A 44 ans, Philippe Croizon a relié les cinq continents à la nage : un exploit achevé le 18 août avec une ultime traversée : celui du détroit de Béring. Une performance d’autant plus exceptionnelle qu'il a été amputé des quatre membres en 1994. Portrait d’un homme d’exception, d’un exemple pour tous ceux qui souffrent.
Né à Châtellerault, Philippe Croizon est un homme au destin hors du commun. Le 5 mars 1994, en pleine force de l’âge à 26 ans, il est victime d’un dramatique accident. Deux décharges de 20 000 volts le traversent de part en part alors qu’il est en train de changer son antenne de télévision sur le toit de sa maison. La première décharge provoque un arrêt cardiaque. La seconde... le ranime.
« J’ai décidé de vivre »
Sa vie bascule. Après trois mois d’hospitalisation et de longues heures d’opération, Philippe Croizon est amputé des quatre membres. Il est désespéré. De longues séances de rééducation et une bataille terrible contre lui-même lui font surmonter ce traumatisme. Il cherche désormais à se reconstruire, il choisit de vivre, d’où le titre de son livre écrit en 2006 « J’ai décidé de vivre » qu’il rédige à l’aide d’un logiciel de reconnaissance vocale. A force d'efforts et de volonté, il réussit à marcher avec des prothèses, à conduire et s’essaie même à sauter en parachute de 4.200 mètres d'altitude. Mais il peut surtout refaire de la plongée sous-marine, son sport favori. Philippe Croizon a en lui l’envie de prouver au monde qu’un handicapé est avant tout un être humain capable d’égaler tant moralement que physiquement bien des valides.
Un défi pour la vie
L’idée de traverser la Manche à la nage lui vient alors qu’il est sur son lit d’hôpital en 1994 en regardant à la télévision une nageuse qui réalise cette performance. Quatorze ans plus tard, en 2008, il peut se consacrer à plein temps à ce défi sportif. Les séances d’entraînement sont dures, très dures. Peu importe, Philippe Croizon veut devenir un exemple. A raison de plus de 35 heures de nage hebdomadaire il se prépare. Il parcourt 280 km par mois dans le bassin sportif de la ville de Châtellerault, en lac et en mer à La Rochelle avec la gendarmerie maritime. Des prothèses sur mesures sont conçues pour lui, des palmes en carbone et en titane ainsi qu’une combinaison de triathlète vont lui permettre de réaliser cet exploit.
Le 18 septembre 2010, à l’âge de 42 ans, Philippe Croizon traverse la Manche à la nage en 13 heures et 26 minutes. A son arrivée, il déclare « je fais ça surtout pour moi mais aussi pour établir un exemple. Je veux montrer aux gens qui souffrent que c’est faisable, que tu dois toujours te battre ». Philippe Croizon prend une nouvelle dimension. Il devient le symbole de tous ceux qu’il appelle « ses compagnons d’infortune ».
(Philippe Croizon en pleine traversée de la Manche (G) et quelques heures après son arrivée en France. PHOTOS PIERRE ANDRIEU / AFP et PHILIPPE HUGUEN / AFP)
En véritable homme de défi, Philippe Croizon ne s’arrête pas là et décide de se lancer dans une nouvelle aventure avec son compère et ami Arnaud Chassery. Son objectif ? Avoir relié les cinq continents à la nage en 2012.
Pour cela, le nageur amputé des quatre membres va traverser quatre détroits.
Au départ de la Papouasie Nouvelle-Guinée, début mai 2012, il relie l’Océanie et l’Asie :
(PHOTOS LEVI CUNDING / AFP)
Le vendredi 15 juin 2012, il nage entre l’Egypte et la Jordanie par la mer Rouge pour relier l'Afrique à l'Asie :
(PHOTO KHALIL MAZRAAWI / AFP)
Il traverse le détroit de Gibraltar entre l’Europe et l’Afrique au mois de juillet 2012 :
Enfin le plus difficile, le détroit de Béring dans des eaux glaciales entre la Russie (île de la Grande Diomède) et les Etats-Unis (île de la Petite Diomède) reliant l'Asie à l'Amérique. Un dernier défi qu’il réussit le samedi 18 août 2012, devenant le seul homme handicapé à réussir une telle performance :
(PHOTOS PATRICK FILLEUX / AFP)
Reportage en images de la BBC sur l'aventure vécue par Philippe Croizon et son ami Arnaud Chassery