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Confinement : comment ne pas dérégler son horloge biologique en adoptant un mauvais rythme

Il faut notamment s’obliger à respecter son rythme de sommeil habituel.[©Damien MEYER / AFP]

Le manque d’exposition à la lumière naturelle, les horaires de coucher et de repas décalés, le changement d’heure, l'augmentation du temps d'écran… En cette période de confinement, de nombreux facteurs sont susceptibles de dérégler notre horloge biologique interne.

Nichée au cœur du cerveau, dans l’hypothalamus, c’est elle qui impose le rythme circadien (cycles d’une durée de 24 heures) à l’organisme, tel un chef d’orchestre.

Or, les troubles du rythme circadien peuvent avoir des conséquences aussi bien sur le métabolisme, la mémoire, ou encore le fonctionnement du système cardiovasculaire.

Il est donc impératif, même dans ces conditions exceptionnelles, de garder un équilibre en s’imposant des règles de vie strictes comme notamment respecter son rythme de sommeil habituel.

des horaires de lever et de coucher stables

«Le sommeil est absolument capital. Il est impliqué dans la régulation de l’humeur, de l’anxiété, dans notre capacité à réagir face à des situations stressantes, ainsi que dans la régulation de notre système immunitaire, et on sait à quel point c'est particulièrement important en ce moment», explique le neurobiologiste Claude Gronfier, spécialiste des rythmes biologiques et du sommeil à l’Inserm (Centre de recherche en neuroscience de Lyon).

C’est pourquoi il est très important de garder des horaires de lever et de coucher stables. «S'ils se décalent, cela signifie qu’il y a un dysfonctionnement de notre horloge interne», et qu'il faut agir pour retrouver un équilibre, explique Claude Gronfier, présisant que «Ce n’est pas parce qu’on est confiné qu’il faut se lever deux heures plus tard.» Et ce, même le week-end, «car en période en confinement, son importance diminue».

Si la pratique d'une activité sportive individuelle est autorisée, «il faut éviter d'aller courir trop tard le soir», conseille-t-il, cela pourrait perturber l’endormissement, au même titre que «de prendre une douche trop chaude peu de temps avant d’aller se coucher».

surtout pour les lève-tôt 

Certains peuvent également être tentés de s’autoriser une petite sieste pour faire passer le temps ou par manque de sommeil. Mais attention à ne pas s’assoupir trop longtemps.

«Il faut éviter les siestes trop longues (pas plus de 20 minutes, ndlr) après quoi on se réveille encore plus fatigué. Et le sommeil pris de jour va impacter le sommeil de nuit. Or, le sommeil de nuit est le plus important.», insiste Claude Gronfier.

Et ce décalage n’est pas sans conséquences, surtout pour les gens du matin. Comme l’explique le chronobiologiste et psychiatre Patrick Lemoine, auteur de «Remettez vos pendules à l'heure !» (éd. In Press), «Les gens du matin qui vont se comporter comme des gens du soir vont tout décaler vers le bas et risquent de déclencher une dépression».

En langage technique, on dit que les lève-tôt sont chrono-rigides, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent décaler leur horloge biologique sans répercussions sur leur santé. A l'inverse, les couche-tard sont chrono-flexibles, ce qui signifie qu'il peuvent la décaler sans conséquences. «Les gens du soir font ce qu'ils veulent», résume le spécialiste du sommeil.

Ne pas négliger l’hygiène lumineuse

Désormais, les Français doivent restreindre au maximum leurs déplacements pour freiner la propagation du coronavirus. Ils restent ainsi enfermés chez eux toute la journée, et sont de fait beaucoup moins exposés à la lumière naturelle.

Or, le rythme de l’horloge biologique est influencé par la lumière. Elle permet à l’horloge biologique de se recaler et d’exprimer le sommeil et l’éveil au bon moment.

«Il est donc très important de continuer à s’exposer quelque minutes à la lumière solaire, que ce soit en se mettant à sa fenêtre, sur son balcon ou sur sa terrasse», rappelle Claude Gronfier.

Quid du rythme des enfants ?

Garder un bon rythme est encore plus important chez les adolescents et les enfants, car ils sont en dette de sommeil. «Et si le comportement est moins structuré qu’avant le confinement, cela va accentuer cette dette», note Claude Gronfier.

Alors qu'en ce moment l’usage des écrans explose chez les enfants, mais aussi chez les adultes, le neurobiologiste préconise «un couvre-feu digital entre une et deux heures avant le coucher», afin de ne pas freiner la somnolence.

