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Un député sanctionné pour avoir dit "Madame LE président"

[PATRICK KOVARIK / AFP]

La bataille sur la féminisation des titres, qui ressurgit régulièrement à l'Assemblée nationale, a pris un tour aigu mardi après la sanction financière prise lundi soir contre un député UMP, Julien Aubert, qui persistait à appeler "Madame LE président" la présidente de séance.

 

L'incident a provoqué mardi après-midi plus de 45 minutes de discussion à la reprise des débats, l'UMP venant en masse dans l'hémicycle dénoncer, par la voix de son chef de file Christian Jacob, "une sanction scandaleuse" et demander au président de l'Assemblée Claude Bartolone le respect de "la liberté de parole des députés" en annulant cette sanction.

Peine perdue, M. Bartolone a répondu "qu'à l'évidence, M. Aubert avait eu une attitude provocatrice remettant en cause l'autorité de la présidence".

Lors des débats sur le projet de loi sur la transition énergétique lundi soir, Julien Aubert s'est obstiné à appeler la présidente de séance Sandrine Mazetier (PS) "madame le président" et non "madame la présidente".

"Monsieur Aubert, soit vous respectez la présidence de la séance, soit il y a un problème. C'est madame LA présidente ou il y a un rappel à l'ordre avec inscription au procès-verbal", a fini par lui lancer la vice-présidente de l'Assemblée, très agacée par le refus d'obtempérer du député.

"Faites un rappel à l'ordre. Moi j'applique les règles de l'Académie française", lui a répondu le député.

 

Après ce rappel à l'ordre, M. Aubert a baissé d'un ton et cessé de dire "Madame le président" mais il a continué en revanche à dire "Madame le ministre" à l'adresse de Ségolène Royal...

Cette sanction lui vaudra d'être privé, pendant un mois, de 1.378 euros, c'est-à-dire le quart de l'indemnité parlementaire.

"On me sanctionne au même rang que quelqu'un qui aurait fait un doigt d'honneur à la présidence. Je n'ai fait que parler français: mea maxima culpa", a ironisé mardi M. Aubert auprès des journalistes.

"Quelqu'un qui préside une séance peut sanctionner un député sans contrôle car elle est idéologiquement opposée à ce qu'on utilise certains termes", a-t-il dénoncé.

Elu en 2012, M. Aubert, 36 ans, a reçu la "solidarité totale" du groupe UMP, qui a dénoncé dans un communiqué "une sanction totalement disproportionnée".

 

L'Académie contre la féminisation

Les députés UMP, qui se cotiseront pour compenser les 1.378 euros perdus par M. Aubert, ont rivalisé dans l'indignation: "dictature idéologique insupportable" (Jean-Frédéric Poisson), "police de la pensée" (Eric Ciotti)...

"Vaut mieux s'appeler Thevenoud qu'Aubert pour avoir ses indemnités", ont déploré plusieurs d'entre eux dans une allusion à Thomas Thévenoud, qui n'a pas démissionné de l'Assemblée en dépit de ses déboires fiscaux et continue donc de toucher son indemnité.

La gauche a souligné que Mme Mazetier n'a fait que suivre une instruction du bureau de l'Assemblée, prise en 1998 et rappelée en 2000, qui fait obligation de féminiser les fonctions exercées dans l'Assemblée par des femmes. "Il s'agit d'un usage parlementaire codifié", a souligné Claude Bartolone.

Le coprésident du groupe des Verts François de Rugy a rappelé que Julien Aubert n'en était pas "à son coup d'essai". Il s'était déjà accroché en janvier avec Mme Mazetier, la vice-présidente de l'Assemblée lançant au député qui avait masculinisé son titre: "Monsieur la députée, vous étiez la dernière oratrice inscrite."

Plus généralement, même si c'est la première fois qu'elle fait l'objet d'une sanction, la féminisation des titres donne régulièrement lieu à des querelles dans l'hémicycle, car elle est refusée par la plupart des députés de droite.

A l'automne 2012, Cécile Duflot avait eu un échange aigre-doux similaire avec l'ex-président UMP de l'Assemblée, Bernard Accoyer. "Je suis une femme. Je vous prierai donc de m'appeler +Madame la ministre+", lui avait lancé l'écologiste. "Sinon, je me verrai dans l'obligation de vous appeler (...) +Monsieur la députée+."

Cette querelle renvoie à un différend qui, depuis 1984, oppose les gouvernements socialistes à l'Académie française, hostile à la féminisation des fonctions.

"Ce n'est pas l'Académie française qui fixe les règles de l'Assemblée nationale, c'est le bureau", a clos Claude Bartolone.

 

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