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Assassinat de James Foley : les Etats face au dilemme des rançons

Le reporter James Foley le 5 novembre 2012 à Alep en Syrie [Nicole Tung / AFP/Archives] Le reporter James Foley le 5 novembre 2012 à Alep en Syrie [Nicole Tung / AFP/Archives]

La mort en Syrie du journaliste américain James Foley renvoie les gouvernements occidentaux à un dilemme dramatique: refuser de verser des rançons et risquer la vie de leurs otages ou payer, financer les ravisseurs et encourager les kidnappings.

 

Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont depuis longtemps choisi de refuser tout échange d'argent quand les autres pays européens, dont la France, le nient officiellement mais y ont recours, souvent par le biais d'intermédiaires.

Après des mois d'incertitude les proches de James Foley, ont d'abord reçu par courriel une demande de rançon, irréaliste, de cent millions de dollars, indique une source ayant participé aux efforts entrepris pour le libérer et qui demande à ne pas être identifiée. L'administration américaine est restée inflexible : pas question de payer, interdiction même de le faire ou de négocier sur ces bases.

Le 13 août, selon la même source, la famille du reporter a reçu un dernier message annonçant qu'en représailles aux raids de l'aviation américaine sur les positions de l'Etat islamique en Irak, James Foley allait être exécuté. Moins d'une semaine plus tard la terrifiante vidéo de sa décapitation était mise en ligne.

 

Les Etats-Unis restent inflexibles

"Washington peut négocier sur d'autres choses, on l'a vu récemment en Afghanistan où ils ont libéré des prisonniers de Guantanamo en échange de leur soldat capturé, mais comme les Anglais ou les Israéliens, pour l'argent leur politique est constante : on ne paie pas", confie à l'AFP Alain Chouet, ancien chef du service de renseignement de sécurité à la DGSE, les renseignements extérieurs français.

"Dans tous les cas, les otages, c'est un vrai dilemme", ajoute-t-il. "D'un côté, il faut défendre ses citoyens par tous les moyens, d'un autre l'expérience prouve que quand on ne paie pas, on s'en fait moins prendre. Nous, les pays qui payons, sommes parfois considérés par les mouvements terroristes comme des vaches à lait, nous leur fournissons une rente, c'est un peu facile".

Lors d'une conférence à Londres en 2012 David Cohen, sous-secrétaire au Trésor américain chargé du terrorisme, avait estimé à environ 120 millions de dollars le montant des rançons versées à des organisations terroristes entre 2004 et 2012.

 

'Cercle vicieux' 

"Le paiement de rançons conduit à de nouveaux enlèvements et de nouveaux enlèvements mènent à de nouvelles rançons, renforcent les organisations terroristes", a-t-il déclaré. "Il faut briser ce cercle vicieux (...) Nous savons que les preneurs d'otages font la différence entre les gouvernements qui paient et ceux qui s'y refusent".

"Nous savons par exemple qu'en 2011 Al Qaïda au Maghreb islamique avait prévu de viser essentiellement des Européens, pas des Américains, parce qu'ils pensaient que certains gouvernements européens allaient payer", a-t-il ajouté.

Cette différence est également faite par les ravisseurs et les otages eux-mêmes.

Le journaliste français Nicolas Hénin, a son arrivée à Paris le 20 avril 2014 après sa libération de captivité en Syrie où il a été détenu en otage pendant près de 10 mois [Kenzo Tribouillard / AFP/Archives]
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Le journaliste français Nicolas Hénin, a son arrivée à Paris le 20 avril 2014 après sa libération de captivité en Syrie où il a été détenu en otage pendant près de 10 mois

 

Interrogé par l'AFP après l'assassinat de James Foley, le journaliste français Nicolas Hénin, libéré après avoir partagé son calvaire, a dit : "en détention, les otages ressortissants de pays qui sont réputés pour ne pas négocier sont conscients que leur cas est plus compliqué".

Un autre ex-otage français, qui demande à ne pas être nommé, ajoute : "ils (les otages américains) vivent la détention de façon différente. Pour eux la crainte est beaucoup plus forte. Ils savent que contrairement à nous leur gouvernement ne négocie pas".

Otage des Talibans en Afghanistan pendant plus de sept mois en 2009 avant de parvenir à s'évader, le journaliste américain David Rohde demande, dans une tribune publiée dans l'hebdomadaire The Atlantic, que les puissances occidentales harmonisent leurs politiques et fassent preuve de davantage de transparence.

"L'exécution de Foley est la démonstration la plus claire du fait que les réponses différentes aux kidnappings par les gouvernements américain et européens sauvent les otages européens mais condamnent les américains" estime-t-il, dans un texte intitulé "Comment les USA et l'Europe ont laissé tomber James Foley". "Les otages et leurs familles le savent bien, même si le grand public l'ignore".

Pour montrer qu'elle ne restait pas inactive face aux ravisseurs, l'administration américaine a révélé mercredi qu'un raid des forces spéciales US avait été monté pendant l'été pour tenter de libérer les otages, dont James Foley, mais qu'il avait échoué, les prisonniers ne se trouvant pas à l'endroit attendu.

 

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