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Irak: les forces kurdes à leur tour en difficulté face aux jihadistes

Combattants kurdes au front dans le village de Sulaiman Bek, le 26 juin 2014 [Karim Sahib / AFP/Archives] Combattants kurdes au front dans le village de Sulaiman Bek, le 26 juin 2014 [Karim Sahib / AFP/Archives]

En juin, quand l'armée irakienne a fui devant l'avancée des jihadistes, les Kurdes ont pris sa place, élargissant leur territoire de 40%, mais aujourd'hui ils sont à leur tour en difficulté face aux attaques des insurgés.

La tactique des Kurdes a éprouvé leurs forces de sécurité qui se retrouvent avec une étendue bien plus importante à contrôler, alors même que la région autonome du Kurdistan connaît des difficultés financières.

Conséquence: les peshmergas ont subi plusieurs revers majeurs début août face aux insurgés, perdant coup sur coup plusieurs villes à la frontière syrienne, en particulier Zoumar et Sinjar, ainsi que deux petits champs pétroliers.

"Les peshmergas sont bien entraînés, bien équipés et motivés, mais clairement plus efficaces pour défendre leurs positions, sur leur propre terrain, que pour combattre dans les plaines arabes de l'Irak", souligne Peter Harling, de l'International Crisis group. "Pour le dire simplement, ils n'ont jamais été faits pour ça".

"Ils ont croqué une grosse part du gâteau, et cela va prendre beaucoup beaucoup de temps à digérer", analyse de son côté Toby Dodge, directeur du Centre pour le Moyen-Orient à la London School of Economics.

"D'un point de vue militaire, ils ne sont pas entraînés ou financés suffisamment pour contrôler" leurs nouveaux territoires, ajoute-t-il.

- Manque de munitions -

Les forces kurdes sont considérées comme de loin les plus efficaces et les mieux organisées d'Irak, mais les problèmes de trésorerie du Kurdistan, liés à son conflit avec Bagdad sur la question de la vente du pétrole, pèsent sur le financement et l'équipement des troupes.

Ces derniers jours, les forces kurdes ont subi d'énormes pertes dans des combats contre les jihadistes à Jalawla, à 130 km au nord-est de Bagdad. A plusieurs occasions, ils ont combattu des heures avant de devoir abandonner leurs positions par manque de munitions.

Un pacte de non-agression semblait en vigueur entre Kurdes et jihadistes au début de l'offensive lancée en Irak le 9 juin par les insurgés, qui se sont emparés de larges pans de territoires au nord de Bagdad.

Profitant comme les jihadistes de la déroute des forces de sécurité irakiennes, les Kurdes ont pris le contrôle de secteurs depuis longtemps disputés avec Bagdad et voisins de ceux conquis par les insurgés, menés par le groupe ultra-radical de l'Etat islamique (EI).

Sur une vidéo postée sur internet, on voit ainsi des jihadistes et des peshmergas, chacun d'un côté d'un pont, l'air détendu.

Mais début août les combattants de l'EI ont décidé d'attaquer des positions kurdes. Et dans un communiqué, lundi, le groupe a clairement lancé une déclaration de guerre aux Kurdes.

"Les brigades de l'Etat islamique ont maintenant atteint le triangle entre la Turquie, la Syrie et l'Irak. Que Dieu permette à ses moujahidine de libérer la région entière", indique le groupe.

Evoquant ses victoires face aux "gangs et milices kurdes", l'EI affirme que "les ennemis apostats ont été humiliés".

- Soutien de Kurdes syriens -

"Maintenant, l'EI veut s’étendre sur le territoire du Kurdistan. S'ils (les peshmergas) ne mettent pas fin très vite à cette volonté, la situation pourrait devenir très dangereuse", estime Issam al-Faily, un chercheur en science politique à l’université Mustansiriya de Bagdad.

Face à l'offensive jihadiste contre les Kurdes, des combattants du parti kurde syrien de l'Union démocratique (PYD) ont traversé la frontière pour venir aider les peshmergas.

Et le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki, un chiite, a ordonné à l'armée de l'air d'apporter son soutien aux combattants kurdes, dans un geste rare.

Selon le commentateur politique kurde Asos Hardi, l'EI, qui a proclamé un califat à cheval sur les territoires conquis entre l'Irak et la Syrie, "tente de sécuriser la zone frontalière Syrie-Irak-Turquie, mais ne peut y parvenir sans s'étendre en territoire kurde".

Le groupe, connu pour ses exactions, "sait bien que les Etats-Unis soutiennent l'idée d'une coopération entre Kurdes, chiites et sunnites" contre lui, ajoute-t-il.

Plusieurs analystes pensent que si les peshmergas ne se sont pas battus corps et âme pour défendre Mossoul, deuxième ville d'Irak tombée très tôt aux mains des insurgés, c'est aussi pour peser dans les négociations avec Washington, à qui les Kurdes réclament des fonds.

"Le retrait des peshmergas était aussi tactique, une façon de mettre la pression sur les Américains pour qu'ils leur fournissent les armes qu'ils sont pour l'instant obligés de se procurer au marché noir", explique Ihsan al-Shammari, professeur à l'université de Bagdad.

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