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Juan Carlos d'Espagne, emblème de l'après-franquisme à l'image ternie

Le roi d'Espagne Juan Carlos à Madrid le 27 décembre 2011 [Pedro Armestre / AFP/Archives] Le roi d'Espagne Juan Carlos à Madrid le 27 décembre 2011 [Pedro Armestre / AFP/Archives]

Grande figure de la démocratie espagnole, longtemps très aimé pour avoir aidé son pays à tourner la page de la dictature franquiste, le roi Juan Carlos a vu sa popularité sombrer sous les scandales qui ont entaché ses dernières années de règne.

Le roi avait stupéfait le pays, le 18 avril 2012, en apparaissant la mine défaite dans le couloir d'une clinique madrilène, avant de prononcer ces excuses historiques: "Je regrette beaucoup. Je me suis trompé et cela ne se reproduira pas".

Le scandale venait alors d'éclater autour d'une coûteuse partie de chasse à l'éléphant au Botswana, après laquelle le souverain avait dû être rapatrié pour une fracture à la hanche: un faux pas que l'Espagne, plongée dans la crise économique, ne lui a jamais pardonné.

Trente-et-un ans plus tôt, le 23 février 1981, le jeune roi en uniforme militaire ordonnait, dans un message télévisé resté gravé dans les mémoires, aux officiers putschistes de la Garde civile qui occupaient alors le Parlement, de rentrer dans leurs casernes.

En déjouant cette tentative de coup d'Etat, celui que le dictateur Francisco Franco avait, dès 1969, désigné comme son dauphin, s'imposait, avec éclat, comme le héros de la transition démocratique.

Entre ces deux images, Juan Carlos, devenu roi le 22 novembre 1975, à 37 ans, deux jours après la mort de Franco, aura accompagné le destin d'une Espagne sortie de la dictature pour rejoindre le cercle des grandes démocraties européennes.

Le roi d'Espagne Juan Carlos à Madrid le 9 juin 2014 [Daniel Ochoa de Olza / POOL/AFP/Archives]
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Le roi d'Espagne Juan Carlos à Madrid le 9 juin 2014

Jusqu'à l'annonce, ce 2 juin, de son abdication, à l'âge de 76 ans, puis au passage de témoin au prince héritier: la signature de la loi d'abdication, le 18 juin dans la Salle des Colonnes du Palais Royal de Madrid, devait être le dernier acte officiel de ce roi fatigué, avant la prestation de serment de Felipe VI le lendemain, en son absence.

- Déboires et scandales -

Pendant des années, les manières en apparence simples de ce roi menant discrètement sa vie privée, passionné de sport, notamment de voile et de ski, lui ont valu l'affection des Espagnols.

Figure unificatrice dans son pays, il aura aussi, par son aura internationale, été "un ambassadeur de luxe pour l'Espagne", soulignait Luis Palacios Banuelos, professeur d'histoire à l'université Rey Juan Carlos de Madrid.

Mais ces dernières années, l'image d'un roi vieillissant, mulitpliant les ennuis de santé, malmené par les scandales, n'aura pas résisté aux retombées de la crise économique qui, depuis 2008, a alimenté le discrédit des institutions.

"Le pacte du silence qui régnait autour de la royauté n'existe plus", analysait au printemps 2012 Antonio Torres del Moral, expert de la monarchie espagnole.

La famille s'est retrouvée de plus en plus souvent sur le devant de l'actualité, comme lors du mariage controversé de Felipe, en 2004, avec Letizia Ortiz, divorcée et issue de la classe moyenne, ou de la séparation fracassante, en 2007, de la fille aînée du roi Elena et de son époux, Jaime de Marichalar.

Mais l'épisode le plus grave est, de loin, le scandale de corruption dans lequel est impliqué depuis 2011 le gendre de Juan Carlos, Iñaki Urdangarin, et son épouse, Cristina.

- La nuit du 23 février -

Descendant de la maison des Bourbon, né le 5 janvier 1938 à Rome, Juan Carlos est le petit-fils du roi Alphonse XIII, parti en exil avec sa famille après l'instauration de la Seconde République en 1931.

Son père don Juan, l'héritier direct, n'a jamais régné, mis à l'écart par Franco pour ses idées jugées trop libérales: le dictateur qui avait combattu dans le sang les forces républicaines, choisira son fils pour lui succéder à la tête de l'Etat.

Dès 1948, il fait venir en Espagne le futur roi, âgé de dix ans, loin de ses parents alors exilés au Portugal. En 1962, après ses années de formation militaire et des études de droit et d'économie, le futur roi épouse à Athènes la princesse Sofia, fille aînée du roi de Grèce Paul Ier.

Très vite, après son arrivée sur le trône, Juan Carlos s'affranchit du lourd héritage franquiste et définira ainsi sa "mission": "Parvenir à ce que plus jamais les Espagnols ne se divisent entre vainqueurs et vaincus".

Le roi d'Espagne Juan Carlos et le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy à Madrid, le 5 juin 2014 [Javier Soriano / AFP/Archives]
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Le roi d'Espagne Juan Carlos et le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy à Madrid, le 5 juin 2014

Contrariant les attentes des nostalgiques de Franco, il légalise rapidement les partis politiques, désigne un chef de gouvernement - le futur centriste Adolfo Suarez - qu'il charge d'organiser des élections, fait approuver par référendum une nouvelle Constitution en 1978, conduisant le pays sur le chemin de la démocratie jusqu'à cette nuit historique du 23 février 1981.

"Je savais que les militaires allaient obéir parce que j'avais été nommé par Franco (...) parce que j'étais passé par les bancs de l'Académie militaire et parce que j'avais gagné l'amitié de la plupart d'entre eux". Et, "surtout, parce que j'étais le commandant en chef des forces armées", se souviendra le roi.

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