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Le double jeu de Poutine

Vladimir Poutine, le 24 avril 2015. [ALAIN JOCARD / AFP]

Si le locataire du Kremlin se montre inflexible sur le dossier ukrainien, il affiche de plus en plus de velléités de dialogue avec les Occidentaux.

 

Depuis plus d’un an, il a tenu tête, seul contre tous. Sourd aux admonestations des Américains et des Européens, Vladimir Poutine a annexé la région ukrainienne de Crimée en mars 2014, et continue de nier la présence de troupes russes dans l’est de l’Ukraine, malgré l’évidence.

Une attitude qui, jusqu’à présent, lui a réussi, puisqu’elle n’a fait que renforcer son aura de dirigeant fort. Mais en recevant hier le secrétaire d’Etat américain John Kerry, ce qui était la première visite en Russie d’un haut responsable américain depuis deux ans, le président russe a montré qu’il n’était pas totalement hermétique à la discussion.

Un changement d’attitude qui pourrait se traduire par une détente dans les relations avec les Occidentaux. Mais qui pourrait également n’être qu’une nouvelle ruse pour mener à bien ses objectifs.

 

Le "pompier pyromane"

Jusqu’à présent, Vladimir Poutine a en effet souvent soufflé le chaud et le froid, affirmant vouloir la paix en Ukraine tout en encourageant en sous-main les pro-russes présents dans l’est du pays. "Poutine utilise la technique du pompier pyromane, il attise le feu et fait semblant de vouloir l’éteindre, analyse Galia Ackerman, spécialiste de la Russie et de l’Ukraine. Il continue à soutenir les rebelles tout en reconnaissant qu’il est nécessaire de chercher une voie diplomatique pour mettre fin à la crise."

Une attitude qui a permis au président russe de gagner du temps, continuant ainsi à affaiblir une Ukraine dont la situation financière est d’ores et déjà catastrophique : elle aurait besoin de près de 50 milliards de dollars pour faire face aux échéances à court terme.

"L’objectif du Kremlin est que cet affaiblissement entraîne la chute du gouvernement actuel et l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement pro-russe", explique Galia Ackerman. Car l’Ukraine, historiquement proche de la Russie, est un allié convoité, avec notamment d’importantes richesses en matières premières et un potentiel agricole extraordinaire.

 

Les limites de la stratégie

Mais si cette stratégie a renforcé la popularité de Vladimir Poutine parmi les Russes, elle présente également des inconvénients. Les sanctions occidentales contribuent à pénaliser l’économie russe, déjà affaiblie par la chute des cours des hydrocarbures.

Et pour l’instant, Vladimir Poutine est loin d’avoir  l’assurance de mener à bien ses objectifs. Il pourrait ainsi chercher à convaincre les Américains de lâcher du lest sur l’Ukraine, en échange par exemple d’une meilleure coopération sur les dossiers syrien et iranien, pays avec lesquels Moscou entretient des relations privilégiées. La question de la livraison d’armes à Kiev par les Etats-Unis devait ainsi être au cœur des négociations, hier.

Mais s’il finissait par se ranger, Vladimir Poutine n’en sortirait pas forcément perdant : la Crimée ne reviendra jamais dans le giron de l’Ukraine, cette dernière restera durablement affaiblie, et il aura permis à la Russie d’afficher une puissance perdue depuis la chute de l’URSS. 

 

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