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Syrie: un an après la disparition du père Dall'Oglio, son sort reste un mystère

Le prêtre italien Paolo Dall'Oglio participe à une conférence sur le thème des chrétiens en Syrie, le 25 septembre 2012 à Paris  [Kenzo Tribouillard / AFP/Archives] Le prêtre italien Paolo Dall'Oglio participe à une conférence sur le thème des chrétiens en Syrie, le 25 septembre 2012 à Paris [Kenzo Tribouillard / AFP/Archives]

Le prêtre italien Paolo Dall'Oglio, militant impénitent du dialogue inter-religieux en Syrie détesté par le régime comme par les jihadistes, est porté disparu depuis un an dans ce pays qui a sombré dans la violence.

"Une année est déjà passée depuis les dernières nouvelles de notre fils et frère Paolo, prêtre, jésuite, Italien, porté disparu en Syrie le 29 juillet 2013. Tellement de temps, trop, aussi, pour un lieu de guerre et de souffrance infinie comme la Syrie", ont rappelé ses proches dans un communiqué.

Agé de 60 ans, dont près de la moitié vécus en Syrie, le père Dall'Oglio avait été expulsé en juin 2012 par les autorités syriennes pour avoir osé prôner une "véritable démocratie", mais y était retourné clandestinement fin juillet 2013.

Le prête italien s'était rendu à Raqa, bastion des jihadistes ultra-radicaux de l'Etat islamique (EI) pour tenter d'obtenir la libération de personnes retenues par l'EI, en particulier des Kurdes.

Selon certains, il est détenu depuis un an par l'EI. D'autres en revanche croient savoir qu'il a été tué, peut-être même très vite, ou encore "remis" par l'EI au régime.

"Nous demandons aux responsables de la disparition d'un homme bon, d'un homme de foi, d'un homme de paix, d'avoir la dignité de nous faire savoir son sort. Nous voudrions pouvoir à nouveau le serrer dans nos bras, mais nous sommes aussi prêts à le pleurer", ont expliqué les proches.

Arabisant et spécialiste de l'islam, le père Dall'Oglio ne craignait pas le contact avec les jihadistes, et s'était même souvent vanté de ses rencontres et "dialogues", selon son expression, avec nombre d'entre eux, pour parler religion ou affaires locales.

- 'Jihad démocratique' -

Longtemps avant la guerre, ce barbu à la stature d'athlète avait lancé le dialogue dans la ferveur et la joie dans les années 1980 dans le monastère de Mar Moussa al-Habachi (Moïse l'Ethiopien), une bâtisse du XIème siècle qu'il avait restaurée, accrochée aux flancs arides des montagnes au nord de Damas.

Le père Paolo Dall'Oglio das la cour du monastère de Mar Moussa al-Habachi, à 80 km au nord de Damas, le 11 juillet 2007 [Louai Beshara / AFP/Archives]
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Le père Paolo Dall'Oglio das la cour du monastère de Mar Moussa al-Habachi, à 80 km au nord de Damas, le 11 juillet 2007

Avec une poignée de religieux, il accueillait chrétiens et musulmans, femmes et hommes, pour des temps de partage et de prière en commun, ainsi que des concerts et des colloques inter-religieux. Malgré le danger, la petite communauté continue de vivre, presque coupée du monde.

"En ces temps où chaque communauté de la région se cantonne à son périmètre identitaire (...), la voix de Paolo manque", a assuré à l'AFP la journaliste Guyonne de Monjou, auteur du livre "Mar Moussa".

Mais alors que combattants et civils tombent chaque jour par dizaines sur les nombreux fronts d'un conflit de plus en plus fragmenté en Syrie, les amis du prêtre considèrent aujourd'hui qu'il s'est jeté dans la gueule du loup.

Deux évêques orthodoxes et de nombreux prêtres sont portés disparus comme lui en Syrie. Et en avril, le Néerlandais Frans van der Lugt, un autre jésuite présent depuis des décennies a été assassiné à Homs.

"Si Dieu le veut, Raqa sera la première capitale de la Syrie libre (...). Nous menons un jihad démocratique pour renverser le régime", assurait le père Dall'Oglio à la population de cette ville juste avant de disparaître.

Raqa était pourtant déjà en train de devenir la vitrine de l'EI, qui y a progressivement imposé un régime brutal et extrêmement organisé, avant de proclamer un "califat" sur les zones qu'il contrôle en Syrie et en Irak.

Même s'ils sont hostiles à l'idée de démocratie, "il faut donner une chance aux musulmans extrémistes d'essayer l'exercice de la responsabilité sociale et civile sur la base de la charia" dans les régions qu'ils contrôlent, assurait-il dans un livre paru peu avant son retour en Syrie.

Depuis, l'EI s'est certes illustré par sa capacité de gestion, mais surtout par un niveau de violence et de sectarisme que celui qui se décrivait comme un "prêtre soldat" ayant "la Syrie au cœur" aurait du mal à cautionner.

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