui s'étend sur quelque 2.000 pages, m'a cependant ouvert des portes sur une autre façon de raconter, car le manga, de par son mode de publication, peut développer des thématiques beaucoup plus complexes, beaucoup plus intéressantes, beaucoup plus intimes, peut partir dans des zones narratives auparavant inexplorées dans la BD".

Les mangas sont généralement publiés au Japon sous forme de feuilleton dans des hebdomadaires ou des mensuels, avant d'être compilés en recueils. Ces sagas, en noir et blanc le plus souvent et dont chaque épisode s'étend sur une dizaine ou une vingtaine de pages, durent des années, voire des décennies.

Les mangas sont ainsi un peu à la BD ce que les séries TV sont au long-métrage.

De ce fait, "les auteurs de mangas sont très ambitieux, créent de véritables univers plein de personnages aux relations complexes, font du spectacle, suscitent de l'émotion", note Bastien Vivès, jeune auteur remarqué pour "Le goût du Chlore" ou "Polina". Lui-même se dit de plus en plus tenté par la façon de procéder des dessinateurs japonais.

Les "mangaka" envient la liberté des auteurs de BD

Mais les auteurs de mangas nippons, les "mangaka", ont tendance à envier leurs collègues européens à qui les éditeurs donnent un ou deux ans pour réaliser un album en toute liberté.

Le dessinateur de mangas Naoki Urasawa dessine lors du salon Japan Expo dédié à la culture japonaise, le 7 juillet 2012 à Villepinte, près de Paris [Marion Berard / AFP/Archives]
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Le dessinateur de mangas Naoki Urasawa dessine lors du salon Japan Expo dédié à la culture japonaise, le 7 juillet 2012 à Villepinte, près de Paris
 

"L'expression figurative développée dans la BD est fascinante. Quand on ouvre une BD, les yeux s'arrêtent et s'attardent sur chaque image qui a sans doute nécessité beaucoup de temps. C'est un autre monde, extraordinaire, mais peut-être trop limité en genres", juge J.P. Nishi, dessinateur japonais d'une trilogie autobiographique sur une tranche de vie à Paris.

"C'est vrai que j'aime que le lecteur ait à manger dans une image et il me faut une semaine pour réaliser une planche", confirme le Belge François Schuiten, également convié à Tokyo pour rencontrer Naoki Urasawa qui, lui, doit livrer 20 pages par semaine.

"Publier des mangas tout en couleurs est un rêve", assure M. Urasawa, mais "pour le faire il faut des capacités cognitives très différentes de celles nécessaires pour dessiner du manga", insiste-t-il.

De fait, comme le souligne le scénariste français Benoît Peeters, alors que son compère Schuiten dessine et colorie tout, tout seul, en prenant son temps, les "mangaka" oeuvrent à un rythme infernal sous la tutelle d'un éditeur très impliqué dans l'orientation des histoires et avec des assistants, indispensables pour achever les planches dans les temps.

"En cela, les mangaka sont comparables à des réalisateurs de films" dirigeant leur équipe sous l'oeil implacable du producteur, remarque M. Peeters.

Une comparaison d'autant plus pertinente que certains, comme le créateur d'Akira, Otomo, jonglent entre les deux métiers de metteur en scène et auteur de manga.

"Et peut-être que les mangaka et les dessinateurs de BD ne font tout simplement pas le même métier, que les seconds ont plus de points communs avec des illustrateurs", conclut J.P. Nishi.

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