En direct
A suivre

Nicolas Danet : "L'affaire Facebook fait penser à la rumeur d'Orléans"

Le réseau social Facebook est au coeur d'une polémique sur la vie privée. [JUSTIN SULLIVAN / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP]

La rumeur faisant état d'un "bug" de Facebook ayant rendus publics les messages privés postés par les utilisateurs entre 2007 et 2009, lancée lundi par le site du quotidien Metro, a suscité une avalanche de réactions.

Qu'elle soit fondée ou non, elle a en tout cas réveillé les craintes des utilisateurs concernant leur vie privée. Nicolas Danet, spécialiste de l’analyse de réputation en ligne, de l’hacktivisme et des ONG  et auteur de Anonymous : Pirates ou altermondialistes numériques ? (éd. Fyp), revient pour Direct Matin sur la place des réseaux sociaux dans notre quotidien.   

Y a-t-il vraiment eu un "bug" de la part de Facebook ? 

La seule preuve qu'on aurait pu fournir c'est deux captures d'écran : une qui montre les messages privés dans la messagerie, et une autre les messages publiés sur la Timeline. Cette preuve n'existe pas. Ce n'est pas la première fois que ce genre de rumeur se propage. Il y avait eu un précédent en Finlande, où un mouvement populaire similaire s'était déclenché, accusant Facebook de dévoiler la vie privée. Cela fait penser à la "Rumeur d'Orléans". Il est intéressant de voir la vitesse avec laquelle cette rumeur s'est répandue, et la manière dont les médias l'ont massivement reprise.

Cette affaire est-elle révélatrice d'une prise de conscience de la part des utilisateurs ? 

L'une des caractéristiques d'Internet c'est d'aplatir les choses. On s'adresse à beaucoup plus de monde que ce que l'on pense, et tout le monde est au même niveau : les hiérarchies sont supprimées. Et ce qui est vertigineux c'est qu'on se rend compte que ce qu'on a publié il y a trois ou quatre ans est toujours visible, y compris les choses les plus anecdotiques. On n'imaginait pas que ça resterait. Surtout, il faut se remettre dans le contexte : en 2009, on n'avait pas dans ses contacts nos collègues de travail ou les membres de notre famille. Les discussions ne s'adressaient à l'époque qu'à un petit groupe d'amis restreint, alors qu'aujourd'hui tous nos contacts peuvent les voir. 

Qu'ont changé les réseaux sociaux dans notre quotidien ? 

Cela fait finalement peu de temps que la technologie a pris une si grande importance dans notre vie. On a encore peu d'expérience. Cette affaire du bug me rappelle les réactions des gens lors de la panne survenue cet été sur le réseau de téléphonie Orange. Les gens avaient pris conscience de leur dépendance à la technologie. 

Les jeunes générations accordent-elles moins d'importance à la vie privée ? 

Elles ont un rapport différent à la vie privée. Mais je ne pense pas qu'elles n'y accordent plus d'importance. Les jeunes s'affichent d'avantage, mais conservent des espaces de vie privée. On peut comparer cela à l'arrivée de la mini-jupe : on dévoile plus d'espace privé, et cela choque. Mais on ne montre pas tout. Et, confrontées à la pression sociale, les nouvelles générations adoptent aussi des stratégies de mise en scène. Une étude menée sur les skyblogs (l'"ancêtre" de Facebook, NDLR), montrait que les jeunes écrivaient mal, mais que lorsqu'ils abordaient des sujets importants, comme l'amour par exemple, leur niveau de langue augmentait. 

Comment éviter les dérapages sur les réseaux sociaux ?

Il faut instaurer une sorte de prise de recul par rapport à ce que sont les réseaux sociaux. Ma génération (Nicolas Danet a 25 ans, NDLR) a découvert Internet dans les cyber-cafés, pas en cours de techno ou d'éducation civique. Les professeurs ne connaissaient pas vraiment Internet. Il faudrait enseigner Internet de façon différente. Par exemple, les enseignants critiquent Wikipedia, mais on pourrait inciter les enfants à en corriger eux-mêmes les articles, encadrés par leurs professeurs. Plus généralement, il y a un nouveau type d'enseignement à mettre en place. Actuellement, la connaissance de l'informatique se résume à la bureautique : envoyer des mails, utiliser Word... Mais il faudrait apprendre les structures, ce qu'est réellement l'informatique, avec par exemple des bases de programmation. Aujourd'hui, la majorité utilise quotidiennement un langage qu'elle ne maîtrise pas. Concernant Facebook, il faut adopter une logique de "hacker", au sens propre du terme : comprendre l'outil afin de pouvoir l'utiliser comme on le souhaite.  

 

Et aussi

Y a-t-il vraiment eu un bug Facebook ?

Le gouvernement veut des explications

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités