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Athlétisme: la renaissance suisse de Benjamin Compaoré

Le Français Benjamin Compaoré après sa victoire au triple saut aux championnats d'Europe le 14 août 2014 à Zurich [Franck Fife / AFP/Archives] Le Français Benjamin Compaoré après sa victoire au triple saut aux championnats d'Europe le 14 août 2014 à Zurich [Franck Fife / AFP/Archives]

Champion d'Europe du triple saut le 14 août puis deuxième du meeting de Ligue de diamant de Zurich jeudi, dans le même stade du Letzigrund, le Français Benjamin Compaoré a retrouvé en Suisse le plus haut niveau international après des années de blessures.

En l'espace de 15 jours, Benjamin Compaoré a peut-être fait un triple bond vers un avenir radieux, de quoi changer la trajectoire d'une carrière.

"Dès le soir de mon titre, j'ai pris beaucoup de recul avec ça. Mon but ce n'était pas d'être champion d'Europe pour que ma vie change. Après, j'espère quand même qu'elle va changer financièrement, parce que j'ai connu des temps difficiles", sourit Compaoré.

Ce ne serait que justice pour le natif de Bar-le-Duc, un des athlètes les plus doués de sa génération. Mais pas le moins malheureux.

Champion du monde junior en 2006 à Pékin, Compaoré représente alors l'avenir de l'athlétisme français dans cette discipline - le triple saut - si traumatisante pour ses pratiquants.

- Envol brisé -

Las, le bel athlète va voir son envol brisé par de trop nombreuses blessures.

Les ischio-jambiers, la cheville, les muscles, les os, tous se relaient pour gâcher les sept années qui vont suivre.

"Depuis 2007/2008, j'ai conscience d'avoir un gros potentiel, mais je n'ai pu en montrer que des bribes. Rien n'était assemblé. Chaque été, j'ai eu une grosse blessure qui m'arrêtait. C'est extrêmement frustrant", relate l'athlète âgé de 27 ans, qui a récemment eu une petite fille avec l'ancienne sprinteuse Christine Arron.

"J'ai dû prendre encore plus conscience de ce qu'était le haut niveau et l'abnégation qu'il fallait pour prétendre en faire. Quand on a 20 ans et que tout vous réussit, on n'est pas forcément obligé d'être aussi droit qu'un sportif de haut niveau. Mais quand on est blessé on doit le faire".

Souvent, pourtant, Compaoré a pu revêtir le maillot de l'équipe de France lors des grands événements. Mais sans réel succès.

"J'étais là, dans l'équipe de France, mais sans arme. C'est ce qui est encore plus dur et destabilisant. J'y allais pour gagner mais dans un coin de ma tête, je savais que c'est presque impossible".

Il a suivi sans jalousie les succès de Teddy Tamgho, recordman du monde en salle et champion du monde l'été dernier à Moscou. "J'étais heureux pour lui, et moi frustré par ce qui m'arrivait", souligne-t-il.

"Je me suis parfois précipité par frustration de ne pas pouvoir montrer de quoi j'étais capable", analyse-t-il.

Opéré de la cheville à l'automne dernier, Compaoré a aussi fait évoluer son alimentation, se découvrant une intolérance au gluten.

Et la machine s'est remise à fonctionner, même s'il avoue avoir dû recourir à "quatre inflitrations" depuis le début de l'année, contre les douleurs consécutives à son opération.

Le 14 août dernier, dès son premier essai, Compaoré retombe à 17,46 m, son record personnel synonyme de titre continental. Une délivrance ? Pas vraiment.

"Je suis déjà passé à autre chose. Je pense être capable d'aller plus loin, au moins à 17,47 m", plaisante-t-il.

- Comme un symbole -

Presque comme un symbole d'une certaine infortune, Compaoré a été sacré le soir où Mahiédine Mekhissi avait décidé d'ôter son maillot en terminant son 3000 m steeple.

Plus d'articles sur Mekhissi, moins d'aura pour son titre, qui constituait pourtant le premier sacre européen d'un triple sauteur français.

"Après toutes ces années de galère, ce qui compte ce n'est pas la manière dont les médias vont m'exposer ou non. Ce soir-là, ce qui m'a fait le plus plaisir, c'est le moment où j'ai gagné sur la piste. J'étais embêté pour Mahiédine, c'est plus ça le côté négatif de l'histoire", avoue-t-il avec la gentillesse que ses pairs lui reconnaissent.

Jusqu'à la fin de saison, Compaoré espère améliorer son record personnel, au Décanation samedi à Angers par exemple, ou à Marrakech pour la Coupe Continentale mi-septembre.

"Quand on fait des perf', on ne part pas dans la tête de la même manière la saison suivante", explique-t-il.

Or l'an prochain, il y a les Mondiaux de Pékin, dont Compaoré se garde bien de parler.

Le sage Compaoré a trop souvent connu l'ombre pour sauter d'un bond en pleine lumière.

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