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Colère en Tunisie après un viol

Indignation, colère et dégoût se lisaient sur tous les visages à Tunis lors d'un rassemblement de protestation contre le sort d'une Tunisienne violée par des policiers et menacée de poursuites par la justice.

Sous un tableau de femme nue à l'entrée d'un petit théâtre privé, militants, artistes, étudiants ou femmes au foyer se bousculaient vendredi soir pour dénoncer le viol qui a fait scandale en Tunisie.

"Choquant, révoltant, dégoûtant!", crie une femme au foyer répondant à l'appel d'un collectif d'ONG féminine et de défense des droits de l'Homme.

La jeune femme violée début septembre par deux agents de police alors qu'elle se trouvait avec son ami, a porté plainte avant de se voir convoquer par un juge pour "atteinte à la pudeur", un délit passible de six mois de prison.

Selon le ministère de l'Intérieur, le couple a été appréhendé le 3 septembre dans une "position immorale". Deux agents avaient alors violé la femme pendant qu'un troisième retenait le fiancé menotté. Les trois policiers ont été incarcérés.

"Je suis indigné par le cours que prend cette affaire et d'autant plus choqué de voir que les violeurs sont deux agents des forces de l'ordre censés protéger les citoyens. Le pire c'est que la victime se retrouve sur le banc des accusés", renchérit Jamel Bouslama, un médecin défenseur des droits de l'Homme.

Selon lui, "le gouvernement est gêné par l'immense courage de la jeune femme qui a osé porter plainte". Et de saluer "la vitalité de la société civile post-révolution qui lutte contre la violence qu'elle soit le fait de la police ou des salafistes".

"Je viens partager un sentiment de profonde indignation et dénoncer les tentatives de justifier un acte infâme", lâche Lobna Jridi, députée de gauche à l'Assemblée nationale constituante, exprimant sa "stupeur de voir comparaître une femme victime de viol et torture sous prétexte d'atteinte à la pudeur".

Silence brisé sur la violence faite aux femmes

"Un verrou a sauté, le silence a été brisé autour de la violence faite aux femmes, mais aussi aux hommes, ajoute-t-elle, soulignant la responsabilité des élus à édicter des lois conformes à l'esprit de la révolution.

"Je suis ahurie, de quelle pudeur parle-t-on pour justifier la sauvagerie de flics malades? Jamais plus je ne m'arrêterai à un contrôle policier", lance une une étudiante anonyme venue "saluer le courage" de la femme violée.

Emna Mnif du mouvement Kolna Tounes évoque "une logique qui se confirme de jour en jour: à chaque fois que quelqu'un ose lever la tête ou contester il se transforme en accusé!", déplore-t-elle.

"On a vraiment peur, c'est peut-être la partie visible de l'iceberg, parler de viol est difficile", lance l'actrice Martine Gafsi.

"Nous devons lutter pour les libertés individuelles parce qu'il y a une dictature islamiste qui est en train de s'instaurer", met-elle en garde, dénonçant le harcèlement des femmes pour leur tenue vestimentaire ou leur mode de vie.

Le ministère de la Justice a justifié les poursuites à l'encontre la femme violée et, au sein du gouvernement dominé par le parti islamiste Ennahda, seule la ministre de la Femme, Sihem Badi (gauche), a franchement condamné le viol.

"Être fidèle à la révolution, c'est apporter protection et assistance à la victime", a-t-elle indiqué, louant le courage de la victime pour avoir dénoncé ses agresseurs.

Pour Raja Ben Slama, universitaire féministe, "il faut séparer le juridique du moral, sinon c'est le fascisme qui s'installe".

Le 2 octobre, la jeune femme violée et son compagnon se rendront de nouveau devant le juge d'instruction, alors les ONG locales et internationales ont appelé à l'arrêt des poursuites les concernant.

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