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Les vendanges dans l'ombre chinoise

Il fait encore nuit quand une colonne de fourgons remplis de vendangeurs part à l'assaut des vignes à Gevrey-Chambertin, en Bourgogne, où l'arrivée à grands frais d'un investisseur chinois a provoqué des remous pendant l'été.

La petite armée de coupeurs, en imperméables et bottes en plastique, se déploie dans les rangs de vignes. Les rires fusent, les sécateurs se ferment sur les grappes chargées de pinot noir.

"Sous la pluie, il y a une ambiance, c'est plus convivial. Et on chante quand on a froid", décrit Aude, 22 ans, la tête enfouie sous sa capuche, pendant que ses collègues s'amusent à lui lancer du raisin ou des mottes de terre.

Dès 07h30, ils ont investi les vignes du domaine Rousseau, dont le directeur, Eric Rousseau, a été désigné par Louis Ng Chi Sing, pour exploiter les 2 hectares de vignes du château de Gevrey-Chambertin.

Un château que ce Chinois, propriétaire de salles de jeux à Macao, a acquis récemment pour une somme avoisinant les 8 millions d'euros, alors que le bien était estimé 3,5 ME.

Ce rachat a fait l'effet d'un séisme dans le monde de la vigne, les viticulteurs locaux, bien qu'ayant rassemblé quelque cinq millions d'euros, n'ayant pu rivaliser avec l'investisseur chinois pour maintenir sous pavillon français cette propriété au coeur d'une des plus fameuses appellations de Bourgogne.

Cette vente record fait craindre une "déferlante" d'investisseurs étrangers dans la région, avec pour conséquence une flambée des prix du foncier et des droits de succession.

Louis Ng Chi Sing, un passionné de vin, ne nourrit d'autre ambition que de redonner aux vignes leur "ancienne gloire", ont assuré de leur côté ses amis et des spécialistes.

Son arrivée en Bourgogne n'émeut guère les vendangeurs: tout le bruit médiatique autour de ce rachat "est un peu excessif", estime Alexandre, lors de la pause.

Cet investissement chinois "n'est pas exceptionnel dans le vin", ajoute ce trentenaire, surnommé "Barbie" par ses camarades en raison de son goût pour les t-shirts roses.

La cohorte de vendangeurs est, dès les premières heures, dans le feu de l'action: tous se penchent, coupent, enlèvent les grains abîmés, se relèvent, font trois pas... "C'est un sport olympique", sourit "Barbie".

Certains sont venus de très loin. Ainsi Marc, vigneron en Australie, qui fait les vendanges en France depuis 2005 "pour apprendre les techniques et la philosophie". "Ici, beaucoup retournent chaque année au même endroit, tout le monde se connaît", apprécie t-il.

Parmi les fidèles, Marketa, une Tchèque de 26 ans, qui prend dix jours de vacances pour venir vendanger. Malgré les courbatures, elle l'assure: "Je reviendrai l'année prochaine".

"Barbie", lui, est agent immobilier à Paris et vendange sur le domaine "pour le plaisir, car sa paie "passe dans le billet de train et les bouteilles de vin". "Je les aime bien les Rousseau", dit-il.

Eric Rousseau travaille à côté des coupeurs. Et revient avec mesure sur le feuilleton de l'été.

"Il y a de plus en plus d'investisseurs qui investissent dans la vigne, qui est une valeur de plus en plus sûre. Qu'ils soient Chinois ou Français, ça ne me dérange pas du tout", avance-t-il, pointant la nécessité de "s'adapter".

Et puis, assure-t-il, M. Louis Ng "est un très grand spécialiste de vin, surtout de Bourgogne". Le viticulteur regagne ses 15 ha de vignes, confiant : cette année sera "un très grand millésime".

Un peu plus loin, dans les vignes du château dont il assure désormais l'exploitation, les vendanges ont déjà commencé, mais ont été interrompues, le temps que les baies gagnent encore un peu en maturité.

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