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Jean-Michel Jarre : "l'électro, c'est le classique du 21e siècle"

Le second volet du projet Electronica de Jean-Michel Jarre sortira en avril 2016. [(C) H.Lassince]

Air, Massive Attack, Moby, Armin van Buuren ou Pete Townshend… Au total, trente artistes, pour la plupart issus de la scène électro, ont accepté de collaborer au projet de Jean-Michel Jarre, Electronica. Après huit ans d’absence, le compositeur visionnaire revient avec un double album, dont le premier volet est actuellement dans les bacs.

 

Pourquoi faire «Electronica» ?

Je souhaitais réunir des artistes liés directement ou indirectement à la scène électronique qui recouvrent quatre décennies. On a tous en commun cette approche organique du son. Comme des cuisiniers, nous mélangeons des fréquences de manière très technique et sensuelle.

 

Comment se sont déroulées les différentes collaborations ?

A une époque où beaucoup d’albums de «featuring» se font en échangeant des fichiers à l’autre bout du monde, souvent dans un but commercial, j’ai voulu aller à la rencontre des artistes. Cela m’a pris beaucoup de temps, mais ce fut un formidable voyage initiatique qui m’a mené à Los Angeles, Berlin, Londres… Ils ont tous accepté de partager leurs secrets. Moby m’a même ouvert les portes de son studio.

 

Certains artistes ont-ils refusé de participer ?

Je fus très surpris et ému puisque toutes les personnes ont accepté. Je ne savais pas trop où j’allais. J’ai composé au final plus de 2h15 de musique en fonction des collaborateurs. D’où la nécessité de sortir un second opus (dans les bacs en avril 2016, ndlr) avec notamment des artistes comme Sébastien Tellier.

 

Quel regard portez-vous sur la musique électronique ?

J’ai toujours été convaincu qu’elle deviendrait la musique classique du XXIe siècle. Ce n’est pas une niche pour initiés et elle n’a rien de froid ni de robotique. Ce n’est pas un genre mais une manière de composer, de produire et de distribuer la musique. Les DJ sont de fins designers sans le savoir. La différence entre le bruit et le son, c’est le musicien. Cette idée a changé la manière dont on fait de la musique aujourd’hui.

 

Etes-vous conscient d’être l’un des pionniers de cette musique ?

J’ai commencé la musique électronique à une époque où personne n’en faisait. C’est un privilège d’ouvrir la porte d’un territoire vierge. J’ai eu comme mentor Pierre Schaeffer qui pensait que la musique était faite de sons et pas seulement de notes et fondée sur une méthode de solfège. J'ai ensuite sorti l'album Oxygène en 1976 qui s'est écoulé à plus de 18 millions d'albums. Beaucoup d'artistes de la scène électro me cite aujourd'hui comme source d'inspiration.

 

 

"The Time Machine" évoque le temps qui passe…

On peut aller vers le passé mais aussi vers le futur. La musique électronique a une famille, un héritage mais aussi un futur. A titre personnel, quand mon père (le compositeur Maurice Jarre, ndlr), ma mère et mon éditeur sont décédés la même année il y a six ans, mon rapport au temps a changé. On ne fait plus attention au temps qui passe mais au temps qui reste. Dans cet album, j’ai voulu aussi m’interroger sur notre rapport à la technologie. Nous sommes tous des geeks dans la musique électronique. Nous avons ce côté « sale gosse » vis à vis de la technologie et des outils que nous avons à notre disposition. Il y a aussi un côté plus sombre.

 

C’est-à-dire ?

Je l’explique notamment dans le titre « Rely on me » en duo avec Laurie Anderson. Les gens passent souvent plus de temps à caresser leur smartphone qu’à caresser leur partenaire. Nous avons une relation sensuelle et érotique avec le téléphone. Nous sommes aussi aujourd’hui dans un monde où l’on nous espionne mais que nous scrutons également via les réseaux sociaux. C’est donc un rapport très ambigü que nous entretenons avec la technologie.

 

 

Pensez-vous à la scène ?

Quand on passe quatre à cinq ans en studio comme dans l’atelier du peintre, on a envie d’en sortir ! Dès le mois d’avril prochain et jusqu’à fin 2017, je serai en tournée où je jouerai, seul, plusieurs morceaux d’Electronica. Sur les titres avec Air ou M83, la voix intervient plus comme une partie de l’arrangement musical. Des collaborateurs me rejoindront sur scène, en fonction de leur agenda.

 

Vous présidez depuis 2013 le Cisac (Confédération internationale des Sociétés d’Auteurs et Compositeurs). Un rôle qui vous tient à cœur.

Ma mère qui était résistante pendant la guerre m’a toujours dit qu’il fallait se lever et lutter contre ce que la société peut générer d’inacceptable. La notion de propriété intellectuelle est quelque chose qui fait partie des droits de l’homme au même titre que l’environnement et l’écologie a pu l’être il y a trente ou quarante ans. La musique n’a jamais autant généré d’argent dans le monde qu’à notre époque. Pourtant, les auteurs n’en ont jamais touché aussi peu.Il faut inventer et créer un modèle économique qui soit viable pour la culture.

 

Electronica 1 : The Time Machine, Jean-Michel Jarre (Columbia/Sony).

 

 

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