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Thomas Sotto : la Matinale d'Europe 1 va «monter en puissance»

Le journaliste se tient prêt pour une fin d’année placée sous le signe de la politique Le journaliste se tient prêt pour une fin d’année placée sous le signe de la politique [Eric Frotier de Bagneux-Capa Pictures-Europe 1]

Chef d’antenne de «La matinale d’Europe 1», Thomas Sotto et son équipe livrent chaque jour 2h30 d’info, d’analyses et de bonne humeur. Alors que s’ouvre une année de campagne présidentielle qui s’annonce agitée, un mot d’ordre habite plus que jamais le journaliste : la rigueur.

La reprise a déjà sonné depuis plusieurs semaines, les vacances ont-elles été bonnes ?

Excellentes, je suis comme un téléphone portable qui se serait rechargé au soleil pendant quatre semaines et demi. Je suis encore à 100% de batterie.

Avez-vous écouté Samuel Etienne qui vous a remplacé tout l’été ?

Je serais le plus gros des menteurs en faisant le truc corporate «oui, j’ai écouté, c’était formidable…». Non, je n’ai pas écouté parce que j’étais en vacances. Mais je pense que c’était formidable, parce que je sais de quoi Samuel est capable. La plus belle preuve est qu’il a hérité du petit matin de 5h à 6h30 et c’est un bonheur de croiser ce garçon. Je suis très heureux que pour une fois un média ne se soit pas cantonné au truc classique «Samuel est présentateur de jeu, il n’a plus de cerveau…». Je trouve que c’est un signe positif qu’on arrête de cantonner les gens à ce qu’ils sont pour ne pas voir ce qu’ils pourraient être.

Dans quel état d’esprit abordez-vous cette rentrée ?

Enthousiaste. Il y a un truc avec la matinale, c’est que vous finissez la saison mort, rincé, lessivé en vous disant que jamais vous ne pourrez reprendre et puis arrive un moment où cela vous manque. Le réveil à 2h30 du matin vous manque. Cette espèce de vie de nuit vous manque. J’ai franchement l’impression aujourd’hui d’en être au début de la première saison.

Ça a été facile de relancer la machine ?

Je ne vais pas dire que je ne pousserais pas des fois le réveil un peu plus tard (rires). Mais globalement cela a été facile. En plus, on a pas mal de nouveautés. Dans l’histoire - que j’espère être une histoire d’amour entre La Matinale d’Europe 1 et les auditeurs - on a voulu remettre un peu de piquant, sinon le danger c‘est de devenir un vieux couple, de s’ennuyer. Les vieux couples ne s’écoutent plus parler alors que nous on a envie que nos auditeurs continuent à nous écouter.

Vous avez opéré des changements dans la formule ?

Oui, quelques petits changements. Déjà il y a ce début un peu plus tard, à 6h30, ce qui permet à la matinale du petit matin d’être mieux positionnée et puis on a voulu faire deux choses, on a conservé les « piliers » et on a fait entrer du sang neuf. C’est un peu comme une équipe de foot. J’ai l’impression parfois d’être le sélectionneur où il faut à la fois profiter de l’expérience de ceux qui sont «les cadres» comme on dit, et puis faire entrer un peu de sang frais, un peu de folie, un peu d’insouciance aussi parfois, à l’image de Jérôme Commandeur qui passe à 7h25, et qui est devenu une pastille qui déjà nous échappe pour notre plus grand bonheur.

Qui sont ces «piliers» que vous avez conservés dans votre équipe ?

Si on prend dans l’ordre de la grille, il y a Anicet (Mbida) qui était là et qui fait le Made in France parce qu’on continue à croire que ce n’est pas un effet de mode mais un truc de fond qui fait l’innovation. On a nos experts comme Axel de Tarlé, on a rajouté de l’international avec Sophie Larmoyer à 7h15. Il y a Le Vrai-Faux de l’info qui est devenu, plus qu’un pilier, un mur porteur de la matinale. Il existait avant que je n'arrive et il est plus que jamais indispensable dans une année électorale. Non pas que nos politiques aient parfois tendance à mentir (rires), mais ils peuvent avoir quelques petites faiblesses, quelques petites largesses… Ensuite, il y a l’interview vérité de 7h45 qui est bien installée donc il n’était pas question d’y toucher. Il y a Dany (Cohn-Bendit), Jean-Pierre (Elkkabach). Il y a Raphaël (Enthoven) à qui on a changé l’heure parce qu’on avait envie d’être plus légers à 7h25. Pour nous c’est un peu la quadrature du cercle : les gens ont envie d’insouciance et d'un peu de plaisir et de bonheur mais l'actualité – donc notre matière première – n’en offre pas beaucoup. C’est pour cela qu'on a voulu mettre des «respirations» par moments. Et on savait que positionner Raphaël après Jean-Pierre (Elkkabach) serait intéressant parce qu’il réfléchit sur tout et très vite et qu’il a aussi des réflexions philosophiques et politiques qui viennent derrière l’invité qui peuvent être intéressantes. Et puis bien sûr il y a Nicolas Canteloup.

