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Guillaume Bernard : "Le vote FN n'est plus tabou"

Guillaume Bernard, politologue, maître de conférence à l'ICES Guillaume Bernard, politologue, maître de conférence à l'ICES[MERIADECK POUR DIRECTMATIN]

Derrière la victoire de justesse de Jean-Louis Costes, candidat de l'UMP à l'élection législative partielle de Villeneuve-sur-Lot, se dessine une nouvelle poussée du Front National. Guillaume Bernard, politologue*, tire les leçons de ce que Gilber Collard a qualifié de "défaite électorale", mais de "victoire politique" pour le FN.

 

Premier phénomène à analyser : le taux d'abstention..

S’il est habituel que les élections partielles attirent moins d’électeurs que les scrutins « normaux », le taux d’abstention marque, une nouvelle fois, la défiance des Français vis-à-vis de la classe politique dans son ensemble ; cela explique que le candidat du PS, n’ayant pas obtenu 12, 5 % des électeurs inscrits (et étant arrivé en troisième position), ait été éliminé du second tour ; ce rejet des partis « classiques » profite au FN et seulement à lui (au premier tour, il passe, dans la circonscription qui avait élu Jérôme Cahuzac, de 15 à 26 % en un an, de juin 2012 à juin 2013).

 

Pour le Parti socialiste, quelles peuvent être les conséquences à court terme de cette nouvelle défaite à l'occasion d'un scrutin partiel ?

S’il est courant que le parti ayant les manettes au niveau national perde les élections partielles, l’affaissement du PS (qui ne profite nullement aux autres forces de gauche qui ont fait des scores assez faibles) confirme que c’est moins la gauche qui a gagné la présidentielle de 2012 (et les législatives qui ont suivi) que la droite qui l'a perdue ; la situation pourrait devenir quelque peu problématique pour le PS car sa majorité à l’Assemblée nationale (groupe socialiste et apparentés) s’effrite dangereusement.

 

La stratégie du "front républicain" contre le Front National a t-elle fait long feu ?

Le « front républicain » décidé par les états-majors parisiens est en très forte perte de vitesse (malgré la victoire de Jean-Louis Costes). Nous ne sommes plus en 2002 : auparavant, le FN restait comme scotché à son score du premier tour ; désormais, il progresse entre les deux tours et gagne environ 20 %. Il récupère des électeurs ayant flotté entre la droite et la gauche à des élections précédentes ou d’anciens abstentionnistes : ceux-là sont donc peu sensibles aux mots d’ordre des partis qui les ont déçus. En outre, il est certain que, confrontés au choix entre un candidat de l’UMP et un autre du FN, des électeurs de gauche ont préféré s’abstenir ou voter blanc et que d’autres se sont prononcés pour le parti de Marine Le Pen. Enfin, que feraient les électeurs de l’UMP s’ils avaient à arbitrer un duel entre le PS et le FN étant donné que nombre d’entre eux sont favorables à des alliances locales avec ce dernier ?

 

Peut-on dire que désormais, le vote FN n'est plus un vote "honteux" ?

La désinhibition des électeurs est manifeste. Désormais le vote FN n’est plus « tabou ». Il est capable de rassembler des électeurs venant de la droite et de la gauche, y compris ceux qui ne s’étaient pas portés sur lui au premier tour. Il y a une semaine, au premier tour de la législative de Villeneuve-sur-Lot, le vote FN a été fort en particulier là où le PS réalisait de bon scores par le passé.

 

Le  vote FN s'affranchit-il des bassins socio-économique et géographique qui lui étaient traditionnellement favorables ?

La dynamique du FN s'impose en effet dans des géographies électorales différentes. Dans les récentes législatives partielles où il s’est qualifié pour le second tour (Beauvais et Villeneuve-sur-Lot), le FN a atteint un score supérieur à 45 % ; dans l’Oise, c’était dans une circonscription de droite ; cette fois-ci, dans le Lot-et-Garonne, c’est dans une circonscription de gauche.

 

Un raz-de-marée du FN lors des municipales de 2014 est-il envisageable ?

Le FN à désormais la capacité théorique de gagner, en fonction des circonstances, certaines élections. Cette affirmation peut paraître étonnante étant donné qu’il ne réussit pas encore (à quelques exceptions près) à dépasser la barre des 50 %. Cependant, il ne faut pas oublier que, pour les municipales, c’est la liste qui arrive en tête au second tour qui remporte l’élection. Que feront l’UMP et le PS au soir du premier tour des prochaines élections municipales ? Fusionner leurs listes pour empêcher le FN de l’emporter, au risque de confirmer l’idée de la « collusion » des partis du « système » ? 
 
 
* Guillaume Bernard est maître de conférences (HDR) à l’ICES (Institut Catholique d’Etudes Supérieures). Il a enseigné ou enseigne dans les établissements suivants : Institut Catholique de Paris, Sciences Po Paris, l’IPC, la FACO… Il a rédigé ou codirigé un certain nombre d’ouvrages dont : Les forces politiques françaises (PUF, 2007), Les forces syndicales françaises (PUF, 2010), le Dictionnaire de la politique et de l’administration (PUF, 2011) ou encore une Introduction à l’histoire du droit et des institutions (Studyrama, 2e éd., 2011).
 
 
 

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