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Après un an de combats internes, la Libye en lambeaux

Des soldats libyens loyaux au gouvernement reconnu par la communauté internationale, le 28 février 2015 à Benghazi, à l'est du pays  [ABDULLAH DOMA / AFP/Archives] Des soldats libyens loyaux au gouvernement reconnu par la communauté internationale, le 28 février 2015 à Benghazi, à l'est du pays [ABDULLAH DOMA / AFP/Archives]

Déchirée depuis un an par les combats entre deux pouvoirs rivaux, la Libye est en lambeaux et les espoirs suscités par la chute du dictateur libyen Mouammar Khadafi en 2011 ont fait long feu.

 

"La situation en Libye n'a jamais été aussi grave depuis la chute du régime de Kadhafi en 2011", estime Patrick Skinner, analyste du groupe de consultants en sécurité Soufan, basé à New York. Depuis un an, ce pays riche en pétrole vit sous l'autorité de deux gouvernements ennemis qui se livrent une bataille incessante.

L'un, reconnu par la communauté internationale, contrôle la majorité des régions de l'est et s'est établi à Al-Bayda après avoir dû fuir la capitale Tripoli en juillet 2014, chassé par une coalition hétéroclite composée de milices islamistes et de la ville de Misrata (nord).

Khalifa Al-Ghweil, Premier ministre de l'auto-proclamé gouvernement libyen, le 13 août 2015 à Tripoli  [Mahmud Turkia / AFP/Archives]
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Khalifa Al-Ghweil, Premier ministre de l'auto-proclamé gouvernement libyen, le 13 août 2015 à Tripoli
 

 

Cette coalition, dénommée "Fajr Libya", a constitué en septembre 2014 l'autre gouvernement, basé à Tripoli et qui contrôle la majorité des villes de l'ouest. Chaque camp dispose de son propre Parlement.

D'après le site indépendant "Libya Body count", un an de combats, de raids aériens et d'attentats de part et d'autre ont fait plus de 3.700 victimes, en grande partie à Benghazi (environ 1.000 km à l'est de Tripoli), berceau de la révolte contre Khadafi et deuxième ville du pays.

 

Pôle extrémiste 

"Ce qui est tragique dans ces combats, en plus des pertes en vies humaines, c'est l'écroulement quasi total des institutions de l’État, engendrant des défis majeurs dont l'extrémisme", a déclaré à l'AFP Michael Nayebi-Oskoui, spécialiste Moyen-Orient pour l'institut américain Stratfor.

A la faveur du chaos, la Libye est ainsi devenue un pôle pour les extrémistes islamistes d'Afrique du nord dont ceux de l'organisation jihadiste Etat islamique (EI) qui contrôle la ville de Syrte (nord).

La montée de l'extrémisme a poussé des dizaines de journalistes et de militants des droits de l'Homme à fuir à la suite de menaces ou d'arrestations et d'assassinats.

Pour Patrick Skinner, "un an après la prise de contrôle de Tripoli par la coalition Fajr Libya, le pays est toujours divisé, non seulement au niveau des gouvernements mais également des tribus et des groupes terroristes".

Incapables de prendre le dessus l'une sur l'autre, les deux autorités rivales sont engagées dans un dialogue sous l'égide des Nations unies pour mettre en place un gouvernement d'union nationale.

Mais les experts restent sceptiques. "Tant que les milices et les tribus sont plus armées que n'importe quel gouvernement central" à venir, les deux exécutifs actuels resteront en place, estime Michael Nayebi-Oskoui.

 

Effondrement et désillusion 

Le conflit mène l'économie libyenne vers "l'effondrement total", selon des responsables de la Banque centrale, seule institution restée, tant bien que mal, à l'abri des tiraillements. La production pétrolière est aujourd'hui de 500.000 barils par jour contre 1,6 million avant l'été 2014, a déclaré à l'AFP un responsable de l'institution.

Outre la chute des revenus pétroliers, les projets d'investissement sont arrêtés. Les services publics sont exsangues et les grandes villes connaissent des coupures d'électricité qui peuvent durer plus de 14 heures.

A ces difficultés économiques s'ajoute l'obligation "d'honorer ses engagements extérieurs dont des contrats liés à des projets d'infrastructures" conclus avec des entreprises libyennes et étrangères, précise le responsable de la Banque centrale. Les autorités vont ainsi devoir débourser "plus de 100 milliards de dinars libyens" (environ 63 milliards d'euros) même si les projets sont stoppés par les combats. La Libye pointe aujourd'hui au 10e rang des pays les plus corrompus dans le monde, selon l'ONG Transparency International.

Une Libyenne travaillant depuis trente ans pour une banque, confie son impression d'être revenue sous les affres de Khadafi qui avait su rester au pouvoir grâce à "l'injustice, la répression et le désordre".

Un panneau dans une rue du centre de Tripoli illustre la terrible désillusion des Libyens face aux politiciens de l'après-Khadafi. Sur la photo d'un jeune homme tué en 2011 lors de la révolte, ses proches ont écrit: "Nous vous avons livré la Libye libre, qu'en avez-vous fait?"

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