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Barack Obama, guerrier réticent, de retour en Irak

Le président américain Barack Obama téléphone au roi de Jordanie Abdullah II du Bureau ovale à la Maison Blanche, le 8 août 2014 [Brendan Smialowski / AFP] Le président américain Barack Obama téléphone au roi de Jordanie Abdullah II du Bureau ovale à la Maison Blanche, le 8 août 2014 [Brendan Smialowski / AFP]

Il a été élu sur la promesse d'un désengagement militaire et a retiré les troupes américaines: en lançant des frappes en Irak pour contrer la "barbarie" des jihadistes, Barack Obama rouvre, avec une réticence évidente et sans savoir jusqu'où, un chapitre qu'il pensait avoir refermé.

Celui qui se félicitait fin 2011 de quitter, après presque neuf ans d'occupation, "un Etat souverain, stable", devient, de fait, le quatrième président américain consécutif à lancer une action militaire en Irak, après George H.W. Bush, Bill Clinton et George W. Bush.

Lors d'une intervention solennelle jeudi soir à la Maison Blanche, le président américain a évoqué le spectre d'un "génocide" pour expliquer sa décision de venir en aide à des dizaines de milliers de chrétiens et de Yazidis menacés de mort par les jihadistes ultra-radicaux de l'Etat islamique (EI).

Selon un responsable américain, les Etats-Unis ne s'engageront pas dans une campagne "prolongée". "En tant que commandant en chef (des forces armées), je ne permettrai pas que les Etats-Unis soient entrainés dans une nouvelle guerre en Irak", a martelé M. Obama.

Mais au premier jour des frappes, impossible de prédire la tournure que prendront les événements.

“Une fois que les Etats-Unis s’engagent dans une opération telle que celle-ci, la situation peut se dégrader et il y aura des pressions croissantes pour que les Américains fassent plus dans la mesure où ils ont admis qu’il y avait un problème", souligne Julian Zelizer, professeur d’histoire à l'université de Princeton. "Il est possible que sa promesse sur une opération limitée ne tienne pas".

Les lignes tracées par la Maison Blanche - protection des Américains, aide aux civils encerclés - laissent une marge d'interprétation assez importante qui empêche de prédire l'ampleur - et la durée - des bombardements.

Les premières frappes menées jeudi ont visé une pièce d'artillerie mobile de l'EI qui avait bombardé des forces kurdes à Erbil, et menaçait donc, selon le Pentagone, les personnels américains basés dans la capitale de la région autonome du Kurdistan irakien.

- "Politique de demi-mesures" -

Face au désastre humanitaire sur le terrain, les adversaires républicains du président ont salué l'annonce d'actions militaires ciblées. Mais ont aussitôt réclamé, presque à l'unisson, d'aller beaucoup plus loin.

"Nous avons besoin d'une approche stratégique, pas seulement humanitaire", ont lancé les sénateurs républicains John McCain et Lindsey Graham.

Un chasseur bombardier américain F/A-18C est guidé le 8 août 2014 pour prendre son envol à partir du pont du porte-avions H.W. Bush, stationné dans le Golfe [Lorelei Vander Griend / Us Navy/AFP]
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Un chasseur bombardier américain F/A-18C est guidé le 8 août 2014 pour prendre son envol à partir du pont du porte-avions H.W. Bush, stationné dans le Golfe

Souhaitant que M. Obama aille au-delà d'"une politique de demi-mesures", ils ont plaidé pour des frappes contre les troupes de l'EI ainsi que leurs leaders, à la fois en Irak et Syrie. "Aucune de ces actions ne devrait être conditionnée à la formation d'un nouveau gouvernement à Bagdad", ont-ils estimé.

Pour ses détracteurs, l'avancée des djihadistes qui ont jeté sur les routes des dizaines de milliers d'Irakiens qui tentent désormais de rejoindre le Kurdistan, démontre les limites de la stratégie de désengagement militaire d'Obama au Moyen-Orient.

Ils lui reprochent en particulier de n'avoir pas négocié d'accord pour maintenir sur le territoire irakien une présence résiduelle, qui aurait été, selon eux, le gage d'une certaine influence américaine. La Maison Blanche conteste l'idée qu'un petit contingent militaire américain aurait été capable de contenir le tsunami extrémiste.

Tiraillé entre sa volonté de ne pas placer les troupes américaines au coeur du conflit et les nombreux appels à un engagement plus résolu face à la fulgurante progression des jihadistes qui se sont emparés jeudi du plus grand barrage d'Irak, au nord de Mossoul, M. Obama se retrouve dans une position inconfortable.

"Je sais que nombre d'entre vous sont, à juste titre, inquiets quand ils entendent parler d'une action militaire en Irak, même pour des frappes limitées comme celle-ci", a reconnu jeudi soir celui qui s'était opposé avec véhémence à la décision de son prédécesseur d'envahir le pays, dénonçant les "guerres idiotes" et les "guerres impulsives".

"Il n'y a pas de solution militaire américaine à la crise en Irak", a-t-il martelé, comme pour mieux se convaincre qu'il ne venait pas d'engager son pays dans une guerre au long cours.

Pour M. Zelizer, le président américain, "guerrier réticent" s'engage "de manière hésitante" en Irak. "Les gens l’interprètent comme cela et il n’a pas fait grand-chose pour le cacher".

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