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Irak : une ville turcomane assiégée appelle à l'aide

Les forces irakiennes et milices chiites en position à Amerli le 4 août 2014, alors que la ville est sous le contrôle des ultra-radicaux de l'Etat islamique (EI) depuis plus de six semaines [Ali Al-Bayati / AFP/Archives] Les forces irakiennes et milices chiites en position à Amerli le 4 août 2014, alors que la ville est sous le contrôle des ultra-radicaux de l'Etat islamique (EI) depuis plus de six semaines [Ali Al-Bayati / AFP/Archives]

La trentaine de villages autour d'Amerli sont tous sous le contrôle des ultra-radicaux de l'Etat islamique (EI), mais la petite ville turcomane résiste face à l'un des sièges les plus longs et les plus dramatiques de l'actuelle crise irakienne.

Sous la chaleur accablante de l'été, sans eau potable ni électricité et avec des réserves de vivres et de médicaments qui se tarissent, même une défense héroïque ne sauvera pas les 20.000 habitants de cette ville située à 160 km au nord de Bagdad.

"Cela fait près de deux mois que nous sommes assiégés, nous combattons les terroristes qui veulent éradiquer les vrais habitants de cette zone, les Turcomans chiites", explique Abou Zahraa, un travailleur journalier.

Blessé à une jambe dans des combats, il semble épuisé, mais comme la plupart des combattants d'Amerli, il refuse d'évoquer ses souffrances, de peur que cela n'entame le moral de la ville.

Dimanche, des volontaires de la ville, appuyés par des policiers locaux et des membres de milices chiites, ont repoussé l'assaut le plus violent qu'ils aient encore eu à affronter.

"Ils ont attaqué en très grand nombre, mais ils se sont heurtés au courage de nos combattants", assure Abdallah Shoukour Zain al-Abidine, un membre du conseil municipal, étendu sur un lit avec un keffieh enroulé autour d'une blessure au cou.

La première attaque contre Amerli remonte au 10 juin, jour de la prise de Mossoul (nord) au lendemain du lancement de l'offensive des insurgés sunnites menés par l'EI. Depuis le 18 juin, la ville est complètement encerclée, et ne cesse de réclamer des armes au gouvernement fédéral.

"Personne ne va nous aider à sortir de ce piège mortel ?", s'interroge Ali al-Bayati, qui dirige une association de défense des droits des Turcomans.

"Amerli ne manque pas d'hommes courageux, mais maintenant le problème ce sont les enfants, les femmes, les malades et les personnes âgées. Ils ont besoin d'un couloir humanitaire", explique-t-il par téléphone à l'AFP.

Selon lui, l'aviation irakienne pourrait aider à sécuriser une sortie vers Touz Khourmatu, une grande ville turcomane contrôlée par les forces kurdes à 25 km au nord.

"Nous buvons l'eau trouble des puits, les habitants souffrent de diarrhées et notre dispensaire n'a plus de médicaments", s'inquiète Wahab Saleh, 40 ans, employé d'une compagnie pétrolière et père de quatre enfants.

- Les secours 'juste là' -

Selon lui, les vivres que l'armée fait parvenir par hélicoptère ne suffisent pas. "Les éleveurs ont abattu tous leurs animaux pour que les gens aient quelque chose à manger", raconte-t-il.

Selon plusieurs sources, les combattants d'Amerli n'ont perdu qu'une poignée d'hommes depuis le début du siège, mais des dizaines d'entre eux ont été grièvement blessés et ont besoin d'être transportés vers un hôpital.

Mais au nord, les forces kurdes ne se montrent pas concernées, et au sud, l'armée irakienne ne parvient pas à avancer.

Pour se défendre, Amerli peut compter sur quelque 400 combattants turcomans entraînés, ainsi que quelques centaines d'hommes ayant reçu des armes pour défendre leur foyer, et des volontaires des milices chiites.

"Les secours sont juste là, mais ils ne vont pas faire le dernier pas", regrette Michael Knights, expert au Washington Institute. "Avec 20.000 civils chiites encerclés par l'EI, l'armée irakienne ne pourrait pas tenter une petite poussée ?".

Selon lui, le siège d'Amerli représente une occasion rare pour de nombreux acteurs du conflit de surmonter leurs divergences et, avec un appui américain, de remporter une victoire qui remonterait le moral du pays.

Un combattant chiite, qui a rejoint les forces gouvernementales, en position à Amerli à 160 km au nord de Bagdad le 4 août 2014 [Ali Al-Bayati / AFP/Archives]
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Un combattant chiite, qui a rejoint les forces gouvernementales, en position à Amerli à 160 km au nord de Bagdad le 4 août 2014

"C'est une question d'exemple. Si on peut porter un coup à l'EI ici, alors peut-être que d'autres feront de même à côté", insiste-t-il.

Au début de l'offensive menée par l'EI, une partie de l'armée irakienne a pris la fuite, laissant les insurgés sunnites s'emparer de vastes pans de territoire. Depuis, l'armée s'est reprise, grâce à des équipements envoyés par ses alliés et au soutien de milices chiites. Mais sa riposte reste molle.

Amerli n'avait déjà pas été épargnée par les violences qui ont ravagé l'Irak ces dernières années.

En 2007, un énorme attentat au camion piégé avait fait 160 morts au coeur de la ville. A l'époque, la Turquie était intervenue, en venant chercher les blessés pour les soigner sur son sol.

Mais Ali al-Bayati a peu d'espoir que cela se reproduise. "C'est l'histoire des Turcomans d'Irak en ce moment. Ils sont complètement oubliés".

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