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Il y a aussi le petit rendez-vous qu’on a rajouté, le choix culture cinq jours par semaine. On fait les livres le lundi, la musique le mardi, le jeudi et le vendredi avec Jean Philippe Balass et on fait le cinéma le mercredi. Et on a rajouté - je ne l’ai pas dit tout de suite parce qu’elle est dans les deux catégories «cadres» et «nouveautés», Natacha Polony, qui garde sa revue de presse à 8h30 et qui fait aussi l’édito des éditos à 6h57. Elle décortique toute la presse mais ce n’est pas une mini revue de presse, c’est vraiment un choix, un édito à partir de ce qu’elle lit dans la presse et sur un sujet d’actualité. Cela fait un petit billet que j’aime beaucoup. 

En tant que capitaine d’une matinale, capitaine du vaisseau amiral de la station (les matinales sont un peu les primes times de la télé donc une case très concurrentielle), avez-vous des objectifs d’audience, scrutez-vous la concurrence ?

Est-ce que je scrute la concurrence ? Oui. Ce serait totalement hypocrite de vous dire le contraire. Est-ce que j’ai des objectifs d’audience ? Ils ne sont pas chiffrés, mais j’ai envie qu’on progresse et qu’on soit le plus haut possible. Je veux qu’on soit meilleurs qualitativement et quantitativement. Je veux qu’il y ait plus d’auditeurs. Les auditeurs se gagnent par la confiance.

Ce match entre stations se joue aussi avec les humoristes ?

On n’est pas mal armés là avec Nicolas Canteloup et Jérôme Commandeur (Rires). C’est drôle, en plus ils ont des styles différents. Il y a aussi Julie. J’aurais dû commencer par Julie d’ailleurs. Les premiers piliers ce sont quand même Julie et Cabrol. Ça peut paraître anecdotique, mais leur rôle est fondamental parce que finalement c’est par eux qu’on rentre chez vous. Les auditeurs historiques d’Europe 1 viennent aussi pour Julie et Cabrol, eux ils font vraiment partie de la famille. Quand des personnes croisent Julie et Cabrol devant Europe 1 il se passe un truc qui ne se passe pas avec les autres. Il y a une intimité, une proximité qui est touchante en plus.

Il y a de l’affectif dans tout ça 

Il y a de l’affectif et c’est bien parce que nous dans le traitement de l’info on n’est pas là pour mettre de l’affectif, mais si on peut mettre un peu de chaleur, un peu de sourire autour et bien tant mieux.

Dans le contexte d’une actualité morose et celle, terrible, de menaces terroristes, est-ce qu'il est difficile de garder la bonne dose de bonne humeur ?

Le jour où malheureusement il y a un attentat de toute façon on casse la grille. Après, le plus difficile à gérer, c’est l’actualité lourde au quotidien qu’on connaît depuis presque deux ans maintenant. C’est là qu’il faut s’accorder des salves de respiration. Finalement nous fabriquons ces matinales mais nous sommes comme vous qui les écoutez, c’est-à-dire qu’à des moments on se dit « oh là là là là, l’actu c’est pas possible, on n'en peut plus… ». Mais on ne transige pas sur la rigueur de l’info, sur le fait d’être présent au bon moment, d’avoir la bonne distance. Garder la bonne distance va être un des enjeux de cette année. On l’a vu avec le burkini qui est vite devenu une polémique suralimentée par les politiques et dans laquelle les médias, par facilité, ont pu se vautrer. Je tiens à ce que l’on fasse attention à tout ça, parce qu’il y a des risques de manipulations. Je préfererai toujours attendre un tout petit peu pour donner une info vérifiée que donner une info fausse. La consigne elle est là et la ligne éditoriale de ce qu’on fait c’est que cela doit être intéressant. Parfois les petites phrases, les polémiques qui tournent à vide, ne sont pas intéressantes.

