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Percée ravageuse de la méthamphétamine en Inde

Saisie de produits narcotiques lors de la découverte d'un laboratoire illégal dans le district de Sivaganaga, dans le Tamil Nadu, diffusée par le Bureau de contrôle des narcotiques (NCB) indien, le 15 juillet 2014 [ / Narcotics Control Bureau/AFP] Saisie de produits narcotiques lors de la découverte d'un laboratoire illégal dans le district de Sivaganaga, dans le Tamil Nadu, diffusée par le Bureau de contrôle des narcotiques (NCB) indien, le 15 juillet 2014 [ / Narcotics Control Bureau/AFP]

Le patient d'une clinique de désintoxication de Bombay a consommé de la méthamphétamine en 2013, à l'université. Quelques mois plus tard, il était totalement accro à cette drogue de synthèse puissamment addictive, qui fait une percée en Inde parmi les jeunes urbains.

 

"Elle me donnait l'impression d'être puissant", confie l'étudiant de 19 ans, qui se droguait avec ses camarades. "On s'asseyait et on se droguait sans arrêt", ajoute-t-il, sans vouloir dévoiler son identité.

La méthamphétamine fait des ravages depuis des années en Asie du sud-est, mais à Bombay, elle n'inquiète les autorités sanitaires que depuis 18 à 24 mois, indique le personnel soignant de l'hôpital Masina de cette grande ville de la côte ouest.

"Avant, nous n'en entendions pas parler. Et puis nous avons eu un garçon de 14 ans (drogué) qui est venu et ça nous a ouvert les yeux", déclare Ali Gabhrani, directeur du centre.

L'Inde abrite un vaste secteur pharmaceutique et produit les principaux ingrédients de la méthamphétamique, éphédrine et pseudoéphédrine, qui sont aussi deux composants clé de médicaments parfaitement légaux, tels que les décongestionnants nasaux.

Avec la Chine, l'Inde est citée comme principal point de départ des exportations illicites de ces deux composants, vers des laboratoires à l'étranger, en Birmanie notamment, mais aussi en Amérique centrale et en Afrique, selon l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC).

- Collusion et corruption -

Les autorités indiennes s'inquiètent d'une production et d'une consommation grandissantes au sein même du pays, et l'équipe anti-terroriste de Bombay, qui s'occupe aussi du trafic de drogue, "est sur le pied de guerre".

"C'est à présent un produit local. C'est une drogue de maintenant. Facile à fabriquer et les ingrédients sont disponibles", indique Himanshu Roy, le chef de cette agence.

Les ingrédients clé de la méthamphétamine sont fabriqués illégalement en Inde ou détournés de la production légale, malgré une règlementation stricte destinée à assurer leur traçabilité, soulignent les experts.

La formule chimique d'un narcotique sur le muret d'une maison abritant un laboratoire illégal, sur une photo diffusée le 15 juillet 2014 par Bureau de contrôle des narcotiques (NCB) [ / Narcotics Control Bureau/AFP]
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La formule chimique d'un narcotique sur le muret d'une maison abritant un laboratoire illégal, sur une photo diffusée le 15 juillet 2014 par Bureau de contrôle des narcotiques (NCB)

"Il y a tellement de failles depuis 15 ans", déplore Romesh Bhattacharji, de l'Institut sur l'étude et l'analyse des narcotiques à New Delhi. "Les autorités ne respectent pas (la règlementation), elles ne vérifient pas", ajoute-t-il, citant "la collusion et la corruption" à la source de ces détournements.

Le Bureau de contrôle des narcotiques (NCB) reçoit un rapport trimestriel des fabricants, vendeurs en gros et détaillants sur les ventes d'éphédrine mais Romesh Bhattacharji affirme que rien n'est fait avec ces informations.

Vijay Kumar, vice directeur du NCB, indique, lui, que ces informations ont aidé à détecter quatre laboratoires illégaux en 2013, dans l'ouest et le sud de l'Inde.

Mais n'importe qui peut acheter des produits pharmaceutiques contenant de l'éphédrine, sans ordonnance. Dès 2007, la police a découvert un laboratoire illégal qui extrayait ce composant des médicaments achetés en toute légalité.

- "Tellement addictive" -

La méthamphétamine apporte sensations d'énergie et d'euphorie. Elle est hautement addictive et provoque à la longue des comportements violents, des convulsions, voire la mort. Elle se consomme sous forme de poudre, de pillule, d'injection. Elle peut aussi se fumer.

Les drogués de la clinique de Bombay disent qu'elle est vendue entre 1.000 et 2.000 roupies le gramme (12 et 24 euros), soit bien moins que la cocaïne, qui part à 7.000 roupies le gramme.

Selon une étude de l'ONUDC, publiée en janvier, les drogues stimulantes du type de la méth sont consommées principalement par de jeunes adultes en Inde.

"La méthamphétamine produite en Inde est indéniablement pour le marché local, qui est doté de tous les attributs pour croître et produire des bénéfices substantiels pour les producteurs", indique Jeremy Douglas, représentant de l'ONUDC en Asie du sud-est, qui souligne la jeunesse de la population et la hausse des revenus de la classe moyenne urbaine et émergente.

L'Inde a longtemps été un maillon dans la production de ces drogues synthétiques, dont la consommation dans le pays restait faible, renchérit Pushpita Das, de l'Institut d'études et d'analyses sur la défense à New Delhi.

Mais maintenant la consommation intérieure augmente et l'analyste réclame un renforcement des contrôles dans le nord-est du pays, où ont lieu la plupart des saisies, à quelques centaines de km de la Birmanie.

Consommée d'abord par les plus pauvres --elle les "aide" à rester éveillés pendant de longues et dures journées de travail, comme par exemple les chauffeurs routiers--, la méth est aujourd'hui de plus en plus prisée par les jeunes urbains, avec une image de drogue récréative.

"Ca fiche la vie en l'air. Elle est tellement addictive qu'on en veut encore et encore", raconte un patient de la clinique de Bombay.

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