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Le Premier ministre serbe à Srebrenica le 11 juillet

Une musulmane de Bosnie, survivante du massacre de Srebrenica cherche ses proches parmi les 175 corps identifiés l'année dernière, le 10 juillet 2014 dans le village de Potocarion [Elvis Barukcic / AFP]

Ses responsables se sont recueillis au mémorial où sont enterrées les victimes, demandé pardon "à genoux", déploré "un crime odieux", le Parlement a adopté une déclaration, mais la Serbie et les Serbes refusent obstinément d'accepter qu'un génocide a été commis à Srebrenica, en Bosnie, il y a 20 ans.

 

Mardi soir, le Premier ministre serbe Aleksandar Vucic a annoncé qu'il se rendrait le 11 juillet à Srebrenica pour assister à la cérémonie marquant le 20e anniversaire du massacre. "Il est temps de montrer que nous sommes prêts à la réconciliation, que nous sommes prêts à nous incliner devant les victimes des autres", a-t-il déclaré. "Je me rendrai à Srebrenica et représenterai la Serbie la tête haute (...) La Serbie qui est capable de reconnaître que des individus ont commis des crimes", a-t-il ajouté. "Nous condamnons chacun de ces crimes et que nous condamnerons en justice chacun de ces criminels".

Avant la confirmation de la venue de M.Vucic à la cérémonie, Munira Subasic, la présidente de l'association des Mères de Srebrenica, avait estimé que sa présence "signifierait qu'il reconnaît de fait le génocide".  M. Vucic, un ancien ultra-nationaliste devenu pro-européen convaincu, refuse, tout comme la majorité des Serbes, de reconnaître qu'un génocide ait été perpétré à Srebrenica.

 

8 000 hommes et garçons musulmans tués

Il y a vingt ans, en juillet 1995, quelques 8.000 hommes et garçons musulmans ont été tués à Srebrenica, en Bosnie orientale, par les forces serbes bosniennes peu avant la fin de la guerre intercommunautaire (1992-95), la pire tuerie en Europe depuis la Deuxième guerre mondiale.

Si la brutalité de ce massacre n'est pas remise en question, comme le montre un récent sondage réalisé en Serbie où 54% des personnes interrogées l'ont condamné, la réalité d'un génocide est en revanche niée par 70% des interviewés. Encore récemment, le président des Serbes de Bosnie Milorad Dodik a affirmé que le génocide de Srebrenica était un "mensonge".

 

"Réaction universelle"

Pour l'analyste politique Vladimir Goati, il s'agit d'une réaction "universelle" commune à tout peuple ou individu. "Les peuples et les individus ont beaucoup de mal à reconnaître, ou à commenter des événements dans lesquels les leurs ont joué un rôle négatif", explique-t-il à l'AFP."La justice internationale a tranché, mais il est difficile ici de prononcer le mot génocide, certains ont un malaise physique lorsqu'il s'agit de le dire", a-t-il poursuivi.

En Serbie, les politiciens "ne font que tenir compte de l'opinion publique pour ne pas perdre des électeurs et, sans mentionner le mot génocide, emploient des phrases descriptives qui reviennent à dire la même chose", estime l'analyste Aleksandar Popov. En 2010, le président serbe à l'époque, le pro-européen Boris Tadic dont l'orientation démocratique n'a jamais fait de doute, s'était déplacé à Srebrenica pour rendre hommage aux victimes et le Parlement avait adopté une déclaration condamnant "le crime commis (...) à Srebrenica" sans que le mot clé soit employé. "Je m'agenouille et demande que la Serbie soit pardonnée pour le crime commis à Srebrenica", a déclaré son successeur Tomislav Nikolic en 2013 toujours sans prononcer le mot, un an après avoir nié, au début de son mandat, qu'un génocide se soit produit à Srebrenica.

 

 

L'historien Cedomir Antic estime "compréhensible" la position de Belgrade. "Accepter qu'un génocide a eu lieu équivaudrait à accepter l'accusation d'être un peuple génocidaire et vous n'êtes plus alors un interlocuteur, personne ne négocie avec vous, la Serbie ne peut donc reconnaître cela. Entre autres la survie de la Republika Srpska serait en question", a-t-il déclaré à l'AFP. La Bosnie a été divisée, après la guerre intercommunutaire, en deux entités, la Republika Srpska (serbe) et la Fédération croato-musulmane. Les musulmans de Bosnie ont demandé à plusieurs reprises le démantèlement de la RS accusée d'être fondé suite à un génocide.

Pour le juriste Tibor Varadi, qui a défendu la Serbie, accusée par la Bosnie d'être directement responsable du génocide à Srebrenica, devant la Cour international de justice (CIJ), le dossier est clos. "La justice internationale a conclu en 2006 que la Serbie n'avait pas commis de génocide à Srebrenica et rien ne peut changer ce fait", a-t-il récemment déclaré expliquant qu'aucune conséquence, diplomatique, politique, économique ou autre ne pouvait découler à l'avenir de ce verdict. 

 

Blocage à l'ONU

Mardi, le Conseil de sécurité de l'ONU a repoussé à mercredi le vote d'une résolution reconnaissant le massacre de Srebrenica comme un génocide, la Russie menaçant d'y opposer son veto.

Proposé par le Royaume-Uni, le projet de résolution "condamne le plus fermement possible le génocide commis à Srebrenica" et affirme que la reconnaissance de ce dernier est "une condition préalable à la réconciliation" en Bosnie. Pour la Russie, auprès de qui des responsables serbes de Bosnie ont fait pression pour que le vote de ce texte, jugé "anti-Serbes", soit bloqué, la résolution insiste trop lourdement sur les méfaits commis par les Serbes de Bosnie et risque d'aggraver les divisions.

 

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