En effet, la lumière émanant des écrans a un impact notable sur les rythmes biologiques. «Des études montrent qu’en arrêtant l’utilisation de son smartphone, tablette, et ordinateur, deux heures avant l’heure de coucher souhaité, on dort entre une heure et 1h30 de plus par nuit», soit un gain de sommeil non négligeable.

Mais comment savoir que l'horloge biologique de son enfant est déréglée ? Le meilleur indicateur est le comportement. Comme l’indique Patrick Lemoine, «Les enfants sont souvent très grognons la première semaine des vacances et durant le week-end», car les parents se montrent généralement plus souples sur l'heure du coucher. Or, pour éviter un décalage, «il est important de conserver des horaires de coucher habituels et de les empêcher de faire trop de grasses matinées», même quand ils ne vont pas à l'école.

Un changement d’heure à encaisser

Et le passage de l’heure d’hiver à l’heure d’été, le 29 mars dernier, n'a pas forcément faciliter les choses.

«Cela provoque une dette de sommeil. On dort une heure de moins le jour où on change d’heure. Et ça c’est un problème.», selon Claude Gronfier. «Il y a un décalage alors que notre horloge biologique a spontanément déjà tendance à prendre du retard, comme une montre.», ajoute-t-il.

De son côté, Patrick Lemoine relativise. «Les conséquences du changement d’heure sur notre organisme sont les mêmes qu'en temps normal. Une heure de variation représente certes un stress, mais c’est un petit stress, c’est facile à surmonter. D’autant que si se lever une heure plus tôt a un côté anxiogène, cela entraîne également en effet antidépresseur.», précise-t-il.

S’astreindre à un bon rythme nutritionnel

Dans ces conditions, on a également tendance à décaler les repas, voire à ne plus du tout passer à table, et à se contenter de faire des allers-retours au frigo à chaque fois qu’on a une petite faim. Chose qu’il faut éviter pour ne pas malmener son horloge interne.

«L’horloger principal c’est la lumière, explique Patrick Lemoine. Après il y a les synchroniseurs sociaux, comme les repas. Et il si on mange de manière équilibrée à des heures fixes, et bien on ne grossira pas, on sera énergique, et on dormira mieux».

Même les gens qui vivent seuls doivent s’imposer cette routine. Pour cela, «ils peuvent notamment organiser des repas Skype avec leurs amis. Il faut essayer d’être en compagnie malgré les circonstances, car on l'homme est un animal social.».

créer un bon cadre de travail

Les mesures de confinement prises par le président de la République ont conduit de nombreux salariés à travailler à distance. Une expérience que certains ont découvert pour la première fois. Et quand on n’est pas habitué, le chevauchement de la vie personnelle et professionnelle n’est pas facile à gérer.

Pour vivre au mieux le télétravail, «Il faut faire comme si on était physiquement au boulot», conseille Patrick Lemoine. C’est-à-dire qu'on prend les mêmes pauses, que ce soit pour boire son café et ou fumer sa cigarette. Le grand secret c’est de garder le même rythme qu’au travail. C’est une nécessité vitale pour ménager notre horloge biologique.»

Enfin, il est primordial de télétravailler dans un environnement adapté. «On travaille sur une table, et pas sur le canapé ou dans le lit. Il faut s’imposer une discipline. Le lit c’est fait pour dormir et s’aimer. Ce n’est pas fait pour travailler, regarder la télévision, et manger.»

Quelle adaptation pour l'après confinement ?

L’après confinement ne nécessitera pas forcément une réadaptation. «Les humains se sont développés comme les animaux. On avait l’habitude de vivre à l’extérieur. Et dès lors qu’on nous confine à l’intérieur, on nous désadapte. Mais lorsque l'on va de nouveau pouvoir sortir librement, on va se réadapter très vite car on a évolué de cette manière-là.», détaille Claude Gronfier.

Il faudra néanmoins prendre quelques précautions. Car à la sortie du confinement «les gens vont être tellement heureux de sortir qu’il vont rester plus tard dans les bars, et ces comportements, précise-t-il, vont être défavorables à leur horloge biologique».

Pour bien préparer le retour à la normale, Patrick Lemoine préconise de son côté de ne pas rester toute la journée en pyjama, et de prendre le temps de bien s’habiller, de se coiffer… «Si on se laisse aller durant le confinement, prévient-il, le retour à la normale peut être difficile à vivre».

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