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"Amour" de Valls aux entreprises, au risque de bousculer le PS

Le Premier ministre français Manuel Valls parle à la presse à l'université d'été du PS à La Rochelle le 28 août 2014 [Xavier Leoty / AFP] Le Premier ministre français Manuel Valls parle à la presse à l'université d'été du PS à La Rochelle le 28 août 2014 [Xavier Leoty / AFP]

Avec sa déclaration d'amour à l'entreprise, inhabituelle par sa franchise et son ton décomplexé de la part d'un dirigeant PS, Manuel Valls opère un tournant dans le discours socialiste, quitte à bousculer dans les rangs de son parti.

"Il y a là une rupture, au moins de façon explicite, de la part d'un dirigeant socialiste. Il est rare qu'un Premier ministre socialiste dise aussi explicitement qu'il reconnaît l'économie de marché, la mondialisation telle qu'elle se produit, qualifiée par certains de libérale, et le rôle des entreprises dans l'économie", remarque Eddy Fougier, de l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris).

Il rappelle toutefois que Laurent Fabius Premier ministre (1984-86) tenait déjà un discours "extrêmement ouvert sur les entreprises. C'était l'époque où Bernard Tapie était à la mode et était poussé par François Mitterrand".

Pierre Bérégovoy, ministre de l'Economie et des Finances (1984-86, 1988-1992) et Premier ministre socialiste (1992-93) s'est montré aussi soucieux de développer un climat favorable aux entreprises, souligne aussi Gilles Finchelstein.

Le directeur général de la Fondation Jean-Jaurès considère que le discours de Manuel Valls est "en cohérence totale" avec les déclarations faites dès le 14 janvier par François Hollande lors de sa conférence de presse où il avait dévoilé le Pacte de responsabilité.

"C'est en cohérence avec ce qui est fait depuis deux ans, une ligne sociale-démocrate, avec la place accordée à la négociation sociale et aux partenaires sociaux, patronat et syndicats", ajoute-t-il en appelant à dépasser "l'image d'un Premier ministre socialiste applaudi par le Medef".

"Du côté des militants et des parlementaires, des élus (socialistes), la pilule a certainement du mal à passer", poursuit toutefois le politologue Eddy Fougier.

Pierre Gattaz, président du Medef et le Premier ministre français Manuel Valls lors de la conférence de l'organisation patronale le 27 août 2014 [Fred Dufour / AFP]
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Pierre Gattaz, président du Medef et le Premier ministre français Manuel Valls lors de la conférence de l'organisation patronale le 27 août 2014

"Comme d'habitude, jusqu'ici (chez les socialistes), ce sont des discours du pouvoir exécutif qui ne sont jamais totalement repris comme aggiornamento idéologique par le PS. C'est cela le vrai enjeu" qui se jouera au prochain congrès du Parti Socialiste, attendu en 2015, considère Gérard Grunberg, du Centre d'études européennes de Sciences Politiques.

"Est-ce que le parti, précise-t-il, va accepter ce discours ou bien est-ce qu'il va le condamner au nom de ses valeurs historiques?".

- 'Surmoi marxiste plus fort'-

"Il y a toujours eu au PS deux projets différents: un, en rupture avec l'économie de marché, et un autre, réformiste, d'adaptation" mais le PS a réussi jusqu'à présent à faire cohabiter différents courants unis par l'"intérêt supérieur électoral", relève l'universitaire Laurent Bouvet dans Libération.

"La période (actuelle) est inédite. On entre dans l'inconnu, ajoute-t-il. Le congrès du PS, quand il aura lieu, sera particulier. Pour la première fois, la clarification peut provoquer une césure, qui peut devenir une faille. Le risque, c'est que le parti éclate".

Portrait daté du 12 février 1993 de l'ex-Premier ministre socialiste Pierre Bérégovoy lors d'un meeting électoral à Saint-Amand Montrond [Francois Guillot / AFP/Archives]
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Portrait daté du 12 février 1993 de l'ex-Premier ministre socialiste Pierre Bérégovoy lors d'un meeting électoral à Saint-Amand Montrond

Gérard Grunberg est très prudent sur l'issue du prochain congrès du PS. La ligne Valls peut permettre de "clarifier" la politique socialiste, mais elle peut aussi "diviser à un point tel qu'une majorité" pourrait se constituer contre l'orientation gouvernementale ou encore "on resterait avec une ambiguïté très forte".

Selon lui, les socialistes "ont tendance à dire: +on est pour l'économie de marché mais contre les patrons+. Qu'est-ce que cela veut dire? Ce n'est pas clair dans leurs têtes".

Eddy Fougier rappelle également que Manuel Valls a réuni seulement 5% des suffrages à la primaire socialiste pour la présidentielle de 2012.

Pour Gilles Finchelstein, les socialistes français ont opéré leur aggiornamento à l'égard de l'économie de marché en 1983, plus tard que les autres partis sociaux-démocrates européens. Il rappelle la phrase de Lionel Jospin Premier ministre (1997-2002) - "oui à l'économie de marché, non à la société de marché"- des secteurs tels que la santé, l'éducation ou la culture devant être préservés.

Il explique ce retard par le fait qu'"il y a eu et il y a toujours un surmoi marxiste plus fort que dans beaucoup d'autres pays. C'est peut-être la raison pour laquelle (le discours de Manuel Valls) rencontre un tel écho".

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