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L’inquiétante montée des périls, par Jean-Marie Colombani

Jean-Marie Colombani[REAU ALEXIS / SIPA]

Chaque semaine, Jean-Marie-Colombani, cofondateur et directeur de Slate.fr, exprime de manière libre et subjective son point de vue sur les temps forts de l’actualité.

 

 

Sans être de ceux qui, toujours, annoncent le pire, force est de constater que nous assistons aujourd’hui à une montée des périls, à l’intérieur comme à l’extérieur de nos sociétés. Fragmentations à l’intérieur, agressions à l’extérieur. Pourtant, seule l’une d’entre elles devrait mobiliser tous nos efforts : celle que Daesh a déclenchée.

Au départ, en Syrie et en Irak, avec un succès militaire foudroyant si l’on considère l’étendue des territoires que ce mouvement contrôle. Puis, progressivement, avec des ramifications au Yémen, puis en Libye, peut-être déjà dans le sud saharien, en attendant une jonction avec Boko Haram, ce mouvement qui met à feu et à sang le nord du Nigeria et menace le Niger et le Cameroun. Comme une manœuvre d’encerclement qui rapproche furieusement la menace aux frontières sud de l’Europe. En plus, bien sûr, des ravages causés par le pouvoir d’attraction que Daesh exerce sur quelques milliers de jeunes Européens.

L’argument le plus souvent utilisé est celui d’une guerre des civilisations : la nôtre contre celle qui se réclame de l’islam. Cette vision est fausse et dangereuse. Car Daesh est un mouvement qui est en guerre contre toutes formes de civilisations, qu’elles soient d’inspiration judéo-chrétienne, musulmane, voire demain hindouiste ou bouddhiste. Il n’est pas exclu d’ailleurs que des ramifications de Daesh apparaissent également en Chine et aux confins de la Russie. Cette régression ne se manifeste pas seulement par les destructions de traces de civilisations très anciennes qui existent en Syrie et en Irak, mais elle se marque aussi par les milliers de cadavres d’hommes, de femmes et d’enfants qu’elle laisse derrière elle.

Et c’est à ce moment précis qu’a surgi une autre menace à l’intérieur même de l’Europe : le rêve impérial de Vladimir Poutine. Alors que tout devrait conduire la communauté internationale à unir ses efforts pour faire reculer Daesh, voici que Vladimir Poutine choisit de tout faire pour affaiblir l’Europe au nom d’une guerre qu’il faudrait livrer à ceux qui, Européens et Américains, seraient coupables de vouloir encercler la Russie.

J’emploie le mot guerre à dessein car il est utilisé, à la télévision russe, par les propagandistes du président Poutine, cette thématique permettant de justifier les opérations militaires, hier en Crimée, aujourd’hui dans l’est de l’Ukraine.

S’agissant de Daesh, il faut rappeler que si Vladimir Poutine n’avait pas choisi de tenir à bout de bras le régime de Bachar el-Assad, l’opposition syrienne démocrati­que eût peut-être réussi, alors que nous avons eu, à l’inverse, la victoire des fractions les plus fanatiques qui ont donné naissance à Daesh.

A aucun moment, ni les Etats-Unis, ni encore moins l’Europe, n’ont cherché l’affrontement avec Vladimir Poutine. Au contrai­re. Celui-ci a pu se saisir, de facto, en 2008 de deux régions de la Géorgie ; puis il a annexé la Crimée et désormais créé un fait accompli à l’est de l’Ukraine. Les efforts de paix déployés par François Hollande et Angela Merkel parviendront peut-être au mieux à stabiliser la situation pour éviter que Poutine ne porte le fer plus loin en direction des Etats baltes. Ce qui créerait pour le coup un risque direct d’affrontement avec l’Otan. La conséquence de cette reconnaissance signifiera non plus la recherche d’une neutralité de l’Ukraine, mais probablement un arrimage de ce qui reste de celle-ci à l’Europe, alors même que Vladimir Poutine prétendait combattre cette éventualité.

Le paradoxe de la situation actuelle est donc le suivant : à un moment où nous aurions besoin de la Russie pour faire reculer Daesh, cette même Russie s’évertue à nous affaiblir. Jusqu’à quand ? 

Jean-Marie Colombani

 

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