Dans les instants de crise, en cas d’attentat notamment, qu’est-ce qui vous fait garder le contrôle, ne pas sombrer dans l’émotion. Dans quelles ressources on va puiser à ce moment-là ?

Je pense que c’est un peu l’expérience malheureusement, n’étant plus perdreau de l’année et ayant été confronté à plusieurs reprises à ce type de situations. J’ai fait sept ans à BFM TV où apprendre à ne pas ouvrir sa bouche trop vite est fondamental. Effectivement quand on tient l’antenne pendant des heures, le risque de raconter n’importe quoi est grand, dans ces cas-là moi j’utilise le conditionnel. Il y a une phrase que vous m’entendrez prononcer à chaque fois qu’on est en spéciale c’est : « pour l’instant on n’en sait pas plus, on vous dira, on vérifie. » Et on s’appuie – puisque vous prenez l’exemple des attentats - sur un service police-justice qui est extrêmement carré et pointu. Je n’ose même pas en tirer une fierté parce que le contexte est tellement grave, mais qui quand même professionnellement n’a jamais dérapé depuis les événements que l’on connaît, depuis janvier 2015.  

Vous avez twitté au moment de la polémique autour du fait de donner ou pas à l’antenne le nom des terroristes… 

C’est au moment où on disait qu’il ne fallait pas donner le nom des terroristes. Moi je pense que la vraie question n’est pas là. Ce qui important c’est de ne pas donner l’image du terroriste qui soit une sorte de héros des temps modernes aux esprits faibles qui seraient sensibles à ça. Moi je suis choqué depuis cinq ans de l’image de Mohammed Merah tout sourire au volant de sa BMW. Ça, il ne faut pas le passer. Malheureusement dire ou ne pas dire son nom ne changera pas grand-chose. Evidemment il ne faut pas le répéter de manière obsessionnelle, il ne faut pas en faire une star. On est à une époque qui fabrique des stars, qui fabrique du buzz et nous ne sommes pas là pour fabriquer des stars ou du buzz. C’est une responsabilité de chaque seconde qu’on a et il faut savoir réagir avec beaucoup de sang froid en temps réel. D’autant plus à chaque fois qu’on se rend compte qu’on est confronté à des choses nouvelles, inattendues, qui nous saisissent. 

Par ailleurs s’ouvre devant vous une année de campagne présidentielle, est-ce que c’est un challenge excitant ? 

C’est forcément excitant puisque c’est l’avenir du pays qui se joue. On est aux premières loges avec un rôle qui est d’écouter ce qu’ont à proposer les uns et les autres et de vérifier ce qu’ils ont à dire, de ne pas les laisser dire n’importe quoi en étant factuels.

Quelle place va être accordée aux interviews politiques ?

Il y a déjà l’interview de Jean-Pierre (Elkabbach) tous les matins. Evidemment je ne dévoilerai pas notre dispositif tout de suite, mais on va monter en puissance et à partir de janvier ce sera le sujet numéro 1. Les Français vont s’y intéressés. Les Français sont peut-être lassés des politiques, mais ne sont pas lassés de la politique. Notre éditorial politique d’Antonin André, qui est après le journal de 7h30, est tout sauf de l’eau tiède. Les gens attendent de nous qu’on ne soit pas dans le commentaire de la petite phrase, mais qu’on délivre l’information et qu’on vérifie les faits. Si on fait ça, on aura bien fait notre job.

Comment allez-vous gérer les invitations, est-ce que vous serez attentif au pluralisme ?

Evidemment. D’abord si on ne l’était pas on se ferait taper sur les doigts, c’est notre responsabilité de l’être bien sûr. Pour moi, il n’y a pas différents candidats, il n’y a pas de candidats à interviewer d’une façon ou d’une autre, il y a des candidats et des candidates à l’élection présidentielle, et notre devoir à nous est de les interroger pour qu’à aucun moment, ni eux, ni ceux qui nous écoutent, ne puissent comprendre quelle sera la couleur de notre bulletin de vote.

L’exercice de l’interview politique est relativement périlleux, comment évite-t-on les pièges ?

En travaillant. Par les faits. Je crois qu’aux petites phrases et aux intox on répond par les faits. Si on a le chiffre, la phrase exacte, la situation précise… On répond par la précision. Je pense que le pire à faire en matière d’interview politique, et dans cette année qui s’ouvre, c’est la recherche du buzz. Ça c’est très facile, on monte le ton, on s’engueule, on fait comme si on était un acteur… Non, nous ne sommes pas des acteurs de la campagne. Il faut rester à notre place.

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