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Vaccins : les Français de plus en plus difficiles à convaincre

Vaccins : les Français de plus en plus difficiles à convaincre.[Lionel Bonaventure/AFP/Archives]

Pourquoi faire vacciner ses enfants et contre quelles maladies ? Le calendrier vaccinal doit-il être strictement suivi ? Alors que le Conseil constitutionnel doit statuer vendredi sur le caractère obligatoire de certains vaccins, un nombre grandissant de Français s'interrogent sur le bien fondé de la vaccination, au grand dam des autorités.

 

Moins puissant qu'aux Etats-Unis où près d'un parent sur dix ne vaccine plus ses enfants, le mouvement anti-vaccin s'est développé ces dernières années en France, principalement grâce au relais d'internet et des réseaux sociaux.

La France est le dernier pays industrialisé avec l'Italie à imposer encore certains vaccins (tétanos, diphtérie et polio), qui conditionnent notamment l'accès des enfants aux crèches et aux écoles.

"On voit de plus en plus de parents qui arrivent en disant qu'ils ne veulent aucun vaccin ou alors seulement certains", déplore le Dr Robert Cohen, un pédiatre qui coordonne le réseau d'information sur les vaccinations Infovac. Il reconnaît toutefois que les refus complets sont pour l'instant très minoritaires.

"Pour mon premier enfant né en 2008, j'ai fait entièrement confiance au pédiatre et fait tous les vaccins recommandés sans poser de questions, je l'ai même fait vacciner contre la grippe. Mais pour mon second, né en 2012, j'ai posé des questions sur chaque vaccination et nous avons décidé de reporter celle contre l'hépatite B à l'adolescence", raconte Emma C. qui travaille dans une société d'assurances.

Son amie Dorothée, également mère de deux jeunes enfants, n'est pas non plus anti-vaccinations. Mais elle n'envisage pas de vacciner sa fille avec le Gardasil, le vaccin contre le papillomavirus. "Il y a trop d'incertitudes, trop de mauvaises réponses et pas assez de recul", relève-t-elle.

-le Gardasil très contesté en France-

Accusé par ses détracteurs de favoriser diverses maladies neurologiques dont la sclérose en plaques, le Gardasil - qui vise à prévenir le cancer du col de l'utérus - est, selon le Dr Cohen, l'un des vaccins les plus contestés à l'heure actuelle en France. Juste devant le vaccin contre les méningocoques C, responsables de certaines formes de méningites, alors que dans d'autres pays, la méfiance concerne surtout le vaccin contre la rougeole, soupçonné d'augmenter le risque d'autisme, à la suite d'une étude biaisée, retirée après sa publication.

Mais en France, les doutes portent également, dans une moindre mesure, sur le vaccin contre l'hépatite B, une infection virale susceptible, lorsqu'elle devient chronique, de provoquer des décès par cirrhose ou cancer du foie.

Ce vaccin, qui a fait l'objet d'une polémique dès les années 90 après une campagne de vaccination dans les écoles, est notamment soupçonné d'être à l'origine de plusieurs cas de sclérose en plaques dont certains ont été indemnisés par les tribunaux alors même qu'aucun lien scientifique de causalité n'a jamais pu être établi.

Certains militent contre l'utilisation dans la plupart des vaccins d'adjuvants à l'aluminium, qu'ils accusent de causer des douleurs musculaires et un syndrome de fatigue chronique, chez de rares sujets génétiquement prédisposés.

Pour Jacques Bessin, qui préside l'Union nationale des associations citoyennes de santé (Unacs), "les gens sont devenus réticents à cause de l'attitude des médecins qui nient en bloc les effets secondaires des vaccins et qui, comme les pouvoirs publics, sont encore souvent trop liés aux labos". Il dénonce également les incitations financières reçues par les médecins pour vacciner leurs patients âgés contre la grippe.

Ce militant anti-vaccin, qui a refusé de faire vacciner ses propres enfants, indique qu'il reçoit de plus en plus de coups de fils de parents qui s'interrogent sur les vaccins encore obligatoires en France et demandent des conseils pour résister aux pressions des crèches ou des médecins pour faire les vaccinations recommandées (dont le nombre a doublé ces dernières années).

- "bénéfices" moins visibles aujourd'hui -

Le sociologue Jocelyn Raude, qui a travaillé sur la question, note que les grandes campagnes de vaccination d'après-guerre se sont bien passées "parce que les gens voyaient des bénéfices visibles, comme l'éradication de la poliomyélite en l'espace de quelques années".

Mais la situation a changé à partir des années 70 lorsque la plupart des grandes maladies infectieuses ont disparu des radars en Occident, à l'exception de la grippe.

Il relève que la méfiance actuelle date des années 90 et qu'elle touche en priorité les milieux sociaux favorisés (cadres moyens, professions paramédicales) qui sont également ceux qui sont le plus attirés par les médecines parallèles. "Ils se posent beaucoup de questions et s'approprient des éléments de controverses sans forcément les maîtriser complètement", souligne-t-il.

Mais pour beaucoup d'experts, le principal responsable de la défiance actuelle serait la "mauvaise gestion" de la grippe pandémique A(H1N1) de 2009-2010 qui a abouti à vacciner des millions de gens alors qu'elle s'est finalement révélée largement moins agressive qu'annoncée.

Depuis cette pandémie, le taux de vaccination des populations à risque (personnes de plus de 65 ans ou atteintes de maladies chroniques) avoisine à peine les 50%, contre plus de 60% avant.

La méfiance de la population face aux vaccins en général est pour sa part passée de 10% en 2005 à 40% en 2010, d'après l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé.

Cette méfiance "n'est pas justifiée", selon Christian Bréchot, directeur général de l'Institut Pasteur.

"Elle a permis d'éradiquer des maladies infectieuses et c'est l'un des grands facteurs explicatifs de l'allongement de l'espérance de vie", souligne-t-il. Il note toutefois qu'un "pourcentage infime de personnes peut, pour des raisons génétiques, faire un accident dû au vaccin". Mais elles pourraient également faire une réaction allergique grave après une piqûre d'abeille, dit-il.

Pour lui, comme pour les autorités sanitaires, la vaccination a été et reste l'un des principaux piliers de la prévention.

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