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Leica, témoin du siècle

"Un Leica peut être comme un baiser passionné, un coup de revolver ou le divan d’un psychanalyste", Henri Cartier-Bresson [CC/Joi]

L’invention du petit format par Leica en 1914 fut une révolution pour la photographie, comparable à celle du numérique aujourd’hui. Grâce à sa taille, ce boîtier est devenu l’outil privilégié des plus grands photoreporters. De Robert Capa à Henri Cartier-Bresson, en, passant par Jean-Loup Sieff, Marc Riboud ou Sebastiao Salgado, tous l’ont adopté.

 

Archives – Article publié le Jeudi 30 août 2007

 

À la fin du XIXe siècle, la photographie en est à ses balbutiements. L’énorme chambre noire est le seul moyen de fixer la lumière sur de grandes plaques en verre sensible et les grandes dimensions de ces négatifs empêchent toute évolution vers des appareils plus petits. Pourtant, à Wetzlar, au cœur de l’Allemagne, dans les ateliers d’optique Leitz qui fabriquent des microscopes depuis 1849, Oskar Barnack, le responsable du bureau d’études élabore en 1905 un concept aussi simple que génial : il décide d’utiliser la pellicule cinématographique à la place des plaques de verre.

 

Le premier petit format

De santé fragile, asthmatique, le jeune mécanicien est aussi un photographe amateur passionné. Il utilise une chambre photographique 13x18 à plaques qu’il s’épuise à déplacer. Il rêve d’un appareil de poche pour son usage personnel et cherche à réduire la taille du négatif. C’est dix ans plus tard, en 1914, alors qu’il est devenu chef du service recherche des laboratoires Leitz qu’il réalise à partir d’un appareil utilisé pour les essais des pellicules de cinéma, le premier boîtier petit format fonctionnel au monde, le Ur-Leica. En plaçant la pellicule cinéma à l’horizontale dans le boîtier, il met au point le format 24x36 mm.

Les premières photos, d’une qualité exceptionnelle pour l’époque, voient le jour en 1914, mais le développement est retardé par la Première Guerre mondiale. Le premier Leica, contraction de Leitz-Camera, est présenté au public en 1925. Déjà, ses formes sont définies et seront déclinées dans les modèles suivants : un petit boîtier oblong doté d’un obturateur à rideau, d’un objectif de 50 mm et d’un viseur de Galilée. A la tête de l’atelier, Ernst Leitz est convaincu de l’intelligence du produit. Il va créer une nouvelle division pour développer toute la chaîne de produits photographiques, de l’appareil de prise de vues à l’agrandisseur.

 

Publicité Leica de 1930 [CC/Nesster]

 

Des images inédites

Pourtant, le premier appareil petit format d’Oskar Barnack, présenté par Ernst Leitz à la foire de Leipzig en 1925 connaît des débuts difficiles. Les visiteurs ne s’enthousiasment pas pour la «lilliput camera» et le considèrent comme un jouet malgré la qualité des clichés exposés. Seule une minorité de photographes de presse, suivie par l’avant-garde des milieux artistiques, flaire les possibilités offertes par cet appareil compact, maniable et rapide.

Le Leica donne soudain accès à une mobilité inconnue et permet de se rapprocher au plus près de l’action. Il donne des images dynamiques ne nécessitant pas la pose des personnages mais les rendant complices du photographe. La discrétion et le silence du Leica vont permettre au photographe-reporter de métamorphoser la presse illustrée.

L’année 1925 fut également celle où fut créé le premier flash électronique. Une évolution qui permet de remplacer les encombrants flashs au magnésium par des flashs à ampoule. Du jour au lendemain, c’est toute la profession de photojournaliste qui est bouleversée.

 

Publicité Leica de 1960 : « Leica, le seul appareil photo invité à la soirée » [CC/Nesster]

 

La naissance du photoreportage

 L’arrivée du Leica s’inscrit dans une formidable période de libéralisme en Allemagne. La République de Weimar se veut favorable aux arts et aux lettres. Einstein reçoit le prix Nobel en 1921, Walter Gropius crée le Bauhaus en 1919 et le théâtre de Bertolt Brecht est rendu célèbre dans toute l’Europe.

A cette époque, la presse allemande s’émancipe et remplace le dessin par la photographie. Prise sur le vif, la netteté de l’image compte moins que le sujet et l’émotion. La persévérance d’Ernst Leitz est récompensée deux ans plus tard. La production des appareils augmente considérablement : 1 000 boîtiers en 1927, 10 000 en 1928, 50 000 en 1931 et 100 000 en 1933.

En France, le magazine Vu emboîte le pas à la presse allemande et, en 1936, c’est au tour de la presse américaine de laisser une place au photoreportage dans le célèbre magazine Life. Dans les rédactions anglo-saxonnes, l’appareil est surnommé affectueusement la «candid camera». Il est reconnu pour son caractère révolutionnaire et dynamique. Si les photos plaisent, elles ne sont pas encore jugées véritablement professionnelles.

Cette année 1936 est aussi celle de la guerre d’Espagne. Pour la première fois, des reporters peu- vent saisir la réalité au plus près, sans mise en scène. Robert Capa est de ceux-là et va donner ses lettres de noblesse au photoreportage de guerre et donc au Leica.

 

Vidéo : Publicité Leica

 

 

M3, la référence absolue

De nouveaux modèles à objectifs interchangeables sont proposés : Leica II en 1932, Leica III en 1933 jusqu’au Leica IIIf en 1950. Avec le M3 sorti en 1954, Leica crée la référence absolue pour tous les photographes. C’est le premier appareil de la lignée des M, avec une nouvelle baïonnette à changement d’objectif rapide. Depuis, le procédé à très peu évolué et le modèle restera mythique comme la Type E chez Jaguar ou la montre Tank chez Cartier.

C’est la grande époque des reporters de Paris Match, Herald Tribune ou Life, tous équipés en Leica. La rédaction de la National Geographic Society aura jusqu’à 120 Leica. Les ambassadeurs du M se nomment Henri Cartier-Bresson, Louis Armstrong, la reine Elisabeth ou encore Che Guevara.

 

Le Leica M3 [CC/Aitor Escauriaza]

 

Plus de 20 versions vont succéder au M3 jusqu’en 1984, année de la sortie du M6 toujours commercialisé aujourd’hui. Aujourd’hui, à l’ère du tout-numérique ou rien ne fonctionne sans alimentation électrique, le M6 trouve encore chaque année 10 000 acheteurs dans le monde, amateurs, professionnels ou collectionneurs.

 

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