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La plus belle cave de parfum au monde

"Voilà la petite merveille ! Le Chypre de Coty, 1917", dit le maître de cave, en plongeant délicatement une languette de papier buvard dans un flacon : l'un des "grands crus" de l'Osmothèque, qui conserve depuis 25 ans les trésors de la parfumerie mondiale dont d'illustres disparus.

A ses côtés, l'Eau de la reine de Hongrie (XIVème siècle), l'Eau de Lubin (1798), l'Eau de Cologne que Napoléon utilisa à Sainte-Hélène (1815), la Fougère Royale d'Houbigant (1884) ou le célèbre Crêpe de Chine de Millot (1925)...

La température est de 13 degrés, la lumière artificielle et le recueillement de mise devant les centaines de flacons et de fioles classés par numéro et famille olfactive dans une cave de quelques mètres carrés, cachée derrière plusieurs portes blindées.

Seuls quelques néophytes ont accès à l'endroit, considéré comme "le coeur" de ce conservatoire unique au monde, situé à deux pas du château de Versailles, au sein de l'Isipca (Institut supérieur international du parfum, de la cosmétique et de l'aromatique alimentaire).

"Ce sont nos joyaux, 2.500 références dont 400 auxquelles nous tenons particulièrement car il s'agit de parfums disparus ou qui ne sont plus commercialisés. Nous en avons reconstitué 175 grâce à leurs formules d'origine", explique à l'AFP Yves Tanguy, ancien "nez" et gardien du temple.

Il veille jalousement sur ses "trésors" avec une autre pointure du secteur à la retraite, Jean Kerléo, qui fut le "nez" de Patou pendant 33 ans et a fondé l'Osmothèque (de osmê=odeur, et thêkê= coffre, lieu de dépôt), inaugurée en 1990 et présidée par Patricia de Nicolaï, descendante de la famille Guerlain.

Quelques autres élus veillent quotidiennement à la bonne conservation des parfums et à l'approvisionnement de 200 valises d'échantillons qui parcourent le monde à la demande.

Pline l'Ancien

L'Osmothèque, qui ne commercialise pas de parfum, accueille aussi le grand public lors de conférences autour d'une sélection de fragrances passées.

Au début de l'été, les amateurs ont ainsi pu découvrir celles nées entre 1945 et 1965 au sein des maisons Worth, Patou, Lelong, Molyneux, Lanvin, Piguet, Rochas, Balenciaga, Fath, Ricci, Carven, Dior...et leurs créateurs, parmi lesquels une femme, Germaine Cellier, à l'origine de nombre d'entre eux dont "Vent Vert" pour Pierre Balmain.

Jean Kerléo a bataillé ferme pour faire aboutir son projet qui ravit aujourd'hui professionnels et amateurs du monde entier. Avec quelques amis, il a constitué une "banque de données olfactives" et retrouvé d'anciennes formules utilisant des matières rares, disparues elles aussi ou qui sont interdites.

"C'est le cas de la civette, à l'odeur animale très forte, ou la teinture de musc en grains du Tibet, un produit capital qui entre dans la composition de nombreux parfums anciens. Sans elle, aucun grand Chanel n'aurait été créé", explique-t-il devant l'orgue à parfum.

"C'est le clavier du parfumeur", ajoute-t-il, en balayant du regard les rayons de petits flacons ordonnés comme des touches de piano, dans une salle abritant nombre d'objets précieux, d'instruments et de casiers remplis de mousse de chêne, de gingembre, d'opoponax, de benjoin, de patchouli ou d'immortelles.

A la recherche du Saint Graal, Jean Kerléo a réussi l'inimaginable : reconstituer, à la demande d'une historienne et avec la complicité d'un herboriste, le Parfum Royal, décrit par Pline l'Ancien au 1er siècle, et qui est notamment composé de cannelle, de cumin, de miel d'acacia et d'huile d'ébène.

Cette solution graisseuse, dépourvue d'alcool - entré dans la composition du parfum au XIVè siècle - exhale comme un parfum d'éternité.

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