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Turquie: Les nouvelles ambitions électorales de la minorité kurde

Selahattin Demirtas, 41 ans, un jeune avocat turc qui se présente aux élections présidentielles de dimanche 10 août pour le principal parti kurde de Turquie, photographié le 18 juillet 2014 à Paris [Stephane de Sakutin / AFP] Selahattin Demirtas, 41 ans, un jeune avocat turc qui se présente aux élections présidentielles de dimanche 10 août pour le principal parti kurde de Turquie, photographié le 18 juillet 2014 à Paris [Stephane de Sakutin / AFP]

Il est jeune, dynamique et très photogénique. A 41 ans, Selahattin Demirtas incarne les nouvelles ambitions du principal parti kurde de Turquie, qui veut profiter du scrutin présidentiel de dimanche pour s'imposer comme une force politique de poids.

Depuis des semaines, ce jeune avocat bat la campagne turque sous les couleurs du Parti démocratique populaire (HDP) avec l'objectif d'élargir son audience traditionnelle au-delà des quelque 15 millions de Kurdes du pays.

Pour y parvenir, M. Demirtas a joué la carte de la modernité, à la manière d'un jeune premier de la politique européenne. Tout sourire, il va voir ses électeurs à vélo et n'hésite pas, au fil de ses rencontres, à pousser la chansonnette ou à jouer quelques notes de son saz, une flûte traditionnelle turque.

Meeting électoral le 8 août 2014 à Diyarbakir dans le sud-est de la Turquie, de Selahaatin Demirtas, le candidat des Kurdes, qui se présente sous les couleurs du parti démocratique populaire (HDP) à l'élection présidentielle du 10 août 2014 [Ilyas Agengin / AFP]
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Meeting électoral le 8 août 2014 à Diyarbakir dans le sud-est de la Turquie, de Selahaatin Demirtas, le candidat des Kurdes, qui se présente sous les couleurs du parti démocratique populaire (HDP) à l'élection présidentielle du 10 août 2014

Dans un pays écartelé entre une majorité islamo-conservatrice au pouvoir et une minorité kémaliste et laïque, le porte-drapeau du HDP tente aussi de faire bouger les lignes du débat politique turc en mettant l'accent sur l'aspect multiculturel de la Turquie, les droits des femmes ou, plus inédit, des homosexuels.

M. Demirtas est donné bon dernier du premier tour de dimanche avec moins de 10%, loin derrière l'archi-favori Premier ministre Recep Tayyip Erdogan et son rival de l'opposition nationaliste et social-démocrate, Ekmeleddin Ihsanoglu.

Mais il n'a pas renoncé à franchir le cap des 10% et à contraindre ainsi M. Erdogan, qui tient fermement les rênes du pays depuis 12 ans, à un second tour qui ferait de lui un "faiseur de sultan" très courtisé.

"La Turquie est à la croisée des chemins", répète le candidat kurde du haut des estrades. "Soit nous choisissons de renforcer un peu plus notre Etat autoritaire, soit nous ouvrons la voie à un changement fondamental en prenant des mesures démocratiques radicales qui satisferont les aspirations de tous les opprimés".

Ce discours centré sur la reconnaissance des droits et des différences tranche avec le discours politique des deux autres candidats.

- 2015 en ligne de mire -

"Demirtas met l'accent sur les libertés et le pluralisme, alors qu'Erdogan a placé sa campagne sous le signe de la puissance", note Ilhan Kaya, professeur à l'université Yildiz d'istanbul, "il (Demirtas) est la voix de ceux qui veulent la justice plutôt que le pouvoir".

Le vote de la minorité kurde de Turquie s'éparpille entre le HDP de M. Demirtas et le Parti de la justice et du développement (AKP) de M. Erdogan, qui a fait des gestes en sa direction dans le cadre des discussions de paix ouvertes avec le chef emprisonné des rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), Abdullah Öcalan.

Entre autres mesures, le gouvernement a reconnu le droit d'utiliser la langue kurde dans les écoles privées ou devant le tribunaux et, plus récemment, fait voter une loi destinée à relancer ce processus, aujourd'hui paralysé.

Mais ce clin d’œil appuyé à son électorat a été jugé insuffisant par la communauté kurde, favorable à une large autonomie reconnue par la Constitution.

Depuis la fin 2012, M. Demirtas a activement participé aux pourparlers destinés à mettre un terme à la guérilla kurde, qui a fait plus de 40.000 morts depuis 1984. A plusieurs reprises, il a joué les émissaires auprès de M. Öcalan.

En endossant les habits de candidat à la magistrature suprême, il a adopté un ton moins militant. "Je ne pense pas que je ferai une telle visite (à M. Öcalan dans sa prison, ndlr) en tant que président de la République turque", a-t-il confié.

Mais Selahatin Demirtas continue à se poser en adversaire résolu de l'AKP de M. Erdogan. Les législatives de 2015 en ligne de mire, son mouvement doit absolument réunir 10% pour être représenté au Parlement.

"Demirtas défie ouvertement le Premier ministre, il est très en pointe pour dénoncer les allégations de corruption qui pèsent sur lui", souligne Ilhan Kaya.

Avec toujours la même volonté de ratisser large, au-delà du seul vote kurde. "Si tous les pauvres, homosexuels, femmes et travailleurs pouvaient se donner la main (...) aucun dictateur ne pourrait leur barrer la route", a-t-il lancé la semaine dernière à Istanbul.

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