En direct
A suivre

Philippe Bilger : "Je rêve d'une droite honorable"

Philippe Bilger publie "La France en miettes" aux éditions Fayard.[MARTIN BUREAU / AFP]

Soutien de Nicolas Sarkozy en 2007 et électeur de François Hollande en 2012, l'ancien magistrat publie "La France en miette", un livre dans lequel il jette un regard sans concession sur la classe politique.

 

Le simple titre de votre livre est un constat sévère sur l’état de la France…

J’ai hésité avec un autre titre que je fais intervenir en conclusion, qui est «aux larmes citoyen» mais l’expression «la France en miettes» m’est finalement apparue davantage révélatrice de l’atmosphère du pays. Je constate qu’il n’y a plus véritablement de lien social ni politique, qu’il a une sorte de désenchantement et de désillusion aussi bien à droite qu’à gauche. Cela donne l’impression d’une France éclatée.

 

Sur quoi vous basez-vous pour faire ce constat ?

Cela part de 2007 et de ma forte implication dans la campagne du candidat Sarkozy. Puis il y a eu un quinquennat qui m’a complètement déçu, me poussant à voter pour François Hollande. Avec les neuf premiers mois de son quinquennat, cela m’a permis de faire une analyse comparative et le moins que l’on puisse dire c’est que le sentiment qui s’en dégage n’est pas un optimisme à toute épreuve.

 

Selon vous, la classe politique est responsable de cette situation ?

Ce qui est déterminant dans mon esprit c’est que nous avons eu, en 2007, Nicolas Sarkozy qui a fait une campagne exceptionnelle ; il avait promis une droite tellement singulière qu’elle s’enrichirait de beaucoup de concepts souvent réservés à la gauche. Mais à partir de cette campagne, nous avons eu un quinquennat qui a consciencieusement détruit tout le terreau sur lequel l’enthousiasme de beaucoup s’était appuyé. C’est pourquoi dans l’élection de François Hollande, on a eu 60% de gens qui ont voté sur la base de cet antisarkozysme. Et aujourd’hui, je trouve que le pouvoir socialiste ne donne pas l’impression d’une parfaite maîtrise.

 

N’est-ce pas trop tôt pour faire le réquisitoire contre François Hollande ?

Absolument et c’est pour cela que je ne le fais pas vraiment. Dans mon livre, j’insiste sur le fait qu’il reste beaucoup à faire. Il y a un certain nombre de promesses qui ont déjà été respectées, d’autres qui le sont partiellement et encore d’autres qui pourront l’être dans les quatre ans qui viennent. Mais globalement, au-delà de la personnalité de François Hollande, on n’a pas le sentiment de quelque chose puissamment structuré que la situation nationale et internationale exigerait.

 

Que pensez-vous de la tentative de moralisation de la vie publique à laquelle nous sommes en train d’assister ?

J’entends bien que cette affaire Cahuzac est une catastrophe mais je n’ai pas eu l’impression que le quinquennat précédent ait été un modèle de morale personnelle et publique même s’il n’y a pas eu de scandale aussi éclatant. C’est pourquoi j’ai tendance à penser que tout cela est affaire de cycle et que de manière régulière, des scandales viendront révéler que la classe politique n’est pas aussi pure qu’on le souhaiterait. Et à chaque fois, nous aurons un nouveau plan de moralisation.

Il a quelque chose qui me gêne car cela laisse penser qu’il y a une morale politique à construire. En réalité, pour avoir un Etat vertueux, il n’y a qu’une méthode, c’est avoir une classe politique moralement impeccable. Comment est-il possible que des gens à gauche et à droite qui ont l’honneur de nous représenter ne soient pas capables de comprendre les règles obligatoires de l’éthique ?

 

Dans ce contexte, qui pourrait incarner la solution ?

Je rêve d’une droite honorable car je refuse l’alternative implicite entre une droite sarkozyste qui reviendrait telle qu’elle ou une gauche socialiste qui a l’évidence, fait preuve d’amateurisme dans la gestion du pouvoir. Le seul qui est à mon sens capable de devenir ce recours, c’est François Fillon.

Mais pour cela, il doit y aller avec d’enthousiasme et une forme d’audace. Il doit aussi être capable de montrer que ce qu’il a fait pendant cinq ans à Matignon ne constituait pas son idéal politique.

 

Pourquoi ne franchissez-vous pas le pas ?

Il y a 40 ans je rêvais de faire de la politique mais j’ai compris que je n’avais aucune chance si je n’acceptais pas un peu le militantisme. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que la magistrature intellectuelle a remplacé – sans aucune vanité – la magistrature politique. Ce qui a été déterminant c’est que j’estime qu’il me manque la qualité première d’un homme politique, l’inconditionnalité : je ne peux pas accepter d’exercer une fonction où je n’aurais pas la certitude d’être totalement libre. Le rôle que j’ai réussi à créer me convient assez bien.

 

Philippe Bilger, La France en miettes, ed. Fayard, parution le 17 avril, 200 pages, 17 euros.

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités