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La réforme du millefeuille territorial au menu du Conseil des ministres

Le secrétaire d'Etat à la Réforme territoriale, André Vallini, le 3 juin 2014 dans son bureau à Paris  [François Guillot / AFP/Archives] Le secrétaire d'Etat à la Réforme territoriale, André Vallini, le 3 juin 2014 dans son bureau à Paris [François Guillot / AFP/Archives]

L'exécutif engage sa réforme du "millefeuille territorial": des régions agrandies et bien plus puissantes, des intercommunalités renforcées et des départements délestés de leurs prérogatives et promis à la disparition d'ici à 2020.

Deux projets de loi dessinant cette nouvelle architecture sont au menu du conseil des ministres de mercredi.

Longtemps réclamée à cor et à cri par l'opposition de droite, souhaitée par les écologistes, cette réforme structurelle, également voulue par les institutions européennes, devrait pourtant connaître un parcours compliqué voire cahotique au Parlement.

L'UMP soupçonne François Hollande de vouloir instrumentaliser le sujet au bénéfice de son camp et estime maintenant - Jean-François Copé, alors président du parti, l'a dit le 16 mai au chef de l'Etat - que ce n'est pas "la préoccupation première des Français".

Dans la majorité, Radicaux et Front de gauche défendent mordicus la survie des départements, héritage de la Révolution de 1789 et "garants de la proximité avec le citoyen". Sans parler de la farouche hostilité d'une majorité des présidents PS de conseils généraux.

Une carte de France montrant les régions Midi-Pyrenées et Languedoc-Roussillon  [Joel Saget / AFP/Archives]
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Une carte de France montrant les régions Midi-Pyrenées et Languedoc-Roussillon

Pourtant favorables à la suppression de l'échelon départemental et au pouvoir régional, des responsables d'EELV voient "des bidouillages institutionnels" dans le projet de redécoupage des régions, ramenées de 22 à 14 en métropole.

Pour dégager un minimum de consensus, le gouvernement table sur l'appoint de voix centristes, selon André Vallini, secrétaire d'Etat à la Réforme territoriale.

Le gouvernement est décidé à aller vite: le premier projet de loi, qui arrête la nouvelle carte et reporte à novembre-décembre 2015 les élections régionales et cantonales prévues en mars prochain, sera discuté dès juillet au Sénat puis à l'Assemblée. Le second, qui sépare nettement les compétences des régions et des départements, passera au Parlement "à partir du mois d'octobre", selon le Premier ministre Manuel Valls.

Selon M. Hollande, "il s'agit de transformer pour plusieurs décennies l'architecture territoriale de la République". Entre autres, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon ne feraient plus qu'un, tout comme Auvergne et Rhône-Alpes tandis que serait célébré un mariage à trois Centre, Limousin, Poitou-Charentes.

- 'Fantasme technocratique' -

Entérinée par la grande majorité des présidents de région (presque tous socialistes), cette approche est très critiquée par les spécialistes. "La carte des régions reste le grand fantasme technocratique français", juge Romain Pasquier, professeur à l'Institut d'études politiques de Rennes, relevant que "les régions européennes qui comptent ne sont pas toujours ni les plus grandes, ni les plus peuplées".

Au bout du compte, il pourrait n'y avoir que 12 ou 13 régions métropolitaines. "Mon petit doigt me dit que Aquitaine et Limousin vont demander à se marier", rapporte un proche du président.

Les régions vont désormais être seules maîtres à bord du développement économique des territoires, mais aussi hériter des routes et collèges, jusqu'ici à la charge des départements. Au risque d'"être dénaturées", s'inquiète Gérard-François Dumont, professeur de géographie à La Sorbonne, le rôle de la région étant "de s'occuper de l'aménagement de son territoire, donc des investissements structurants et de l'emploi".

Les deux projets de loi font d'autre part l'impasse sur la question-clé des ressources des régions, renvoyée à 2015-2016, malgré l'engagement présidentiel de les doter "de moyens financiers propres et dynamiques".

Pour ne pas avoir l'air de faire une réforme mi-chèvre mi-chou, François Hollande avait dit vouloir en même temps supprimer les conseils généraux. Il a dû y renoncer, conscient que "du temps est nécessaire" pour une transition sans heurt. Ils garderont temporairement la gestion des secours-incendies et leurs attributions sociales (versement d'allocations, soutien aux enfants maltraités, handicapés, personnes âgées), avant qu'elles soient transférées aux régions ou aux intercommunalités, selon le chef de l'Etat.

Celui-ci se voit accusé à demi-mot de jouer avec le feu. "Attention à ne pas casser une construction qui s'est faite depuis 30 ans, même si elle est imparfaite", met en garde Patrick Kanner, président socialiste du Conseil général du Nord. "Je ne comprends pas qu'on fasse grossir les régions et qu'on supprime les départements", complète Jean-Pierre Balligand (PS), co-président avec l'UDI Michel Piron de l'institut de la gouvernance territoriale.

Les intercommunalités sont l'autre pilier de la nouvelle armature: révision générale de la carte, obligation de réunir un seuil de 20.000 habitants (quatre fois plus qu'aujourd'hui) et, après-demain sans doute, élection au suffrage universel direct. Abondance de mises en garde, là aussi, de la part des élus pour qui, en privilégiant l'élargissement sur l'approfondissement, on commet la même erreur que pour l'Europe après la chute du mur de Berlin.

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