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Pakistan: Tahir ul-Qadri, des beignets au Canada à la "révolution"

Le chef religieux Tahir-ul-Qadri à Lahore le 13 aout 2014 [Arif Ali / AFP] Le chef religieux Tahir-ul-Qadri à Lahore le 13 aout 2014 [Arif Ali / AFP]

Tahir ul-Qadri, figure au coeur des manifestations jeudi contre le pouvoir au Pakistan, est un chef politico-religieux modéré, établi au Canada, qui prône la "révolution" pacifique dans son pays natal.

Barbe blanche, lunettes dorées, couvre-chef cylindrique aux reflets argentés, ce musulman dit passer ses journées dans les centres commerciaux et les Tim Hortons de la banlieue de Toronto, en référence à la grande chaîne canadienne de cafés et beignets.

Au Pakistan ses journées sont toutefois beaucoup plus mouvementées.

En janvier 2013, sous les vivats de ses milliers de partisans, Tahir ul-Qadri avait mené un sit-in de quelques jours à Islamabad pour exiger une série de réformes à l'approche d'élections qu'il avait finalement boycottées à la faveur d'un retour au Canada.

En juin dernier, quelques jours avant sa rentrée pakistanaise, des affrontements entre la police et ses partisans avaient fait au moins dix morts à Lahore.

De retour au Pakistan, Qadri prône la "révolution" pacifique, aux côtés de l'ancienne gloire du cricket Imran Khan, contre le gouvernement élu du Premier ministre Nawaz Sharif dont l'élection a été, selon eux, entachée de fraudes.

Des soutiens du religieux Tahir ul-Qadri font le signe de la victoire devant son domicile à Lahore le 13 aout 2014, avant la manifestation prévue du 14 aout pour demander la démission de Nawaz Sharif [Arif Ali / AFP]
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Des soutiens du religieux Tahir ul-Qadri font le signe de la victoire devant son domicile à Lahore le 13 aout 2014, avant la manifestation prévue du 14 aout pour demander la démission de Nawaz Sharif

"Depuis la fondation de notre organisation... il n'y a pas eu un seul incident, même mineur, de violence. Alors comment peut-il être possible que nos partisans deviennent tout d'un coup violents? Tout cela est de la désinformation", dit-il au cours d'un entretien téléphonique à l'AFP depuis son quartier général de Lahore (est) bouclé par la police.

- Le soufi modéré -

Docteur en droit musulman originaire de Jhang (centre), Tahir ul-Qadri avait fondé au début des années 1980 l'organisation éducative et caritative Minhaj ul-Quran (La voie du Coran), un réseau qui compte aujourd'hui des centaines d'écoles au Pakistan et des antennes dans 90 pays.

Des containers empilés ont été disposés aux entrées de la capitale pakistanaise Islamabad par le pouvoir le 13 aout 2014, avant une manifestation anti-gouvernementale prévue le 14 aout  [Farroq Naeem / AFP]
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Des containers empilés ont été disposés aux entrées de la capitale pakistanaise Islamabad par le pouvoir le 13 aout 2014, avant une manifestation anti-gouvernementale prévue le 14 aout

Puis, il avait créé son propre parti politique, le Pakistan Awami Tehreek (PAT, Mouvement du peuple du Pakistan) et s'était fait élire sous le gouvernement militaire du général Pervez Musharraf, avant de claquer la porte.

"A l'époque j'avais des entretiens de trois heures avec le président Musharraf au cours desquels je lui disais que les terroristes sont comme des petits serpents mais que le gouvernement ne les combattait pas de la bonne façon", dit-il.

Qadri a ensuite émigré au Canada et sillonné le monde, fréquentant les grands leaders au Forum économique mondial de Davos, a signé une fatwa (édit religieux) condamnant les attentats suicide -- un procédé que de nombreux imams de la région se sont gardés de dénoncer -- et soutenu que "l'islam désapprouve la rébellion armée".

La fatwa avait séduit bien des chancelleries, mais d'autres avaient vu en lui un agent de l'Occident, voire un imposteur car il prétend avoir reçu en rêve un message du prophète Mahomet et se présente comme un "cheikh ul-islam", soit une autorité supérieure dans les sciences islamiques.

Selon le commentateur politique Azaz Amir, Tahir ul-Qadri incarne toutefois l'islam tolérant des classes moyennes du sous-continent indien, qui vénèrent les "pirs", ces marabouts du soufisme, le courant mystique de la religion musulmane.

Or, depuis la fin des années 70 au Pakistan, "l'islam dominant a été celui des islamistes" et non celui du soufisme, estime M. Amir. "Ce n'est que maintenant que Qadri donne une voix politique à ce courant de l'islam" au Pakistan, dit-il.

Mais ses détracteurs l'accusent de vouloir semer le chaos pour faire dérailler le gouvernement, voire de préparer le terrain à un retour de l'armée au pouvoir.

Si le charismatique Imran Khan s'est imposé comme une figure de proue de l'opposition, grâce à sa troisième place aux élections, Qadri, lui, "n'est pas un joueur légitime à la table" car il a boycotté ce scrutin, note le chroniqueur politique, Umair Javed.

Mais l'intéressé rejette l'argument, disant ne pas avoir besoin pour l'heure d'être élu pour porter le changement.

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