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Réseaux sociaux et mobiles amplifient le harcèlement à l'école

Un clavier de téléphone mobile [Thomas Coex / AFP/Archives] Un clavier de téléphone mobile [Thomas Coex / AFP/Archives]

"Tu dois t'asseoir seule à la cantine", "Tu as interdiction de prendre le premier bus", des diktats par sms, Emma, 16 ans, en a reçu des dizaines en 4e. Elle les a suivis à la lettre pendant des semaines avant de craquer.

Comme elle, un élève sur vingt se dit harcelé de manière sévère ou très sévère, phénomène amplifié par les réseaux sociaux et la téléphonie mobile, d'après une enquête du ministère de l'Education nationale, publiée mardi.

Souvent dans les cas de cyberharcèlement, il est difficile de démêler le début de l'histoire, l'élément déclencheur. Deux ans après les faits, Emma raconte avec difficulté cette période. Cela a commencé par des photos-montages dégradants que tout le collège a vus, suivis d'injures sur les réseaux sociaux, puis d'injonctions.

"Je suis assez timide, je ne sais pas répondre et les gens en profitent toujours. Pendant longtemps je n'ai rien dit mais cela devenait un enfer, tous les jours j'avais de nouvelles consignes", confie-t-elle, encore émue à l'évocation des faits deux ans après.

Rapidement, elle flanche physiquement. "Je ne pensais plus qu'à cela, j'avais des maux de tête, de ventre. Je ne voulais plus aller en cours donc ma mère a commencé à se douter de quelque chose", ajoute la jeune fille.

"Quand on est dedans, on ne voit pas de solution, on se sent pris au piège et puis on ne veut pas balancer car on a l'impression que cela passera tout seul et que si on dit quelque chose cela risque d'être pire", renchérit Adrien, qui a lui aussi subi des insultes homophobes via les réseaux sociaux quand il était au lycée.

Sur internet, les moyens de pression des harceleurs sont nombreux : usurpation d'identité, chantage à la photo dénudée, insultes... Et comme les adolescents sont aujourd'hui connectés en permanence via leur téléphone portable, ce harcèlement est plus intrusif et crée un état d'insécurité permanent.

"Le harcèlement a toujours existé mais avec le cyberharcelèment on passe à un autre niveau, car l'enfant harcelé n'est jamais tranquille et est poursuivi jusque dans l'enceinte de sa maison", explique Justine Atlan, directrice de l'association E-enfance, qui fait de la prévention dans les établissements scolaires et gère une ligne d'écoute.

 

"Ingérable"

Aujourd'hui un tiers des appels ou contacts internet de la ligne d'écoute concerne du cyberharcèlement et le phénomène se retrouve dans toutes les catégories sociales et partout en France, aussi bien à la campagne qu'en ville.

"Beaucoup d'enfants s'autorisent à participer activement parce qu'ils sont derrière un écran, et donc passent du côté des harceleurs, ce qu'ils n'auraient pas fait de visu", ajoute Mme Atlan.

"Je devenais fou. Tout va si vite et si loin: des dizaines de personnes que je ne connaissais pas du tout ont repris les insultes", confirme Adrien.

Pour lutter contre le phénomène et leur donner les "codes" d'internet, les séances de prévention sont organisées dès le primaire. Mais d'après la délégation ministérielle chargée de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire, le "problème commence à être reconnu et des premiers éléments de réponse existent, mais restent insuffisants".

"Cela devient ingérable pour nous", explique le CPE d'un établissement du Val-de-Marne. "Nous avons déjà dû mal à contrôler tout ce qui se passe dans les murs de l'établissement... alors si nous devons aussi avoir un oeil sur internet!"

D'après l'enquête du ministère, le harcèlement entraîne absentéisme – 20 à 25 % des absentéistes chroniques le sont par peur du harcèlement –, décrochage scolaire, dépression et suicide (le risque de faire une tentative de suicide est quatre fois plus important).

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