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Ebola, une "mauvaise affaire" pour prostituées et commerçants à Lagos

Une prostituée à Lagos  [Emmanuel Goujon / AFP/Archives] Une prostituée à Lagos [Emmanuel Goujon / AFP/Archives]

"Ce +wahala+ (problème) Ebola, c'est vraiment une mauvaise affaire", soupire Kate. Depuis l'arrivée du virus dans la mégapole Lagos, la peur de l'épidémie affecte les activités des prostituées comme elle, et perturbe tout le commerce informel.

"La clientèle n'a jamais été aussi peu nombreuse", déplore la jeune femme de 25 ans. "J'avais en moyenne sept clients par jour mais j'arrive difficilement à en avoir quatre depuis que le virus Ebola est arrivé en ville".

Installée avec ses collègues Bright et Happiness sur la pelouse d'une maison close de la capitale économique nigériane, elle sirote une bière en bavardant avec quelques hommes.

"Beaucoup de clients ont peur de venir nous voir de crainte d'être contaminés", explique Kate à l'AFP. "Le gouvernement devrait faire quelque chose".

La fièvre hémorragique Ebola se transmettant au contact de fluides corporels, y compris la sueur, les travailleurs du sexe sont particulièrement affectés par la peur de la contagion.

"Cette maladie est trop mauvaise!", lance Bright, 23 ans. "Elle est pire que le sida: on peut éviter le sida en mettant des préservatifs, mais on ne peut pas faire pareil avec Ebola". "Si on ne fait pas attention, on devra bientôt sortir du business parce que personne ne veut mourir".

- Viandes de brousse boudées -

Les travailleurs du sexe ne sont pas les seuls à pâtir d'Ebola, qui a fait quatre morts à Lagos sur 1.145 morts en Afrique de l'Ouest, selon le dernier bilan.

Les vendeurs de viandes de brousse (antilope, porc-épic, rat), mets très appréciés, se plaignent de la désaffection des clients.

Chauves-souris et singes sont considérés comme des vecteurs de transmission du virus. La Guinée, pays le plus touché avec le Liberia et la Sierra Leone, a d'ailleurs interdit la consommation de chauves-souris.

Vivian Koshefobamu, une commerçante montre une pièce de viande de brousse grillée au marché de Ajegunle-Ikorodu à Lagos où elle tient un stand, le 13 août 2014 [Pius Utomi Ekpei / AFP]
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Vivian Koshefobamu, une commerçante montre une pièce de viande de brousse grillée au marché de Ajegunle-Ikorodu à Lagos où elle tient un stand, le 13 août 2014

Le Nigeria a émis des mises en garde sur la viande de brousse mais sans décider de l'interdire.

Sur l'étal de Vivian Lateef Koshefobamu, seuls quelques maigres morceaux de viande grillée sont disposés.

"Les clients ont tous fui", explique la commerçante de 45 ans. "Ils ont peur d'Ebola. La plupart des vendeurs de viandes de brousse ne viennent pas non plus pour cette même raison. Mais moi je n'ai pas peur".

Les conseils de sécurité sanitaire ne sont "que de la propagande pour ruiner notre activité", jure-t-elle.

- Tous suspects -

Ailleurs à Lagos, tout le monde - des commerçants aux fossoyeurs en passant par les vendeuses dans les magasins - évoque ses craintes et comment il a changé ses habitudes.

Dans le centre-ville, sur les marchés d'Oke Arin et de Balogun, les vendeurs, qui se plaignent d'un ralentissement de l'activité malgré la foule des clients, portent gants et masques de protection.

Dans les banques, les guichetiers et le personnel en contact avec les billets de banque et le public sont équipés de manière similaire.

De la viande de brousse est grillée au marché de Ajegunle-Ikorodu à Lagos, le 13 août 2014   [Pius Utomi Ekpei / AFP]
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De la viande de brousse est grillée au marché de Ajegunle-Ikorodu à Lagos, le 13 août 2014

Les chauffeurs de taxis, de bus et de rickshaws ont peur de transporter des passagers contaminés. Peu de gens se serrent la main, tout le monde se méfie. Même les files d'attente pour le bus sont devenues légèrement plus ordonnées.

"Si quelqu'un transpire et que je le touche, je suis consciente que je peux attraper le virus", dit une passagère, Kolawole Olalekan. "Et tout le monde le sait... donc nous entrons tous calmement dans l'autobus. Pas de hâte, ni de bousculade comme d'habitude à Lagos".

Chez MIC Royal, une entreprise de pompes funèbres, le patron refuse tout défunt contaminé.

"Notre société n'a pas enterré de victime d'Ebola depuis le début de l'épidémie et si l'occasion se présentait, elle ne le ferait pas", assure Tunji Adesalu, plaidant pour l'incinération "afin de réduire le risque de contamination".

- Campagne de prévention -

Combattre l'ignorance fait partie de la lutte contre Ebola. Les remèdes fantaisistes, comme les cures d'eau salée ou les interventions divines, sont répandus dans le pays le plus peuplé d'Afrique.

Le gouvernement de l'Etat de Lagos mène une vaste campagne de prévention par le biais d'annonces dans les médias, de tracts et de voitures publicitaires.

"Le gouverneur de l'Etat a rencontré des responsables religieux et de communautés pour insister sur l'obligation d'aller à l'hôpital en cas de maladie plutôt que de s'en remettre à une guérison divine", indique Tubosun Ogunbanwo, un porte-parole.

Pour Sarah Adigun, vendeuse de cosmétiques, les habitants de Lagos sont réceptifs aux conseils d'hygiène: les ventes de liquide désinfectant pour les mains et de savons se sont envolées.

"Je n'ai quasiment plus de stocks", dit-elle.

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